Au pays de l’archivage, nul n’est censé ignorer les règles de l’art devant s’adapter aux spécificités de chaque entreprise. Retours d’expérience à la SNCF et à la Société générale.
Contrairement aux idées reçues, l’archivagei n’est pas condamné à demeurer une activité statique. Si la fonction archive a longtemps été considérée comme une pratique patrimoniale, elle apparaît aujourd’hui comme un élément dynamique de la chaîne informationnelle de l’entreprise. Encore faut-il que l’archivage soit pratiqué selon des règles éprouvées en matière de collecte, de gestion et de pérennité des supports. Le respect des usages est d’autant plus important que les salariésen charge des archivesi ne sont pas tous issus du monde archivistiquei.
sur des rails
La SNCF possède trois sites dédiés à l’archivage : Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) recueille les archives intermédiaires, Béziers (Héraut) reçoit les dossiers des personnels et Le Mans (Sarthe) abrite les archives définitives. Selon Henri Zuber, chef du service des archives et de la documentationi à la SNCF, une bonne pratique archivistique doit reposer sur « une capture de l’information, un versement selon un protocole fixé par un bordereau de versementi et une bonne gestion du cycle de vie. La gestion reste souvent mal prise en compte par les acteurs de la chaîne, dont la majorité ne sont pas des archivistes professionnels ». Sur la trentaine de personnes affectées, cinq sont des archivistes diplômés et cinq autres ont été formées sur le tas. « Ce n’est pas beaucoup pour une entreprise comptant trois cent mille employés, filiales comprises », précise Henri Zuber.
150 correspondants archives
Aux yeux du chef des archives de la SNCF, une politique d’archivage doit respecter deux impératifs :
La création de correspondants archives, relais indispensables pour prendre en compte les besoins des utilisateurs. Le référentiel d’archivage nécessite un dialogue entre les producteurs de contenu et les archivistes. Les directions centrales, régionales et chaque établissement disposent d’un correspondant archives facilitant les échanges. En quelques années, leur nombre est passé de soixante-dix à cent cinquante, l’objectif étant d’atteindre les quatre cents en vue de couvrir l’ensemble des besoins de la SNCF.
Le combat des archivistes pour faire reconnaître l’importance de leur activité aux yeux de la direction des entreprises. « L’archivage reste une activité noyée dans les budgets de logistique et de fonctionnement. Nous devons en faire une fonction valorisée et reconnue par le management », insiste Henri Zuber.
300 kilomètres linéaires
La SNCF externalise certaines archives intermédiaires pour une durée limitée, dans l’attente de l’extension de ses propres sites. L’externalisationou Outsourcing. L'externalisation désigne la délégation d'une fonction secondaire à un prestataire extérieur, fonction qui pourrait potentiellement être réalisée en interne. L'externalisation concerne les tâches liées au fonctionnement de l'organisation, intervenant beaucoup plus indirectement que les activités opérationnelles sur la production finale de l'entreprise. L'externalisation se distingue de la sous-traitance, qui concerne les opérations contractuelles par lesquelles un entrepreneur confie tout ou partie d'un travail destiné à ses propres clients.">i est pratiquée avec discernement et les services respectent une liste de sept prestataires qualifiés répondant à la normei Z40-350 de l’Afnori (Association française de normalisation).
La SNCF poursuit sa volonté d’archivage interne grâce à l’extension de trois sites existants et à l’éventuelle création de trois centres supplémentaires. La société possède trois cents kilomètres linéaires, réductibles de moitié grâce à la réforme menée. Le retour sur investissement des trois nouveaux sites est estimé à sept ans et leur conception a été pensée afin d’être réversible et d’accueillir de nouvelles activités.
En matière d’archivage électronique « tout reste à faire », explique M. Zuber, défendant un point de vue iconoclaste: « La numérisation n’a pas de sens, sauf pour de petites séries à haut taux de consultation, tels les documents relatifs à l’amiante. Dans le cas de la SNCF, il vaut mieux conserver le support papier selon un modèle économique viable. Le coût d’équipement et la numérisation rétrospective seraient colossaux ».
back-office, front-office
Autre secteur économique, autres pratiques. La Société générale compte quatre sites dédiés à l’archivage, employant environ soixante-dix personnes. « Au début des années 2000, nous avons engagé une réorganisation des activités back-office et front-office, précise Claire Cottin responsable maîtrise d’ouvrage Gedi-archivage pour la Banque de détail en France ; nous avons procédé à une unification des applicatifs informatiques d’archives. Les référentiels sont désormais disponibles dans une seule application à partir des postes de travail des utilisateurs». La réorganisation a été précédée de multiples rencontres avec les archivistes et des informaticiens, des juristes et des représentants des services impactés : « Il est important d’être à l’écoute des nécessités des utilisateurs pour les traduire dans un cahier des charges i», explique Claire Cottin. Elle estime que les archivistes doivent affûter leur argumentaire face à certains prestataires imposant des modèles trop rigides.
loin des yeux, loin du coeur
Le fonds archivistique papier de la Société générale est constitué de deux types de documents :
Les archives de production – contrats, conventions de compte, pièces comptables, documents relatifs aux investissements– équivalent à 80 % de l’ensemble. Elles bénéficient d’un droit d’accès très large.
Les archives provenant des directions centrales représentant les 20 % restants. Elles sont régies par des règles plus restrictives.
Dans un environnement juridique toujours plus contraignant, les banques doivent obéir à des réglementations sourcilleuses en matière de traçabilité, comme la loi Sarbanes-Oxley, la directive Mestrallet ou celles de l’Autorité des marchés financiers.
Le management des archives a dû tenir compte de l’évolution et du rôle dévolu aux organes de contrôle de la Société générale. Ils sont composés d’auditeurs internes et de juristes. Pour Claire Cottin, les archives sont une « fonction support » essentielle devant savoir rappeler son importance pour la vie de l’entreprise : « Lorsque le service des archives est éloigné, on a tendance à l’oublier. C’est un peu loin des yeux, loin du coeur ».