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Des outils documentaires pour lutter contre le trafic des biens culturels

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    Il existe une norme internationale utilisée pour décrire les objets culturels menacés. Baptisée Object ID, elle facilite l’identification d’objets archéologiques, culturels et artistiques en cas de vol ou de perte. (Pixabay/Free-Photos)
  • Le pillage de biens culturels ne connaît pas de répit et peut rapporter gros. Les professionnels du patrimoine peuvent cependant compter sur une série de bases documentaires proposées par des institutions culturelles et par Interpol.

    100 millions d’euros. C’est l’estimation du vol perpétré le 20 mai 2010 au Musée d’art moderne de la ville de Paris. Ce jour-là, les braqueurs n’ont pas fait les choses à moitié en dérobant cinq chefs-d’œuvre signés Picasso, Matisse, Modigliani, Braque et Léger. Huit ans plus tard, aucun de ces tableaux n’a été retrouvé. Et nul ne sait ce qu’ils sont devenus. Sont-ils cachés dans un paradis fiscal ? Ont-ils été revendus sous le manteau par un antiquaire ripou ? Selon l’un des auteurs du casse, le tableau de Picasso (« Le pigeon aux petits pois ») a probablement été jeté dans une benne à ordures par un recéleur « pris de panique »...

    En 2010, ce vol avait provoqué une vive émotion parmi les professionnels du patrimoine. Mais il n’est que l’un des multiples larcins qui ont lieu quotidiennement dans les musées : « Chaque jour, quelque part dans le monde, un objet est volé ou pillé dans le but d’être vendu illégalement sur le marché. Au cours des trente dernières années, le trafic illicite d’œuvres d’art et de biens culturels est devenu un problème majeur », constate L’Observatoire international du trafic illicite de biens culturels.

    De son côté, Interpol avance des chiffres : l’organisation internationale policière a saisi 41 000 objets (de la pièce de monnaie jusqu’au mobilier) au cours d’opérations menées dans 81 pays entre les mois d’octobre et de décembre 2017.

    Des œuvres en danger sur liste rouge

    Malgré les progrès réalisés en matière de sécurisation des biens culturels (vidéosurveillance, gardiennage, marquage, alarme…), le pillage continue. Les musées peuvent tout de même compter sur une série d’outils documentaires dédiés à la traçabilité des biens culturels.

     

    C’est le cas des « Listes rouges de biens culturels en péril » de l’Icom (Conseil international des musées). Elles se présentent sous forme de fascicules rédigés en plusieurs langues. Mais attention : « Ces listes servent à illustrer les catégories de biens culturels les plus exposés au trafic illicite. Nous tenons à souligner qu’une liste rouge n’est pas une liste d’objets volés », précise l’Icom. Depuis 2000, une quinzaine de fascicules ont été publiés afin de signaler des biens culturels en danger au Yémen, au Cambodge ou au Pérou.

    Documentées par des institutions culturelles de différentes nationalités, les listes rouges sont réalisées à partir de rapports consacrés aux vols et aux pillages. « Pour chaque liste rouge, une enquête sur le trafic illicite est menée afin de comprendre quels types d’objets sont les plus recherchés par les acheteurs », explique le Conseil international des musées.

    Ces listes permettent-elles de prévenir des vols ? Oui, selon les autorités françaises qui avancent le chiffre de 13 pièces archéologiques de la Mésopotamie sauvées grâce à la liste rouge d’urgence des antiquités irakiennes en péril (version 2003). Et au Niger, ce sont près de 600 statues qui ont été restituées grâce, entre autres, à la liste rouge des objets archéologiques africains.

    En 1947, une première notice d’Interpol

    Plus connu pour ses activités de recherche d’individus dangereux que pour la lutte contre le trafic d’œuvres d’art, Interpol fait pourtant office de précurseur en la matière. Dès 1947, l’institution policière a publié la première notice dédiée aux œuvres volées. « Depuis lors, nous avons mis en place un système de diffusion d’informations particulièrement efficace sous la forme d’une base de données accessible non seulement aux services chargés de l’application de la loi, mais également aux particuliers disposant de droits d’accès spéciaux », indique Interpol.

    Plusieurs bases de données sont aujourd’hui mises à disposition des musées. L’une d’entre elles recense les déclarations d’œuvres d’art volées — et peut donc ne pas inclure les pièces qui n’ont pas fait l’objet d’une déclaration officielle de vol. Selon les données les plus récentes, environ 49 000 objets figuraient dans cette base de données au mois de septembre 2016. Chaque objet est documenté : type de bien, matière, artiste, dimensions, lieu du vol, etc. Un menu déroulant permet d’accéder directement aux biens volés récemment.

    Deux autres bases de données dédiées aux objets retrouvés et aux œuvres non réclamées par leurs propriétaires sont également administrées par Interpol, mais elles ne sont pas accessibles au public.

    Quant au ministère de la Culture, il propose une fiche plus particulièrement consacrée aux « vol, perte et destruction des biens des collections des musées de France ». Ce document se présente sous la forme d’un vadémécum applicable immédiatement après la constatation d’une disparition ou d’une dégradation suspecte : plainte auprès du procureur de la République, plainte avec constitution de partie civile auprès d’un juge d’instruction, alerte auprès du ministère de l’Intérieur…

    Quant au cas particulier des spoliations opérées par le régime nazi dans de nombreux pays européens, il est désormais bien documenté. Une douzaine de bases de données ont été créées en Allemagne, en Pologne ou en République tchèque. Elles proposent une documentation très précise des vols et des disparitions connus à ce jour. Ces bases de données et catalogues sur les œuvres d’art volées et spoliées sont recensées en France par l’Institut national de l’histoire de l’art.

    Neuf descripteurs pour documenter les œuvres menacées

    Il existe enfin une norme internationale utilisée pour décrire les objets culturels menacés. Baptisée Object ID, elle facilite l’identification d’objets archéologiques, culturels et artistiques en cas de vol ou de perte. Cette norme définit également une procédure standardisée pour documenter et décrire ces objets. Neuf descripteurs ont été retenus : type d’objet, matériaux et techniques, mesures, inscriptions et marquages, titre, sujet, date ou période, auteur. Auxquels il faut ajouter une série d’actions complémentaires : photographier l’objet, stocker la documentation dans un endroit sécurisé, etc.

    Lancé en 1993, le projet Object ID a été construit autour d’une collaboration inédite réunissant les musées, les forces de police, le secteur des assurances, les douanes et des experts en objets d’art. « Elle ne remplace en rien les inventaires fondés sur des critères scientifiques plus élaborés et une meilleure connaissance de l’objet », explique l’Unesco, l’un des promoteurs d’Object ID.
    Mais à elle seule, la norme Object ID ne fera pas tomber les cartels de la rapine. L’organisation internationale appelle donc les États à renforcer leur législation nationale de lutte contre le trafic illicite de biens culturels.

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