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Patrimoine immatériel des entreprises : gérer les droits d’auteurs

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    Le patrimoine immatériel de l’entreprise repose sur une gestion rigoureuse des droits d’auteur, impliquant des cessions précises des droits d’exploitation pour sécuriser ses créations et éviter tout contentieux.
  • Cet article est le premier d'une série dédiée au patrimoine immatériel des entreprises. Ce terme inclut tous les éléments immatériels d’une entreprise, et qui font ainsi partie de son patrimoine.

    enlightenedCET ARTICLE A INITIALEMENT ÉTÉ PUBLIÉ DANS ARCHIMAG N°380
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    Cela va du brevet et de la marque déposée, juridiquement et comptablement traçable, jusqu’à l’e-réputation de l’entreprise, de ses marques, de ses dirigeants, en passant par le droit d’auteur sur les créations réalisées pour l’entreprise.

    Certains éléments quantifiables entrent au bilan de l’entreprise, d’autres s’y intègrent indirectement, tels que les savoir-faire. Premier jalon : les créations de salariés ou de prestataires externes protégées par le droit d’auteur et sur lesquelles l’entreprise doit absolument s’assurer qu’elle dispose de droits.

    1. Être titulaire de droits d’exploitation sur les œuvres d’auteurs

    Rappel : c’est toujours l’auteur, personne physique, qui est propriétaire de ses œuvres. La qualité de salarié, de prestataire de service ou d’agent public n’implique aucune dérogation au droit de la propriété de l’auteur (article L.111-1 al.3, Code de la propriété intellectuelle).

    La jurisprudence a cependant précisé qu’en échange de son salaire, l’employé cède à son employeur, sur les œuvres réalisées dans l’exercice de ses fonctions, un périmètre d’exploitation limité au strict cadre des activités de l’entreprise (Cour d’appel de Paris, 10 mai 2000, Le Figaro.).

    Lire aussi : Droit à la copie : rémunération des auteurs et CFC

    L’employé peut exploiter son œuvre en dehors de son travail comme il l’entend, sans avoir à en référer à son employeur, sous réserve, bien sûr, que les œuvres ne contiennent ni données ni d’informations qui relèvent de la confidentialité, des secrets d’affaires ou des secrets de fabrique propres à l’entreprise. Mais il ne s’agit plus, là, de droit d’auteur, mais de droit de l’information stricto sensu..

    À noter que des clauses dans un contrat de travail prévoyant "par avance" la cession de droits d’auteur du salarié enfreignent la prohibition de la cession globale des œuvres futures (article L.131-1 CPI). Une telle clause présente dans un contrat est nulle, "réputée non écrite" par les juges.

    Ceci posé, l’employeur doit régler les questions qui ne l’ont pas été en jurisprudence : jusqu’où va le périmètre d’exploitation couvert par le salaire ? Sur quelles œuvres ? Pour qui ? Que se passe-t-il après le départ du salarié ? Des écrits s’imposent donc pour baliser soigneusement les usages des œuvres d’auteurs. L’intérêt d’être en règle est double : sécuriser les relations avec les auteurs, salariés ou prestataires externes, pour éviter tout contentieux ultérieur ; s’assurer la titularité des droits d’auteurs à l’égard des tiers en cas de contrefaçon des créations de l’entreprise.

    2. Quelles œuvres ?

    Voici une liste indicative des créations possibles dans l’entreprise ou par des prestataires externes :

    • créations écrites : rapport rédigé pour l’entreprise, étude technique ou scientifique, synthèse documentaire ou de presse, résumé documentaire, note de service, contrat et clause contractuelle, conditions générales de vente, mentions légales du site web (on a ainsi vu des entreprises faire condamner des concurrents indélicats qui avaient recopié les conditions générales de vente de leur site), plan des études en eux-mêmes, communiqué ou dossier de presse (pour la partie créée par l’entreprise), slogan publicitaire…
    • créations d’images fixes ou animées : photo, infographie, schéma, logo (les slogans, comme les logos, peuvent aussi être déposés en marque), mise en page par les maquettistes ou les webmestres, vidéo, notamment film d’entreprise - partie produite en interne ou commandée à un prestataire - (œuvre audiovisuelle gérée par le « producteur », donc l’entreprise), dessin, maquette, design d’objets…
    • créations musicales : jingle musical, toute création de musique interne ou commandée à un prestataire.

    3. Pendant le contrat de travail

    Pour toute œuvre créée pour son compte, l’entreprise doit s’être fait céder des droits d’exploitation précis. Pour les droits qu’elle détient du fait qu’elle rémunère ses salariés, nous l’avons vu, des zones de flou demeurent, en violation de la loi.

