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Les réseaux sociaux occupent une place prépondérante dans notre société contemporaine, notamment dans l’accès à l’information. Ainsi, 23% des français utilisent YouTube pour s’informer (deuxième réseau après Facebook).
Ce constat est encore plus marqué chez les jeunes et les étudiants, conjugué à l’utilisation massive du smartphone comme interface privilégiée d’accès, induisant un lien continu avec l’actualité ou l’apprentissage.
Face à ce constat, les bibliothèques ne peuvent rester indifférentes et doivent intégrer les réseaux sociaux à leurs pratiques. Si ce travail a largement été fait pour le volet communication, la question des réseaux comme source reste trop peu développée, alors qu’elle soulève des questions fortement ancrées dans nos cœurs de métier comme l’évaluation de l’information ou l’infobésité.
Les bibliothécaires ont régulièrement montré leur faculté à se réinventer et s’adapter aux changements sociétaux et technologiques pour proposer le meilleur service public possible. Mon mémoire traite d’un exemple de cette culture.
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Une place à prendre pour les bibliothèques
L’enquête que j’ai mené pour les besoins de ce mémoire montre que si la situation est très inégale entre les bibliothèques, un certain nombre proposent déjà une offre de contenus sur YouTube, parfois bien développée.
Cependant, le croisement des données fournies par le corpus d’étudiants montre un décalage entre l’offre et les attentes des publics sur le type de ressources qu’ils aimeraient trouver sur une chaîne de bibliothèque.
Je trouve malgré tout encourageant que les étudiants valident très largement l’utilité d’une chaîne YouTube de la Bibliothèque universitaire (BU) et de contenus qu’elle pourrait produire ou relayer.
La curation : une autre forme de politique documentaire ?
Une des surprises de cette enquête a été de constater que si les bibliothécaires avaient plutôt bien intégré l’idée de produire des contenus comme des tutoriels ou des captations de conférences, l’idée de relayer des contenus extérieurs comme des vidéos de vulgarisation scientifique était majoritairement accueillie avec scepticisme sinon plus.
Pourtant, le parti pris de ce mémoire était de considérer que la curation de contenu, c’est-à-dire la sélection et la hiérarchisation de ressources à mettre à disposition des publics, était largement comparable à la politique documentaire, seulement dans un périmètre plus large.
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Cette méfiance s’explique principalement par :
- la méconnaissance de YouTube et de ses contenus ;
- la défiance vis-à-vis de Google, propriétaire de YouTube ;
- la crainte de voir ces contenus remplacer les ressources académiques traditionnelles.
La prise en compte de YouTube dans la veille des équipes de politique documentaire induit naturellement la création ou l’adaptation d’outils comme des fiches domaines, des plans de développement des collections ou des référentiels.
J’insiste tout particulièrement sur la nécessité d’apporter une réponse collective à cette problématique, qu’elle soit portée par le ministère, des établissements en réseau ou encore en co-construction avec ses usagers au niveau local.
Cette dernière solution présenterait l’avantage de faire d’une pierre deux coups en créant une liste de vidéos recommandées à partir des ateliers d’évaluation de l’information suivis par des étudiants, et d’éviter ainsi l’écueil de devoir gérer individuellement une masse d’informations aussi riche et dynamique.
L’objectif de ces ressources n’est évidemment pas de concurrencer les ressources traditionnelles mais bien de proposer une offre complémentaire, répondant à d’autres besoins.
Accompagner le changement
Pour assurer ces missions, il est important de les formaliser dans les fiches de poste, ce qui n’est que très peu fait aujourd’hui. La responsabilité des directions est aussi de former ou de permettre aux collègues de s’autoformer aux outils, et de soutenir les dispositifs mis en place. Pour fonctionner, ces innovations ont besoin de temps et d’être intégrées à une offre de service globale afin d’éviter l’effet "gadget".
L’accompagnement au changement vis-à-vis des équipes et la pédagogie sur la plus-value que peuvent apporter ces nouveautés doit aussi faire l’objet d’une attention toute particulière.
En conclusion, l’intégration de YouTube en bibliothèque n’est qu’un exemple de l’évolution de nos métiers et du caractère protéiforme de notre profession. Face à la facilité d’accès à des informations et un savoir "gratuits", le bibliothécaire n’est aujourd’hui plus seulement un prescripteur donnant accès à la connaissance, mais l’interface guidant, sans infantiliser, l’usager dans l’océan de ressources accessibles sans jugement, en accord avec le principe des droits culturels.
Le mémoire est disponible sur la bibliothèque numérique de l’Enssib.