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Documation 2025 - Les veilleurs entre réinvention de leur métier et impact de l’IA

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    Le salon Documation se tient à Paris les 19 et 20 mars 2025 (Archimag)
  • La conférence inaugurale de i-Expo / Documation a réuni des spécialistes de la veille autour du thème de l’hybridation de leur métier avec l’intelligence artificielle.

    Faut-il réinventer les métiers de la veille et de l’information ? Dans un contexte d’incertitude géopolitique et d’accélération technologique, la question méritait d'être posée. Le public de Documation ne s'y est d'ailleurs pas trompé : la conférence consacrée à cette thématique a fait salle comble tant la question de l'intelligence artificielle est devenue incontournable. "Difficile de ne pas parler d'IA" reconnaît Véronique Mesguich, consultante et formatrice en veille stratégique et management de l'information ; "l'IA générative ne cesse d'évoluer mais ses résultats portent sur du web de surface et cela reste très inférieur à ce que peut produire un professionnel de l’information”.

    A ses yeux, il n’est pas nécessaire de réinventer les métiers mais plutôt les redéfinir et miser sur les qualités propres à l’être humain : “l’IA n’a pas la capacité à détecter les signaux faibles alors que nous, humains, disposons de cette qualité. Nous devons privilégier une hybridation intelligente entre l’humain et la machine”.

    Constat similaire mais nuancé pour François Jeanne-Beylot, président du Synfie (Syndicat français de l’intelligence économique) : “nos métiers doivent relever plusieurs défis comme la désinformation, l’environnement juridique, la gestion des flux et des stocks d’informations… Nous sommes à un moment où nous devons trouver en effet un point d’équilibre entre l’humain et l'intelligence artificielle. Pour cela, nous devons faire beaucoup de pédagogie.”

    Les veilleurs sont en mesure de détecter et contextualiser un signal faible

    Un avis partagé par David Fayon,  Responsable Ecosystème Innovation de La Poste : “les veilleurs sont désormais challengés par de nombreux internautes, nous devons donc constamment nous mettre à niveau notamment avec les évolutions de l’IA. Nous conservons un avantage car nous sommes en mesure de détecter et contextualiser un signal faible. Face aux hallucinations de l’IA et aux biais cognitifs, nous devons valoriser cette compétence”.

    Autre regard, celui de Mickaël Réault, PDG de SindUp qui estime que la diversification des sources est indispensable. L’éditeur vient d’ailleurs de lancer le service SiteID qui a pour ambition d’aider les veilleurs à se préparer à “la restriction du web ouvert en raison des paywall qui se multiplient sur les sites d’information.” Un outil qui s’inscrit dans l’adaptation des veilleurs à un espace informationnel en constante évolution : “de ce point de vue, il n’est pas inutile de lire ou relire L’art de la guerre” de Sun Tzu.

    Noureddine Lamiri (Everteam), pour sa part, dresse un constat : “le volume d'informations reçu par les entreprises ne cesse de croître et cela engendre une dégradation de l’organisation de l’information : que conserver ? que détruire ? Les gestionnaires de l’information doivent faire preuve de plasticité et s'adapter à la nouvelle donne”.

    Le RAG, une aide décisive

    Au-delà du constat, Christian Langevin, chef de produit Chapsvision et membre du conseil d'administration du Hub France IA, rappelle les apports de l’IA dans le cycle de la veille : “la phase de collecte (sourcing, qualification des sources), le classement qui est particulièrement chronophage lorsqu’il est réalisé par un humain, l’aide à l’analyse, et la génération de produits documentaires comme la synthèse et le résumé. Sans oublier le RAG qui apporte une aide décisive dans la configuration questions/réponses”.

    Le RAG (Retrieval-Augmented Generation ou génération augmentée par récupération) est une technique qui améliore la précision et la fiabilité des modèles de langage (LLM) en leur permettant d'accéder à des sources d'informations externes lors de la génération de réponses. Concrètement, le RAG associe deux processus : la récupération d'informations pertinentes à partir d'une base de données ou d'un corpus de connaissances, et la génération de texte par un modèle de langage. Ce qui permet aux modèles de langage de dépasser les limites de leur entraînement initial en accédant à des informations à jour et spécifiques.