    Depuis 2016, toute cession de droit d’auteur doit être constatée par écrit (article L.131-2 al. 2 CPI). Même théoriquement titulaire, l’employeur peut se trouver contrefacteur en cas de litige faute d’avoir fait signer à ses salariés un accord, notamment pour délimiter le périmètre de cession des droits pour respecter l’article L.131-3 al.1er précité.

    Rappelons que les mentions exigées dans cet article sont des conditions de validité de la cession des droits. S’il en manque une seule, un juge peut considérer qu’il n’y a jamais eu cession et constater qu’il y a contrefaçon.

    Lire aussi : Propriété intellectuelle, RGPD... Les prestations de communication face au droit

    Bien délimiter le périmètre d’exploitation cédé

    Sur quelles œuvres le périmètre d’exploitation est-il autorisé ? Par exemple, si un documentaliste cède logiquement à l’employeur des droits sur ses résumés et synthèses, va-t-il aussi céder des droits sur les photographies qu’il peut faire occasionnellement, alors que ce ne sont pas ses attributions ? À quel périmètre d’exploitation correspond l’activité de l’entreprise ? Celui-ci va-t-il jusqu’à fournir des études documentaires réalisées en interne à des clients ?

    La fiche de poste du salarié devrait préciser ce qui relève de sa mission au sein de l’entreprise. Mais pour respecter la loi, il conviendra de contractualiser par écrit ce périmètre.

    Quand faire signer ?

    Attention à l’interdiction de la cession globale des œuvres à venir précitée. Deux solutions selon les cas de figure :

    • mission de création ponctuelle pour un projet spécifique (site internet, plaquette de promotion…) : faire signer tous les contributeurs en début de mission (c’est « futur », mais pas global, puisqu’on vise une réalisation précise) ;
    • créations au fil de l’eau (résumés ou synthèses, communiqués de presse, études régulières…) : il faut trouver le montage contractuel qui fasse que l’auteur rétrocède a posteriori des droits d’exploitation.

    Quel périmètre ?

    Se conformer aux rigueurs de l’article L.131-3 al. 1er précité :

    • étendue et destination : pour quel type d’usage ? Purement interne à l’entreprise ? Possibilité de transmettre à des clients ? Exploitation publique (plaquette, contenu sur le site web, rapport public…) ?
    • lieu d’exploitation : limitée aux locaux de l’entreprise et de ses établissements ? À son personnel ou aussi aux entreprises partenaires ? Pour une diffusion publique, spécialement en ligne, le lieu d’exploitation sera "tous les pays du monde" ;
    • durée d’exploitation : exploitation tant que le salarié est dans l’entreprise, ou pour toute la durée légale du droit d’exploitation (70 ans post mortem), donc même après le départ du salarié ? Ce dernier cas permet de s’assurer une exploitation sans risque de faute à l’avenir.

    Lire aussi : Droit d’auteur, intelligence artificielle et production documentaire

    4. Après le départ des personnes

    À défaut d’avoir fait signer précédemment des accords prévoyant la durée d’exploitation légale, il convient de bien penser, au départ de l’employé, à lui faire signer un acte de cession sur les œuvres qu’il a réalisées, aux conditions précisées ci-dessus, pour sécuriser l’utilisation ultérieure de ses œuvres.

    5. Des clauses contractuelles indispensables pour les prestataires externes

    Pareillement, lorsque des œuvres auront été créées par un prestataire extérieur, l’entreprise doit se faire céder les droits d’exploitation nécessaires à l’exploitation de celles-ci. Deux cas de figure :

    • prestataire indépendant : le contrat de prestation de service inclura les clauses de cession des droits d’exploitation sur les œuvres du prestataire ;
    • prestataire employeur des auteurs : société ou une agence de communication. Le contrat de prestation inclura les mêmes clauses de cession des droits que le prestataire se doit de détenir de ses salariés. Au minimum, insérer une clause de garantie que le prestataire est bien titulaire des droits de ses auteurs. Au mieux, annexer au contrat la preuve qu’il s’est bien fait céder les droits de ses salariés.

    6. En synthèse

    Il n’y aura de patrimoine immatériel appartenant réellement à l’entreprise que si elle a fait le nécessaire pour entrer en possession de tous les éléments qui le constituent. En matière de droit d’auteur, cela passe par des actes de cession de droits d’exploitation conformes au Code de la propriété intellectuelle.

    Sources juridiques

    Code de la propriété intellectuelle, articles L.111-1, L.131-1, L.131-2 al. 2 et L.131-3 al. 1re

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