Data librarian : quelles missions ?
Responsables et agents des services à la recherche, les data librarians sont nommés dans le cadre du repyramidage des fonctions ou via des recrutements externes pour apporter de nouvelles compétences.
Les compétences du data librarian concernent :
- l’analyse de la production scientifique
- l’accompagnement à la recherche et à la publication
- la gestion des données de la recherche
Lire aussi : Anne Paris : "les bibliothécaires doivent lever les obstacles pour l'open access"
Le data librarian analyse la production scientifique
Au-delà d’une offre centrée sur la fourniture de documents scientifiques et techniques à la demande, de veille documentaire personnalisée et du suivi de l’analyse des productions scientifiques par des études bibliométriques, l’exploration de corpus à des fins de recherche représente un nouvel enjeu pour répondre aux besoins des chercheurs.
Initiatives à la BNF et à l'Inist-CNRS
Diverses initiatives nationales proposent ainsi aux chercheurs des corpus numériques d’ampleur et des outils d’analyse associés. Ainsi, la BNF dans le cadre du projet Corpus offre un service de fourniture personnalisé de corpus numériques, accompagné de moyens technologiques pour les analyser avec des outils de fouille de textes et de données (TDM pour text et data mining).
Quant à la plateforme Istex (Inist-CNRS), elle donne un accès en ligne aux collections rétrospectives de la littérature scientifique dans toutes les disciplines, auquel s’ajoutent des services permettant d’en optimiser l’exploitation grâce à des outils de fouille de contenus (TDM) et de valorisation interactive.
La bibliothèque de l'université Bordeaux-Montaigne
Certaines bibliothèques françaises investissent ce terrain et font valoir leur expertise dans la curation et l’exploitation de données auprès des chercheurs, en accompagnant les nouvelles pratiques d’analyse des corpus.
Des initiatives de ce type se sont développées en France ces dernières années autour des humanités numériques et de la structuration de corpus numérisés. Ainsi à l’université de Bordeaux-Montaigne, dans le cadre du consortium ImaGEO (cartes et photographies des géographes), le SCD a mené la numérisation de cartes anciennes de géographie en mutualisant le travail sur les modalités de diffusion de ces cartes et en participant au comité de pilotage du projet. Ces données utilisent la plateforme de recherche et de visualisation cartographique Navigae développée pour le projet pour accéder et visualiser les données numériques des différents partenaires.
Lire aussi : Les 3 meilleurs moteurs de recherche académiques pour chercheurs et étudiants
Le data librarian accompagne la recherche et la publication
Une autre activité émergente des services à la recherche pour les BU concerne l’accompagnement de candidatures pour le financement de projets de recherche au niveau national ou européen. Le financement de la recherche sur projet par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et par les programmes de recherche européens comporte désormais une double exigence : celle de la rédaction d’un plan de gestion de données (data management plan, DMP) et le dépôt des publications financées dans des archives ouvertes.
Accompagnement des chercheurs à Lilliad de l'université de Lille
Les BU ont développé une expertise dans ce domaine et peuvent accompagner les chercheurs (exemple de Lilliad de l’université de Lille), de l’élaboration du DMP au dépôt sur une archive ouverte. Les services proposés par Lilliad peuvent être regroupés en trois volets : aide à la rédaction de propositions de subvention, soutien à la diffusion de publications en libre accès et gestion des données de recherche des projets en cours. Cet accompagnement est considéré comme un moyen efficace pour améliorer la conformité des projets aux obligations en matière de science ouverte.
Aider les projets dès le stade de la soumission ouvre de nombreuses opportunités pour les bibliothèques, car participer aux projets permet aux bibliothécaires de travailler avec les chercheurs dès la conception de leurs recherches. C’est aussi l’occasion pour les professionnels des bibliothèques d’acquérir de nouvelles compétences et de collaborer avec d’autres services universitaires (le service informatique, le service de la recherche, le service juridique, plus précisément avec le délégué à la protection des données).
