Article réservé aux abonnés Archimag.com

Data centers : les nouveaux poumons “verts” de l’économie mondiale ?

  • data-centers-nouveaux-poumons-verts-economie-mondiale.jpg

    Face à des exigences réglementaires et environnementales croissantes, les opérateurs de data centers innovent pour réduire leur empreinte énergétique et répondre aux défis de durabilité (Freepik).
  • Si le cloud s’impose comme le moteur de la transformation digitale, sa généralisation s’accompagne de nombreux défis. Car qui dit cloud, dit data centers. Et tant en Europe qu’au niveau mondial, des réglementations de plus en plus strictes imposent des standards élevés en matière de réduction de l’empreinte carbone et de résilience des data centers.

    enlightenedCET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°380
    mail Découvrez toutes les newsletters thématiques gratuites d'Archimag dédiées aux professionnels de la transformation numérique, des bibliothèques, des archives, de la veille et de la documentation.


    Entre la Directive européenne de septembre 2023 sur l’efficacité énergétique (qui impose aux entreprises, y compris aux opérateurs de data centers, de réduire leur consommation énergétique et d’optimiser leurs processus pour atteindre des objectifs de durabilité), le règlement UE 2019/424 (qui vise à augmenter l’efficacité énergétique des serveurs et des équipements de stockage de données), les taxes spécifiques sur la consommation énergétique des data centers et sur leurs émissions de CO₂, et le Code de conduite européen pour les data centers (qui fournit des recommandations techniques et opérationnelles pour réduire leur empreinte énergétique), les opérateurs de data centers sont sous pression.

    Lire aussi : Le marché des data centers toujours en pleine expansion malgré des défis à relever

    Opérateurs de data centers : vers une innovation continue

    À ces exigences environnementales s’ajoutent d’autres contraintes liées à la sécurité et à la souveraineté des données. Le projet de directive EUCS (European cybersecurity certification scheme for cloud services), élaboré par l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (Enisa), en fait partie. Aussi, afin de respecter cet entrelacs de réglementations et réduire leur empreinte écologique, les opérateurs de data centers travaillent autour de plusieurs axes :

    • Le refroidissement par air libre et immersion

    Au lieu de recourir à des systèmes de climatisation gourmands en énergie, certains optent pour le refroidissement par air libre, qui utilise l’air extérieur lorsque les températures le permettent. OVHcloud utilise depuis longtemps cette technique pour limiter l’usage de la climatisation. D’autres exploitent des technologies de refroidissement par immersion, où les serveurs sont plongés dans des liquides isolants pour dissiper la chaleur plus efficacement. C’est le cas de Microsoft.

    • L’utilisation de sources d’énergie renouvelable

    Rappelons qu’environ 60 % de l’électricité consommée par les data centers dans le monde provient encore d’énergies fossiles (charbon, gaz naturel, pétrole). Les data centers situés en Asie, au Moyen-Orient et dans certaines parties des États-Unis dépendent encore fortement de cvince_data-centers-nouveaux-poumons-verts-economie-mondiale.jpges énergies. Les opérateurs se tournent toutefois de plus en plus vers des énergies renouvelables, comme le solaire, l’éolien ou même l’hydroélectricité.

    Google et Microsoft visent des objectifs d’alimentation à 100 % en énergie renouvelable. Microsoft entend même alimenter ses data centers en hydrogène vert pour remplacer les générateurs diesel utilisés en cas de panne. L’objectif étant d’atteindre un bilan carbone négatif d’ici 2030. OVHcloud, pour sa part, s’engage à n’utiliser que de l’électricité 100 % renouvelable pour alimenter ses data centers européens. AWS a aussi investi massivement dans des parcs solaires et éoliens pour alimenter ses data centers.

