Des dizaines d'auteurs britanniques ont pris position contre la réforme des prisons interdisant l'envoi de colis, et donc de livres, aux prisonniers britanniques. Ils l'ont fait savoir en envoyant de surprenants courriers au ministre de la Justice.
Que le ministre de la justice britannique Chris Grayling ne se réjouisse pas trop vite : si des écrivains célèbres lui envoient depuis quelques semaines une pluie de cartes postales contenant leurs recommandations de lecture, ce n'est pas pour lui être agréable. Loin de là. Ces suggestions de titres de livres sont à destination des personnes incarcérées en Angleterre et au Pays de Galles, qui sont privés de livres depuis novembre 2013. En effet, cet envoi massif de cartes postales vise à convaincre Chris Grayling de changer sa politique récemment mise en place, restreignant à un seul (au début de la période d'emprisonnement) le nombre de colis que les prisonniers peuvent recevoir de leurs proches. Si la lutte contre l'introduction de drogue ou d'armes dans les prisons est l'objectif de cette mesure restrictive, l'envoi de livres aux prisonniers par leurs familles en est un des dommages collatéraux.
"C'est une aventure rapide, passionnante, qu'il est difficile de reposer une fois le livre commencé", commente le romancier et ancien homme politique Jeffrey Archer en suggérant à Chris Grayling le roman d'espionnage Les 39 marches. L'écrivain Martin Amis, lui, recommande Si c'est un homme, de Primo Levi, car il s'agit selon lui d'une "évocation magistrale de quelque chose de pire que la prison : la mise en esclavage meurtrière, pour le crime d'avoir été". Ces cartes postale font suite à la pétition lancée par l'association Howard League for Penal Reform et relayée fin mars sur le site Politics. Elle a rapidement récolté plusieurs milliers de signatures, parmi lesquelles celle des écrivains Ian McEwan, Salman Rushdie, Philip Pullman ou encore Julian Barnes.
Ils n'ont qu'à acheter des livres sur Amazon
"Alors que nous comprenons que les prisons doivent être en mesure de récompenser le bon comportement des détenus, nous ne croyons pas que l'éducation et la lecture doivent faire partie de cette politique, explique la Ligue dans un courrier envoyé au Daily Telegraph le 26 mars dernier ; les livres représentent une bouée de sauvetage derrière les barreaux, une manière de nourrir l'esprit et de remplir les nombreuses heures que les détenus passent enfermés dans leurs cellules. Dans un environnement où ils n'ont pas accès à internet et où les services de bibliothèque sont limités, les livres deviennent d'autant plus importants".
Selon Chris Grayling, les détenus peuvent toujours commander des livres sur Amazon ou se fournir dans les bibliothèques des prisons. C'est oublier les coupes drastiques que subissent depuis 2010 les budgets des municipalités, qui fournissent le service de prêt : Les Inroks rappellent en effet que 453 bibliothèques en Angleterre ou au Pays de Galles ont fermé ou s'apprêtent à fermer depuis avril 2013. Les bibliothèques des prisons "sont toujours les premières à fermer", rappelle un porte-parole de l'Howard League for Penal Reform. De plus, les détenus qui travaillent peinant à récolter 12 euros de salaire par semaine, il serait fort surprenant qu'il leur reste de quoi s'acheter un livre sur le net.
Rappelons que 15 % des détenus britanniques sont incarcérés dans des prisons privées, la Grande-Bretagne étant le premier pays européen à privatiser ses prisons. Depuis six ans, le taux de suicide et de meurtres est au plus haut dans les prisons britanniques. Un détenu sur quatre vivrait dans une prison surpeuplée.