La Bnf devra bientôt engager une société privée pour assurer la sécurité de son site Richelieu, dans le deuxième arrondissement de Paris.
L'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris a mis au premier plan la question de la protection des grands lieux patrimoniaux français. Celle du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (Bnf), déjà victime d'un incendie en août 2013, interroge. En effet, les sapeurs-pompiers présents quotidiennement sur le site - présence financée par la Bnf - s'apprêtent à se désengager prochainement en raison notamment de la préparation des Jeux Olympiques de 2024. Cette dynamique, impulsée par le gouvernement, révolte les spécialistes. Explications.
Incendie rue de Richelieu
Rappelez-vous : peu après 5h30, un matin d'août 2013, un appel signale un départ de feu sur le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (Bnf), à Paris. Selon le communiqué du ministère de la Culture, l'incendie se serait déclaré au niveau des moteurs d'extraction d'une zone de désamiantage. Heureusement, les sapeurs-pompiers présents sur place sont intervenus sur les lieux à peine quelques minutes après que l'alerte ait été donnée, bien avant l'arrivée de leurs confrères de l'extérieur, qu'ils ont pu guider grâce à leur connaissance des lieux.
Quels auraient été les dommages si ces sapeurs-pompiers n'avaient pas été présents sur le site Richelieu de la Bnf, qui rassemble ses salles de recherche (départements des Manuscrits, Estampes et photographie, Monnaies, médailles et antiques, Arts du spectacle et Musique), la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) et la bibliothèque de l’École nationale des Chartes (Enc) ? En cours de rénovation depuis 2010, ce complexe architectural construit au 17e siècle a été partiellement rouvert au public en décembre 2016.
Les Sapeurs Pompiers de Paris se désengagent
Si la présence permanente de sapeurs-pompiers est inscrite dans le permis de construire du site de Tolbiac, le site Richelieu, lui, n'est aucunement soumis à cette obligation. Le caractère de "monument historique" n'impose aucunement la présence d'agents de service de sécurité incendie et d'assistance à personnes (SSIAP) en dehors des horaires d'ouverture au public (à moins que la commission de sécurité l'impose). C'est donc préventivement que l'institution a décidé de prendre à sa charge cette prestation, que lui facture la Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris (BSPP).
Pourtant, la BSPP a demandé il y a un an à se désengager du site de Richelieu à compter de l'été 2019 :
"Elle considère en effet ne plus pouvoir faire face à cette mission, pour deux raisons principales, rapporte Didier Rykner, le fondateur du magazine en ligne La Tribune de l'art : un sous-effectif conjugué à la sollicitation toujours plus grande de ses équipes due aux nombreux événements récents (une situation qui ne s’est probablement pas arrangée avec les gilets jaunes) et à la préparation des Jeux Olympiques 2024 qui implique un nombre de travaux toujours plus important en liaison avec les projets du Grand Paris".
Privatiser la sécurité de nos monuments ?
Si la Bnf a réussi à négocier le maintien des deux pompiers jusqu'à la fin des travaux prévue en 2020, elle devra ensuite faire appel à une société privée pour assurer sa sécurité. Ce qui pose plusieurs questions, notamment au niveau de la qualité et du coût de la prestation :
"D’une part la présence de pompiers à demeure, qui peuvent rester en poste longtemps et bien connaître le monument qu’ils sont en charge de protéger, est certainement plus sûre que la prise en charge de cette fonction par des agents privés dont le turn-over peut être beaucoup plus rapide, avance Didier Rykner ; ensuite parce que le coût en sera plus important pour la BnF. Enfin, est-il raisonnable de privatiser la sécurité de nos grands musées et monuments ?"
Les JO canibalisent le patrimoine
Suite à l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, la question de la protection des grands lieux de patrimoine français est plus que jamais présente. "Pourquoi n’y-a-t-il aucune obligation légale pour la présence permanente de pompiers sur le site Richelieu, alors que celui-ci conserve des collections inestimables et irremplaçables dont la perte serait une catastrophe encore bien plus grande que celle de la charpente et de la flèche de Notre-Dame ?", s'insurge Didier Rykner, de La Tribune de l'art, qui ajoute :
"On découvre donc que les Jeux Olympiques, qui menacent déjà la cathédrale d’une restauration trop rapide, vont en priver la Bibliothèque nationale !"
Pour rappel, les 1 100 conservateurs, chercheurs et architectes signataires de la lettre ouverte publiée par Le Figaro le 29 avril dernier, implorent Emmanuel Macron "de ne pas effacer la complexité de la pensée qui doit entourer le chantier derrière un affichage d'efficacité".
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