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Storyhouse : comment une bibliothèque innovante est devenue en 2 ans le centre culturel le plus visité du Royaume-Uni

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    Storyhouse
    La nouvelle bibliothèque Storyhouse de Chester, au Royaume-Uni, s'étend sur 7 500 m². Les travaux de transformation de l'ancien cinéma de la ville se sont déroulés entre octobre 2014 et avril 2017 (DR)
  • Storyhouse bouleverse les statistiques. En quelques mois, son équipe a réussi à transformer la bibliothèque moribonde de Chester, une petite ville du Royaume-Uni, en centre culturel le plus visité du pays. Depuis son ouverture en mai 2017, ce complexe réunissant une bibliothèque, un cinéma, un théâtre et un restaurant n’est pas qu’un modèle d’innovation culturelle. Présenté à l’occasion de la dernière conférence annuelle de la coopérative mondiale de bibliothèques OCLC (Online computer library center), c’est aussi un exemple d’inclusion et un projet économique solide voué à une croissance durable.

    Les photos ont fait le tour du monde. Le 14 juin 2018, Meghan Markle, l’épouse du prince Harry, effectuait sa première mission royale officielle aux côté de la reine Elizabeth II lors d’un petit voyage dans le Chechire, au nord du pays. Certains retiendront la complicité affichée des deux femmes, qui a fait alors la Une des magazines people ; d’autres qu’elles se sont rendues ce jour-là à Chester, une petite ville fortifiée à la frontière avec le Pays de Galles, pour l’inauguration officielle de sa nouvelle bibliothèque : Storyhouse.

    Une bibliothèque pionnière

    Ce nouvel établissement, ouvert en mai 2017 et construit dans le bâtiment de l’ancien cinéma Art Déco de la ville, valait bien le déplacement de deux des personnalités les plus en vue du Royaume-Uni. Car Storyhouse est une bibliothèque pionnière : bien sûr, les livres y sont omniprésents ; mais loin de se limiter au prêt d’ouvrages, l’établissement se définit comme un véritable “carrefour communautaire”. Il dispose d’un théâtre, d’un cinéma et d’un centre culturel qui offre chaque année plus de 2 000 activités aux personnes défavorisées ou marginalisées locales (personnes sans domicile fixe, isolées, âgées, handicapées, réfugiées, etc). “La bibliothèque est très conviviale, confie Alex Clifton, le directeur artistique de Storyhouse ; les gens peuvent apprendre, la communauté peut se rassembler et les gens partager leurs histoires”. Ouverte tous les jours de la semaine jusqu’à 23 heures, elle propose les horaires d’ouverture les plus étendus de toutes les bibliothèques publiques britanniques. Aujourd’hui, l’établissement accueille plus d’un million de visiteurs par an (contre moins de 300 000 visiteurs, du temps de l’ancienne bibliothèque).

    Storyhouse

    Un lieu inclusif

    “Chester est une petite ville de 185 000 résidents qui reçoit plus de 5 millions de touristes par an, poursuit Alex Clifton ; pourtant, la ville stagne : composée majoritairement de britanniques blancs, elle fait face à un phénomène de pauvreté et d’exclusion des différentes communautés en marge qui a généré beaucoup de conflits”. En tant que lieu inclusif, Storyhouse a mis la collaboration de la communauté des usagers avec les professionnels au coeur même de son activité : 131 associations s’y réunissent gratuitement et prennent la main sur le bâtiment au gré de leurs projets. Par ailleurs, de nombreux partenariats ont été tissés, notamment avec l’université voisine, les écoles ou avec des fondations caritatives, afin de soutenir et de faire venir des publics qui ne viendraient pas naturellement au sein de la bibliothèque. En plus des différents festivals littéraires et de théâtre, des programmes sur mesure (mentorat, stages, volontariat, etc) sont proposés à tous les usagers afin de favoriser leur intégration sociale et professionnelle. “Depuis notre ouverture, nous avons aidé 63 jeunes qui nous avaient été présentés par les collectivités locales à trouver un emploi, parfois même au sein de l’établissement”, ajoute Alex Clifton.

    La bibliothèque comme lieu de transformation

    Storyhouse“L’histoire de Storyhouse illustre les tendances en matière d’engagement communautaire que j’observe dans beaucoup de bibliothèques publiques, notamment aux Etats-Unis, explique Jenny Johnson, directrice marketing d’OCLC ; car les établissements rassemblent généralement différentes communautés. Et au sein de ces communautés, différents groupes de personnes ont besoin de différents services”.

    Les chiffres le prouvent : “De la sensibilisation au financement”, une enquête OCLC réalisée il y a 10 ans et reconduite l’an dernier, permet de constater une évolution dans les attentes des usagers envers les bibliothèques. Parmi les points positifs permettant d’identifier la bibliothèque comme un lieu de transformation de la vie, certains d’entre eux sont en forte augmentation : “un lieu qui offre des activités et du divertissement que l’on ne peut trouver nulle part ailleurs” (+ 10%) , “un lieu qui propose des cours, des programmes et des outils aux immigrés” (+ 10%), “un lieu pour se réunir et se socialiser” (+ 9%) et “un lieu qui permet aux gens d’acquérir des compétences pour le travail” (+ 7%). Storyhouse en est la preuve : la ville a constaté une forte augmentation du nombre de détenteurs de cartes de bibliothèque.

    Storyhouse

    Un modèle économique durable

    Dans un contexte global de réduction des budgets alloués aux bibliothèques (ils ont été divisés par deux au Royaume-Uni entre 1996 et 2016) un projet global tel que Storyhouse, financé grâce à un modèle économique permettant une croissance durable, est une véritable opportunité pour la ville : c’est une entreprise privée qui gère le cinéma et le restaurant, tandis que les pièces de théâtre, produites en interne, génèrent leurs propres bénéfices. “75 % du budget de l’établissement provient de ses propres revenus qui financent l’ensemble de ses activités”, explique Alex Clifton. “Le défi perpétuel des bibliothèques est de faire mieux avec moins, conclut Jenny Johnson d’OCLC ; le pari semble gagné avec un modèle tel que Storyhouse”.

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