    C’est aux professionnels  d’affirmer un rôle de leadership au sein de l’entreprise

    Du côté des prestataires et des éditeurs de solutions, le salon Documation est l’occasion de saisir l’air du temps et les attentes des clients. Anne-Marie Libmann, directrice opérationnelle Fla Consultants, constate que “les veilleurs savent prendre de la distance par rapport à l’IA. Ils savent que les méthodologies et les sources restent très importantes. Ils ont conservé une vision très large de leur activité qui comprend aussi bien la veille à proprement parler, que la gestion documentaire, le knowledge management, la cartographie, l’analyse… C’est un regard beaucoup plus riche que bien d’autres professions par rapport à ce qui se passe avec l’IA !”

    Tous ces changements vont-ils entraîner un changement du métier ? “Le métier va changer bien sûr ! On peut craindre que pour le top management, l’IA devienne une documentaliste et que les veilleurs-documentalistes deviennent un client de l’IA au même titre que les autres. Nous allons devoir nous positionner et affirmer un rôle de leadership au sein de l’entreprise. Cela a d’ailleurs toujours été un point à travailler chez les professionnels de l’information pour acquérir une vraie autorité au niveau top management”.

    28 acquisitions en l’espace de cinq ans

    Devenu un acteur incontournable de la veille, Chapsvision a acquis une très forte notoriété en l’espace de cinq ans seulement. “Chapsvision est né de l’idée d’Olivier Dellenbach qui a décidé, en 2019, de créer de toutes pièces un concurrent à l’américain Palantir” rappelle Philippe Gros ; “le groupe a procédé à 28 rachats et emploie désormais 1 250 personnes pour un chiffres d’affaires supérieur à 200 millions d’euros”.

    Devenu un acteur européen souverain, Chapsvision a commencé à chasser sur des terres lointaines : les Etats-Unis, la Corée du Sud, le Japon. Pour y parvenir, la société mise sur son laboratoire de data scientists qui regroupe une centaine de personnes travaillant sur des algorithmes d’IA. Objectif : être capable de traiter l’analyse de textes, l’analyse de vidéos, l’analyse d’images, la reconnaissance faciale.

    Aux yeux de Philippe Gros, cette édition 2025 de Documation est à marquer d’une pierre blanche : “depuis le Covid, c'était assez moribond et j’ai l’impression que cette année sera une année formidable ! Nous multiplions les rendez-vous sur des projets concrets. Nos clients appartiennent à parts égales au domaine régalien (ministère des Armées, ministère de l'Intérieur) et au secteur privé.” Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, Chapsvision se réjouit de la récente annonce du président de la République d’augmenter les budgets dédiés à la défense et à l'industrie de l’armement avec lesquelles Chapsvision est déjà en contact.

    “On ne peut pas fonder une décision stratégique sur une analyse machine…”

    C’est peu dire que l’IA provoque une très forte curiosité parmi les veilleurs. De la curiosité certes mais aussi des interrogations. Pour Arnaud Turpinier (EspritsCollaboratifs), “il y a une attente concernant l’ergonomie de ces outils qui doivent être à la hauteur des plateformes grand public. Pendant longtemps, les plateformes de veille proposaient des fonctionnalités avancées mais des expériences utilisateurs moins réussies. Aujourd’hui, il est possible de construire des plateformes qui ont la couverture fonctionnelle que souhaitent les utilisateurs mais avec une expérience utilisateur plus réjouissante, plus simple. C’est ce que nous faisons et que d’autres éditeurs font également”.

    Autre attente des veilleurs qui sont aussi une crainte selon lui : “face à la surabondance informationnelle, l’IA est une aide bienvenue pour les veilleurs mais les managers risquent de penser que les veilleurs ne servent plus à rien et que l’IA va les remplacer. Il faut replacer les choses dans leur contexte: l’IA n’est qu’un outil et l’humain reste indispensable. On ne peut pas fonder une décision stratégique sur une analyse machine…”

     

     

     


     

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    L’intelligence artificielle s’infiltre partout. Dans nos recherches en ligne, dans nos recommandations culturelles, dans nos trajets quotidiens… Elle s’adapte, apprend, et devient une force invisible qui façonne nos décisions, souvent à notre insu. Mais que sait-on vraiment de ces IA qui nous entourent ? Pour les podcasts d’Archimag, et pour mieux comprendre leur influence sur nos vies et sur notre rapport à l’information, nous avons rencontré Laura Sibony. Enseignante à HEC et à Sciences Po, elle est l’auteure de Fantasia : contes et légendes de l'intelligence artificielle, publié en 2024 aux éditions Grasset. Dans son livre, Laura Sibony nous invite à regarder au-delà du spectacle de l’IA pour en comprendre les rouages invisibles. C'est pourquoi elle a choisi d’explorer l’IA à travers une approche originale plutôt que par la voie technique ou théorique.
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