    Lire aussi : Transition numérique : « Aujourd’hui, les grandes évolutions concernent la data »

    • Récupération et réutilisation de la chaleur

    Plutôt que de rejeter la chaleur générée par les serveurs, certains data centers réutilisent cette chaleur pour alimenter des réseaux de chauffage urbain ou des serres agricoles. En Suède, plusieurs data centers collaborent avec des villes pour injecter la chaleur excédentaire dans les systèmes de chauffage résidentiel. Dans son data center PA10, à Paris, le géant Equinix (plus de 240 centres de données dans le monde) récupère la chaleur générée par les équipements et la réinjecte dans le réseau de chauffage urbain pour chauffer des bâtiments résidentiels à proximité.

    • Optimisation des équipements et prolongement de leur durée de vie

    Plus des trois quarts des serveurs des data centers seraient suréquipés. Et cette tendance à "l’oversizing" est générale. Plusieurs facteurs expliquent cette situation. D’abord, les data centers sont souvent dotés de systèmes de redondance élevés et disposent donc d’équipements en double, voire en triple, pour chaque composant critique. Cette surcapacité garantit la disponibilité et la résilience en cas de panne.

    Ensuite, de nombreux opérateurs surdimensionnent leurs infrastructures pour être capables de gérer les pics de charge élevés, même si ceux-ci sont rares. Ainsi, une part importante de l’infrastructure peut rester inactive ou fonctionner à faible capacité la majeure partie du temps, gaspillant ainsi de l’énergie.

    Enfin, les services cloud contribuent aussi au "suréquipement", notamment en raison de la surallocation des ressources pour les clients, ce qui peut entraîner une sous-utilisation des équipements et augmenter la consommation énergétique.

    • Conception de bâtiments écoresponsables

    La construction même des data centers évolue vers des modèles écoresponsables, intégrant des matériaux recyclables et des conceptions permettant de réduire la consommation d’énergie. Certains sont désormais certifiés selon des standards écologiques, comme LEED (Leadership in energy and environmental design), qui impose des critères stricts en matière d’économie d’énergie et de gestion durable. Equinix, par exemple, utilise des matériaux recyclés et à faible empreinte carbone dans la construction de ses nouvelles installations et s’efforce de maximiser la durabilité de ses bâtiments.

    • L’IA pour l’optimisation énergétique

    Nous sommes ici non pas dans le "Green IT", mais dans l’"IT for Green", autrement dit dans l’exploitation de technologies pour soutenir la transition écologique. L’IA est, en effet, de plus en plus utilisée pour analyser les données en temps réel et optimiser la gestion de la température, de l’humidité et des charges de travail.

    Grâce au machine learning, les systèmes peuvent ajuster automatiquement la consommation d’énergie en fonction des besoins, réduisant ainsi les gaspillages. Ainsi, le système d’IA développé par Google DeepMind analyse en temps réel les données de température, de charge et d’humidité, et ajuste automatiquement les paramètres de refroidissement des data centers. À la clé : une réduction de 30 % de la consommation d’énergie liée au refroidissement.

    Lire aussi : Cloud : Pourquoi 97 % des entreprises françaises dépassent le budget initial

    Une explosion incontrôlable de la consommation d’énergie ?

    Les data centers consomment aujourd’hui entre 1 et 2 % de l’électricité mondiale. Ce chiffre peut sembler modeste, mais il s’agit d’un volume d’énergie colossal compte tenu de la demande mondiale et des besoins croissants de stockage et de traitement de données.

    Rappelons que les data centers mondiaux consomment environ 250 térawattheures (TWh) par an, ce qui équivaut à la consommation énergétique de pays comme l’Espagne ou l’Australie. Et avec l’essor de l’IA, du cloud et de l’IoT, cette consommation énergétique pourrait atteindre jusqu’à 8 % de la consommation mondiale d’électricité d’ici 2030 si les pratiques d’efficacité énergétique ne suivent pas la courbe de croissance de la demande.

    À lire sur Archimag
    Les podcasts d'Archimag
    Gilles Pécout a été nommé à la présidence de la Bibliothèque nationale de France au printemps dernier. Au micro de Bruno Texier, pour les podcasts d'Archimag, le nouveau président présente les grandes lignes de son programme à la tête de l'institution, notamment l'apport de l'IA dans le développement de nouveaux services.

    Serda Formations Data 2023