Sommaire du dossier :
- Market intelligence : extension du domaine de la veille
- Market intelligence : "Les veilleurs doivent être les animateurs de l'intelligence collective"
- Les six points clés d'une veille en market intelligence réussie
- Engie : la market intelligence mutualisée
Veille ? Intelligence économique ? Market intelligence ! Voici un "nouveau" terrain pour les veilleurs. Avec un peu de veille économique, un peu de veille concurrentielle et un solide ancrage dans le marketing de l’entreprise.
La veille a donné naissance à une multitude de livres et d'articles académiques. Elle a également suscité de très nombreuses conférences en France et à l'étranger. Pourtant, certains observateurs de la vie économique lui reprochent d'être trop éloignée des réalités du terrain et en viennent à critiquer ses méthodes : trop de théorie, pas assez d'impact sur la performance commerciale de l'entreprise méconnaissance des notions fondamentales de l'économie...
Mais il se trouve tout de même des praticiens pour défendre la veille lorsque celle-ci est adossée à des objectifs précis. C'est le cas de Max-Hubert Belescot. Dans un ouvrage paru en 2012, ce consultant-formateur-expert expliquait comment il avait mis en place un rigoureux programme de market intelligence alors qu'il venait de prendre un nouveau poste de "global account manager" dans une société internationale :
"En quelques semaines, j'avais cerné les forces en présence, j'avais les idées claires sur les marchés à aborder, les sujets à traiter, les outils marketing et commerciaux à constituer, le budget d'avant-vente à y consacrer. Puis j'ai présenté une stratégie complète de développement commercial sous forme de business plan à ma direction" (1).
L'objectif que la multinationale avait assigné à Max-Hubert Belescot tenait en quelques mots : pénétrer les marchés francophones et y développer des ventes soutenues. Fort des résultats obtenus, il fit un constat : "Tout au long de ma carrière de vendeur, je ne me sentais pas en mesure d'accomplir mon rôle sans avoir une bonne connaissance de l'environnement dans lequel j'interagissais. Il m'était devenu indispensable de maîtriser l'environnement compétitif de l'entreprise et d'être à l'écoute de toute information qui pouvait la remettre en cause".
Veille à 360°
Voilà bien résumé le market intelligence. Les observateurs s'entendent généralement sur son rayon d'action : "L'intelligence marketing vise principalement à déterminer des opportunités de marché, à développer des stratégies de pénétration de marchés et d'outils aptes à mesurer, de façon complémentaire aux outils traditionnels du marketing, les comportements actuels ou à venir des individus et organisations constituant l'environnement de l'entreprise : clients, fournisseurs, alliés, concurrents..." Cette définition du portail de l'intelligence économique a l'avantage de planter le décor et de privilégier une approche "environnement" de l'entreprise. Elle met bien en lumière la dimension "marché" de la veille et insiste sur la notion de performance commerciale.
De façon très pratique, la market intelligence va identifier une série d'informations vitales pour l'entreprise :
cartographie des acteurs du marché, recensement des forces et faiblesses de l'entreprise sur ce marché, identification de la concurrence et des nouveaux entrants, compréhension des produits ou services dans le secteur, détection des signaux faibles susceptibles d'affecter le marché... Bien entendu, toutes ces informations ne se trouvent pas au coin de la rue ! Au contraire, il faut aller les chercher en mettant en place un ambitieux chantier de veille. Et pour répondre à tous ces enjeux, cette veille se fera à 360° comme disent les professionnels : veille commerciale, veille concurrentielle, veille technologique... sans oublier un important volet consacré à la veille juridique et réglementaire. Il faut, en particulier, être à l'écoute de ce qui se passe dans les comités de normalisation français et internationaux (Afnor, Iso...). En effet, selon un rapport de l'Afnor, près de 80 % des normes concernant les entreprises françaises sont décidées au sein d'enceintes internationales dédiées à la normalisation (2).
Et pour les PME ?
Une telle activité de collecte et d'analyse d'information est envisageable pour les grands comptes qui disposent des ressources humaines, logicielles et financière adéquates. Mais qu'en est-il pour les petites et moyennes entreprises ? Selon Saul Dobney, directeur général du cabinet Dobney spécialisé dans le conseil, les PME peuvent, elles aussi, pratiquer la market intelligence : "Cela peut se faire simplement en consultant les sites web et en visitant les magasins de la concurrence. Il faut également s'informer sur le nombre et la nature de concurrents potentiels et se tenir au courant de l'évolution du marché en lisant les revues spécialisés et la presse professionnelle". A ses yeux, il convient également de jeter un oeil attentif aux commentaires en ligne postés par les consommateurs : "Cela aidera l'entreprise à améliorer son offre ou sa qualité de service", ajoute Saul Dobney.
Outils gratuits et solutions professionnelles
De nombreux outils sont mis à disposition des entreprises (petites, moyennes et grandes) désireuses d'affiner la connaissance de leur environnement. Par exemple, Google Keyword Planner qui dresse la liste des termes les plus recherchés par les internautes. Classées par thèmes, ces requêtes donnent un aperçu des questions que se posent les consommateurs... Elles sont également un thermomètre assez fidèle de ce que pensent les internautes puisque Google représente près de 93 % de parts de marché de la recherche en France. Moins connu, SEMrush dévoile les stratégies des entreprises sur le web : mots-clé utilisés par les concurrents, identification de nouveaux entrants en recherche naturelle, indicateurs de visibilité sur le web... Autre solution dédiée à l'analyse des attentes du consommateur, Paarly propose un panorama assez large : surveillance des prix du concurrent, détection de rupture de stock, création de rapports sur les produits concurrencés... Quant à Buzzsumo, il se présente comme un outil de détection des fameux "influenceurs" et prescripteurs du web tels que les blogueurs ou les journalistes ; à ce titre, il remplit plutôt une fonction dédiée à la e-réputation, mais peut parfaitement trouver sa place dans une démarche de market intelligence.
La market intelligence est aussi un levier de croissance pour les éditeurs de solutions professionnelles de veille qui ont su se positionner sur ce créneau : Ami Software (Groupe Bertin Technologies), KB Crawl, Digimind, Intelixir, Spotter, Coexel, Vecteur Plus... Des prestataires comme L'Argus de la presse ont également développé des pôles de market intelligence afin de "détecter et analyser les tendances, opportunités, risques et acteurs déterminants" pour accompagner les entreprises dans leur développement. Naguère connu pour ses prestations de veille dans le domaine des médias, L'Argus a développé ces dernières années de nouvelles activités comme la plateforme Younomie qui recense 50 000 journalistes dans le monde. Avec ce positionnement sur le segment du market intelligence, il espère toucher les entreprises confrontées aux données massives et "à un monde en mouvement perpétuel". L'Argus de la presse capitalise ainsi sur son savoir-faire en matière de collecte d'information. Il y ajoute des conseils personnalisés afin d'accompagner les décideurs dans leur stratégie de développement.
Les entreprises ont donc le choix d'opter pour l'achat d'une solution de veille ou de confier leur activité de market intelligence à un prestataire. A elles de choisir ce qui convient le mieux à leurs objectifs.
(1) La market intelligence appliquée à l'art de la vente dans l'entreprise 2.0 : comment améliorer la performance commerciale avec les méthodes, organisations et outils de la "market intelligence". Max-Hubert Belescot. Editions Books On Demande. 2012.
(2) Rapport de l'Afnor. Impact économique de la normalisation. Changement économique, normes et croissance en France. juin 2009.