La bibliothèque de Toulouse
L’assistance à la publication est un nouvel axe d’activité pour les bibliothèques universitaires qui se positionnent petit à petit sur ce champ. Pour exemple, la bibliothèque de Toulouse propose une offre spécifique à destination des chercheurs de son institution. Cette offre d’accompagnement concerne l’expertise et les conseils sur les politiques éditoriales, la publication en libre accès, le droit d’auteur et le plagiat, ainsi que l’aide au dépôt dans l’archive ouverte institutionnelle.
Une particularité notable concerne l’accompagnement de projets d’édition numérique. Ce type d’actions est le plus souvent mené en collaboration avec des Presses universitaires locales. Le lien entre archive ouverte et Presses universitaires constitue un exemple de médiation scientifique abouti.
L'université Lyon 3
L’aide à l’édition de revues scientifiques en cohérence avec la science ouverte constitue une autre dimension de l’aide à la publication. L’université de Lyon 3 était précurseur dans ce domaine avec la création de son service Prairial de revues en SHS dès 2016. Cette expérience essaime depuis dans d’autres universités à travers l’adhésion au réseau Repères (Réseau de pépinières de revues scientifiques).
Le responsable du projet précise que pour mener à bien ces missions, les membres du service aux chercheurs ont dû acquérir de nouvelles compétences dans le domaine éditorial en suivant des formations adaptées.
Lire aussi : L'intelligence artificielle au service des bibliothèques universitaires
Le data librarian gère les données de recherche
La bibliothèque universitaire se trouve au cœur des questions qui concernent la diffusion et l’évaluation de la recherche, mais également la production des données de la recherche. La contribution d’un professionnel de l’information scientifique et technique est particulièrement utile pour faciliter l’accès aux données, sensibiliser et former à la gestion des données et l’archivage de données à long terme.
Sensibilisation des chercheurs
Ces dimensions ont été explorées dans le champ des SHS à l’université Lille 3 et Rennes 2. Les compétences sollicitées pour la gestion des données de la recherche sont liées aux techniques de recherche de l’information, à la veille informationnelle et technique, à la maîtrise des logiciels spécifiques, à la formation des usagers. Une description fine des jeux de données, de leur format, de leur contexte de production et d’utilisation doit précéder leur diffusion.
Les tâches du traitement de l’information sont susceptibles d’être déléguées en partie, aux chercheurs-producteurs de données qui sont plus à même de décrire et documenter leur production. Il revient aujourd’hui aux professionnels des BU de sensibiliser aux questions d’open access et de bonne gestion des données, en aidant les chercheurs à définir les modalités de stockage et de diffusion de leurs données tout en veillant à leur interopérabilité.
Bibliothèques et données de la recherche : 3 engagements
Les activités des bibliothèques en lien avec les données de la recherche correspondent à trois grands domaines d’engagement : donner accès aux données, sensibilisation et soutien à la gestion des données, gérer les collections de données.
En effet, ces professionnels possèdent des compétences pour gérer les données tout au long de leur cycle de vie, depuis leur création et leur stockage initial jusqu’à leur archivage.
Lire aussi : Learning centers : un premier bilan
De nouvelles compétences
À partir des trois types d’actions décrits précédemment, nous avons identifié certaines tâches menées par un data librarian. Ces nouvelles missions nécessitent que les personnels en poste se forment sur le sujet de la gestion et du traitement des données et supposent que la formation initiale prenne en compte à l’avenir ces nouveaux profils métiers.
À travers la mise en place de services aux chercheurs, les bibliothèques sortent de leur champ de compétence habituel. Ces missions d’appui des SCD aux chercheurs font désormais partie de l’écosystème de la recherche. La question des compétences des agents reste cependant primordiale et pose question. En effet, les bibliothécaires n’ont pas à devenir informaticiens, programmeurs, statisticiens, spécialistes de lexicométrie, etc. Cependant les nouveaux domaines et les missions induites par les services à rendre aux chercheurs impliquent qu’ils doivent s’intéresser de près à ces domaines et acquérir tout de même des compétences techniques et des expertises montrant un certain degré de complexité.
Florence Thiault
[Maître de conférences, Urfist de Bretagne-Pays de la Loire, Université Rennes 2]