Chose étonnante, les termes "bibliothèque" et "médiathèque" sont pourtant les grands absents du Plan national pour un numérique inclusif rendu public par le gouvernement en septembre 2018.
63 % des Français identifient la médiathèque comme le premier lieu ressource en matière de numérique. C'est ce que révèle le Baromètre du numérique 2018, publié le 3 décembre dernier. Cette étude annuelle, réalisée par le Credoc et pilotée par l'Arcep, le Conseil général de l'économie et l'Agence du Numérique, révèle que la maîtrise des outils numériques constitue encore un frein à leur utilisation, malgré l'envie de se former. Sans surprise, les médiathèques constituent le lieu ressource le plus connu des Français pour y remédier : les accompagnements aux démarches en ligne et l'apprentissage numérique qui y sont proposés sont cités loin devant ceux d'autres structures (espaces publics numériques, maison de service au public, cyber base, fablab, etc.).
Certes, la part des non-internautes se réduit d'année en année. Et parmi eux, seuls 31 % estiment encore qu'internet est trop compliqué à utiliser ; un chiffre en baisse de 14 points depuis 2017. Pourtant, 13 millions de citoyens demeurent éloignés du numérique. De plus, 36 % des Français éprouvent une inquiétude à l'idée d'accomplir la plupart de leurs démarches administratives en ligne. Le sentiment d'incompétence en informatique est d'ailleurs la première source d'inquiétude, notamment vis-à-vis des sites administratifs (en augmentation de 4 points par rapport à 2016).
Volonté de formation
Ce baromètre nous apprend également que 40 % de ceux qui rencontrent des difficultés en utilisant des outils informatiques souhaitent pouvoir être formés pour être autonomes sur ces outils, principalement sous la forme d'une courte formation gratuite. Et si 7 personnes sur 10 connaissent au moins un lieu près de chez elles où peut être proposé un accompagnement dans les démarches en ligne et un apprentissage numérique, c'est la médiathèque qui apparaît, de loin, comme le premier lieu d'inclusion numérique. En effet, il s'agit du lieu ressources le plus connu, et ce dans tous les groupes de population (de 47 % pour les non diplômés à 80 % pour les communes des villes moyennes de 20 000 à 100 000 habitants).
Ce baromètre prouve une fois de plus à quel point les lieux de lecture publique sont connus de la population et bien identifiés comme de véritables services publics de proximité, au-delà de la simple offre culturelle. Il est d'ailleurs étonnant, au regard d'une telle enquête, et aussi du rapport qui avait été remis en mai dernier à Mounir Mahjoubi, de voir que les médiathèque et les lieux de lecture public ne sont même pas cités dans le Plan national pour un numérique inclusif qui a été présenté en septembre 2018 par le Secrétariat d'Etat au Numérique.
Etat des lieux et diagnostic
Rappelez-vous, en mai 2018, un rapport avait été remis à Mounir Mahjoubi dans la perspective de la mise en place d'une stratégie nationale. Ce rapport avait été réalisé sur la base d'une plateforme de consultation en ligne, d'ateliers territoriaux, de réunions de travail et d'audition afin de procéder à un état des lieux et poser un diagnostic sur les usages du numérique par les Français.
Ce rapport citait à de nombreuses reprises les bibliothèques et les médiathèques comme des acteurs au contact des publics en difficulté avec le numérique, en raison notamment de leur "connaissance fine de la réalité des habitants et de leur familiarité avec le numérique". Il précisait alors que l'offre de médiation, présente en médiatèque, soulève plusieurs enjeux, parmi lesquels la formation des aidants et la sécurisation juridique des interventions (notamment au niveau de la confidentialité et de la responsabilité en cas d'erreur dans les démarches où l'aidant est impliqué, etc.).
Le salut du numérique inclusif
Il est donc étonnant que les bibliothèques et les médiathèques soient si peu nommées dans le Plan national pour un numérique inclusif de septembre dernier. Les bibliothécaires ne le sont d'ailleurs qu'une seule fois, dans l'introduction de Mounir Mahjoubi : "Enfin, un effort particulier se portera pour outiller et former ceux qui, souvent depuis des années, aident leurs concitoyens en difficulté numérique : médiateurs numériques, bibliothécaires, travailleurs sociaux…". Au final, nulle trace des termes "bibliothèque" ou "médiathèque" dans le Plan, noyés parmi les autres "acteurs de la médiation numérique". Pourtant, à la lecture du Baromètre du numérique 2018 sorti début décembre, nous sommes tout de même en droit de penser que c'est bien de ces établissements de lecture publique que viendra le salut du numérique inclusif !