La plupart du temps, le producteur d’un document bureautique n’a pas pour fonction principale d’en assurer aussi le classement et l’archivage. De plus en plus, des professionnels de l’information prennent le relai. Il y a de quoi faire !
Il n’y a pas que les informations du service documentaire ou les archives versées. Dans tous les organismes, privés ou publics, des documents sont créés chaque jour, sous forme papier (encore) ou numérique. Un contenu qui peut avoir une valeur informative, engageante ou patrimoniale. Pour de nombreux professionnels, documentalistes, records managers, archivistes, les gérer dès la source fait partie du travail. En voici deux exemples.
1. Eurométropole de Strasbourg
L’Eurométropole de Strasbourg est une imposante structure. Regroupant 27 communes, elle emploie un effectif de 7 500 personnes réparties dans 140 services. Carine Vogler, adjointe au directeur, est responsable du département gestion des données et documents de l’administration. Son service compte quatre archivistes, dont elle-même, cinq agents d’archives et trois à quatre personnes sous contrat. Sa mission est d’intervenir dans les services dès la constitution des dossiers et jusqu’au versement, en recourant à des outils comme un référentiel de conservation, des tableaux de gestion, un plan de nommage. Autrement dit, de structurer la production documentaire, conduire la politique d’archivage papier et électronique.
Autant d’occasions de produire des contenus nouveaux
L’environnement de travail change, de nouveaux outils sont utilisés, constate-t-elle. Par exemple, venant de Microsoft, OneNote, programme de prise de notes, ou Sharepoint, outil de collaboration qui a permis en quelques mois la création de plus d’une centaine d’espaces. Ce sont autant de facilités d’échange entre collaborateurs ou vers l’extérieur, et d’occasions de produire des contenus nouveaux.
Carine Vogler, s’en est alertée : il peut y avoir là des contenus forts ou potentiellement archivables qui doivent relever d’un traitement adéquat. Elle procède à un rapide audit documentaire. Cette prise de conscience est partagée par la direction générale pour laquelle cela devient stratégique.
Élément facilitateur, le département a embauché un e-archiviste (l’archivage électronique a fait l’objet d’une lettre de mission de la part de la direction générale). Dans la foulée, toute l’équipe du département gestion des données et documents de l’administration se met au niveau.
Jour de nettoyage documentaire
Une réflexion méthodologique est engagée, un « guide des bonnes pratiques bureautiques » est rédigé à destination des agents, bientôt en version deux. Il inclut des « fiches astuces », fait l’objet d’ateliers de travail en présentiel ou par e-learning. L’ensemble participe d’une démarche projet, avec fiches projet, calendrier, délais et formalités de clôture.
Une action phare est décidée : un jour de nettoyage documentaire (cleaning day ou Osterputz, en anglais ou alsacien). Chacun est appelé à éliminer ce qui n’a pas de valeur, classer ou verser. Garder trois années d’antériorité peut suffire. Il faut travailler le nommage, penser tableau de gestion, partage, utiliser le bon disque réseau - l’informatique est encore peu dans le cloud.
L’équipe de Carine Vogler est en appui, disponible par téléphone ou sur rendez-vous dans le service. Des « goodies » sont distribués ! C’est l’occasion de mesurer le degré de motivation des uns et des autres, mais aussi de constater l’hétérogénéité du niveau informatique des agents. Certains n’osent pas dire qu’ils n’y arrivent pas ou ne savent pas (« qu’est-ce que l’explorateur Windows ? »).
Réalisée une première fois en 2016, l’opération doit être renouvelée début 2018. L’important est de créer un réflexe, d’ailleurs Carine Vogler s’attend à plus d’efficacité pour la deuxième édition.
L’ensemble constitue bien sûr une lourde charge pour le département gestion des données et documents de l’administration, qui vient s’ajouter au reste. « Il faut faire des arbitrages », concède Carine Vogler.
2. Union des industries chimiques
À l’Union des industries chimiques (UIC), syndicat professionnel patronal employant près de quarante personnes (la plupart des « experts »), c’est aux PDF que le service documentaire de Sophie Cottat va s’attaquer.
D’où proviennent-ils ? Ils sont reçus par les experts dans leurs messageries ou importés par eux à l’occasion d’une recherche. Ces documents, au format PDF pour la plupart, mais pas exclusivement, consistent notamment en des livres blancs.
Si leur intérêt est avéré, le problème est qu’ils sont stockés individuellement et sans organisation a priori. D’où des doublons, des fichiers que l’on ne parvient pas à retrouver et que l’on réimporte, avec pour chacun la contrainte de ne pas saturer son espace serveur, sous peine d’être invité à mettre de l’ordre.
Avancer prudemment
Sophie Cottat va avancer prudemment. Ses objectifs sont de deux ordres : alléger le serveur et donner de la visibilité à ces documents au bénéfice de ses utilisateurs. Elle pense récupérer l’ensemble de ces PDF, solliciter les experts pour les évaluer en vue de leur intégration dans la base documentaire. Une solide indexation permettra de les retrouver facilement en tant que de besoin.
Elle s’attend à certaines difficultés : des documents ont un caractère confidentiel, chacun ne sait pas forcément ce que font les autres, quels peuvent être leurs centres d’intérêt, des habitudes de communication manquent… Mais, outre une meilleure occupation des espaces disque, la perspective d’un accès à cette documentation, partagé et en toute autonomie, devrait être motrice.
La direction générale vient de changer, c’est probablement l’occasion d’amorcer le projet.
+ Repères
Gestion allégée avec Attestation légale
Attestation légale propose aux entreprises une plateforme d’échange pour certains documents. Toute entreprise, dans ses relations avec ses clients doit fournir différentes pièces : attestations d’assurance, d’Urssaf, extrait Kbis, certificats qualité, etc. Pour un abonnement mensuel de 24,50 euros, Attestation légale les archive de façon sécurisée et dans une logique de réseau social.
Elle vérifie la validité des documents, par exemple à partir d’un numéro d’Urssaf ou en récupérant elle-même des documents à la source (elle achète l’extrait Kbis). Concernant les RIB, pour éviter tout piratage, une blockchain les héberge. Elle recourt à des serveurs en Europe (l’archivage est garanti pour 15 ans). La personnalité des contacts qui doivent accéder via ce réseau à ces documents est vérifiée. Enfin, lorsqu’une mise à jour est nécessaire, l’entreprise est alertée… quand ce n’est pas Attestation légale elle-même qui s’en charge !
« C’est une sorte de Linkedin administratif des entreprises », résume Renaud Sornin, président cofondateur. C’est en tout cas ça de moins à gérer par l’archiviste ou le records manager