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Lorenzo Soccavo : "dans la lecture, la frontière entre réalité et fiction est perméable"

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    Lorenzo Soccavo : "C'est surtout autour de l'interface livres-lecteurs que je me pose des questions, notamment sur la façon dont le lecteur peut autonomiser ce qu'il projette dans sa lecture" (Freepik)
  • Les chemins virtuels d'Archimag croisent régulièrement ceux de Lorenzo Soccavo. Au gré de partages sur les réseaux sociaux ou de commentaires d'articles, ce chercheur en prospective et en futurologie du livre et de la lecture fait partie de la communauté d'Archimag et réalise une veille active sur ces sujets. Lui consacrer un portrait était l'occasion pour nous de découvrir qui se cache derrière nos réseaux. 

    Lorenzo-SoccavoLorenzo Soccavo se décrit lui-même comme un homme de l'écrit, voire un maniaque du "mot juste". Cette passion pour la lecture et les textes, il la doit à une enfance malheureuse, de laquelle il a essayé de s'extraire en se réfugiant dans les livres. "La lecture constituait pour moi un moyen d'évasion vers d'autres mondes", confie-t-il. Si, comme Marcel Proust, il avoue se rappeler peu de ses lectures d'enfance, mais davantage du contexte auquel il essayait d'échapper ("Sur la lecture", Marcel Proust, 1905), il reconnaît néanmoins qu'elles ont alimenté le magma volatile de son identité narrative. 

    Jeune homme, il entame une formation en psychologie qu'il abandonne en cours de route pour se consacrer à l'écriture. "Je m'orientais vers la psychologie clinique et la psychopathologie", se souvient-il ; "puis j'ai eu des velléités d'auteur de fiction". Pendant plusieurs années, Lorenzo Soccavo fait de l'écriture son quotidien en joignant l'agréable (roman, théâtre, etc.) à l'utile (piges en journalisme), sans obtenir le succès dont il rêve.

    Le Salon du Livre de Paris de l'an 2000 et son premier village d'édition numérique constituent pour lui un tournant. Lorenzo Soccavo y découvre notamment l'une des toutes premières tablettes de lecture : le Cybook développé par Cytale (entreprise française créée, entre autres, par Erik Orsenna et Jacques Attali en 1998 et qui déposa le bilan en juillet 2002. En 2003, deux anciens salariés de Cytale fondent Bookeen tout en reprenant certains actifs de Cytale). "Déçu par ses fonctionnalités rudimentaires, je me suis renseigné sur ce qui se faisait ailleurs", se souvient-il. Il découvre alors les travaux de recherche du MIT sur l'encre et le papier électroniques. "J'ai senti qu'il allait se passer quelque chose au niveau des dispositifs et des pratiques de lecture", explique-t-il ; "je me suis donc formé en autodidacte à la prospective, avec une dimension historique sur le livre et la lecture. Cela fait dix-huit ans que je suis dans cette aventure". 

    Autonomie du lecteur

    En 2007, Lorenzo Soccavo publie "Gutenberg 2.0, le futur du livre" (M21 Editions), dans lequel il s'intéresse à l'évolution du livre imprimé jusqu'à l'apparition du livre numérique et analyse ses impacts sur les différents maillons de la chaîne du livre. Son activité de chercheur associé au programme de recherche "Ethiques et mythes de la création" à l'Institut Charles Cros est depuis rythmé de missions de conseil, de conférences ou de formations, notamment auprès de professionnels du livre et de la lecture. Il enseigne également quelque temps comme vacataire à l'université de Villetaneuse (Paris 13) et dans plusieurs écoles privées. "Je ne suis pas "monsieur Numérique", comme certains m'ont parfois surnommé", se défend-t-il ; "je suis un littéraire de sensibilité et c'est surtout autour de l'interface livres-lecteurs que je me pose des questions, notamment sur la façon dont le lecteur peut autonomiser ce qu'il projette dans sa lecture".

    Cette question de l'autonomie du lecteur et de ce qu'il nomme le "fictionaute" est justement au coeur de ses recherches actuelles : c'est-à-dire la part de soi ou la "trace" que l'on projette dans chacune de nos lectures. "Ce qui me passionne actuellement, ce serait d'arriver à faire conscientiser par la lectrice et le lecteur cette trace, pour les rendre ensuite autonomes", explique-t-il ; "je souhaite trouver dans quelle mesure cette part de nous vit dans les fictions littéraires et participe à notre identité narrative et peut nous servir dans le monde réel". Dans ses recherches, Lorenzo Soccavo s'interroge donc sur la frontière, qu'il juge perméable, entre réalité et fiction et sur différentes pistes permettant aux lecteurs de constituer leur "fictionaute" pour en faire un "voyageur dans l'imaginaire". "Finalement, j'ai échoué en tant qu'auteur à créer des mondes de fiction", reconnaît-il ; "mais peut-être y arriverai-je en tant que chercheur ?"


    Il like

    • Son livre préféré : "La montagne magique", de Thomas Mann, que j'ai relu une quinzaine de fois.
    • Son support de lecture préféré : Je lis beaucoup sur liseuse, mais mon support préféré reste le livre imprimé à cause de l'intelligence de son interface et de l'aisance dans la navigabilité qu'il propose.
    • Son lieu préféré : Comme Proust, je préfère voyager dans les livres. Je citerai donc la province de Castalie, qui est une cité pédagogique utopique imaginée par Hermann Hesse dans "Le jeu des perles de verre".
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    Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.
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