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Gestion de contenu : ce que vous préparent les éditeurs pour les années qui viennent

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    Les capacités de catégorisation avec autoapprentissage de l’IA peuvent laisser imaginer de nouvelles perspectives en matière de gestion de contenu. (Freepik/jannoon028)
  • Sommaire du dossier :

    Ged, ECM et autres… Si certains concepts de management de l’information passent de mode, d’autres ont la vie dure. Structuré ou non, le document se trouve tiraillé entre les besoins de collaboration ou de consolidation. Pour les éditeurs, il s’agit d’organiser leur offre pour la rendre intelligible. Heureusement, les outils libèrent de plus en plus les utilisateurs des contraintes de gestion.

    1. Ged, gestion de contenu ou plateforme ?

    Où en est la Ged ? Jean-François Millasseau, responsable avant-vente Semea de la société canadienne OpenText, répond. Depuis quelques années, l’éditeur a adopté un nouveau positionnement non plus sur la Ged « autonome », mais sur la « Ged au sein des applications métier ». Une approche qui rencontre un écho très favorable chez ses clients et donne même lieu à des investissements importants au niveau des entreprises et non plus d’un simple département.

    Jean-François-Millasseau-OpenTextConcrètement, on a affaire à une plateforme unique capable de servir différents métiers, avec des options. « Notre leitmotiv est l’intégration avec les applications métiers », précise Jean-François Millasseau. D’où le nom de la solution : « Extended ECM for ». Entendez « pour » SAP, Oracle, Microsoft Sharepoint et autres.

    "Nos clients ne le formulent pas ainsi"

    Chemin faisant, on voit que le concept d’ECM est bien là. Il y a deux ans, OpenText s’était portée acquéreur de Documentum, une société phare de la gestion de contenu d’entreprise (ECM). Difficile d’affirmer plus sa personnalité dans ce domaine.

    Faut-il aujourd’hui parler de plateforme de services de contenu (content services platform, CSP) ? « C’est un peu cela », répond Jean-François Millasseau, « même si nos clients ne le formulent pas ainsi ». Il ajoute que le terme convient à l’environnement cloud. « Nous avons de plus en plus développé la partie cloud et nous sommes en train d’ouvrir la plateforme globale en microservices », annonce-t-il. À terme, partenaires comme clients pourront sur le cloud OpenText (plateforme OT2) développer de nouvelles applications à partir de ces microservices, par exemple pour ouvrir une Ged avec reconnaissances de caractères (OCR).

    Une plateforme « trois en un »

    Frank-Poireau-MicrosoftFrank Poireau, expert Microsoft (Microsoft Most Valuable Professional, MVP) (ndlr : Frank Poireau est aussi l'auteur de « Adopter Sharepoint sans développer » (tome 1), Books on Demand, 2017), analyse le mot « Ged ». D’une entreprise à l’autre, les définitions varient. On peut l’entendre soit, sur un premier niveau, comme un serveur de fichiers, soit comme un outil à part entière, « un endroit où l’on classe la connaissance ». Alors le logiciel est mis en place pour ce qui sert de référentiel. C’est pour lui ce qui constitue une Ged collaborative, un espace deux en un, avec ces deux logiques de classement et de partage de l’information.

    Mais le serveur de fichiers est souvent perçu comme un silo. Or il faut avoir une vision en flux, ce que permettent Sharepoint et Office 356. Ces solutions de Microsoft — versions serveur et cloud — couvrent les trois stades du traitement de l’information : la préparation, la publication et la mise en archive de documents engageants. Frank Poireau décrit donc Sharepoint comme une plateforme « trois en un ». Et cette plateforme peut se connecter à différents logiciels. « L’objectif n’est pas d’avoir un outil universel », résume Frank Poireau ; « Sharepoint est un décathlonien, il n’est pas numéro un dans chaque discipline, mais il peut tout faire avec la meilleure moyenne ».

    Intranet « mobile et intelligent »

    Une remarque : dans sa communication, Microsoft emploie le mot d’« intranet », un mot qui a tendance à disparaître… Frank Poireau l’admet. Cependant, depuis environ deux ans, « Microsoft s’est rattrapé ». On parle maintenant d’intranet « mobile et intelligent », d’« espace de travail connecté ». On s’est mis en responsive design, autorisant un accès aussi bien sur le téléphone portable que sur le PC. De quoi mettre à disposition, même en mobilité, une page d’intranet personnalisée, par exemple en tant que manager, que nouvel arrivé dans l’entreprise, etc., avec son activité, des notifications de nouveaux documents, des alertes pour des rendez-vous et des tâches.

    Le credo de la gouvernance de l’information

    Noureddine-Lamriri-EverteamChez Everteam, la gestion de contenu est une vieille histoire. « Everteam travaille dans le domaine de l’ECM depuis que le sigle existe », décrit Noureddine Lamriri, vice-président product management. Aujourd’hui, l’éditeur délivre des solutions orientées principalement dans le domaine des « records », soit des documents figés, validés, et dont la durée de conservation est à gérer.

    La gouvernance de l’information est le credo d’Everteam. Dans une logique d’ECM, une information est déposée dans un système qui fait vivre ce contenu. Dans une logique de gouvernance, il est toujours possible de déposer un contenu, comme il est possible d’appréhender des contenus situés dans des systèmes tiers, ceci pour les recenser, les reconnaître ou les retrouver. S’ajoutent des actions spécifiques, comme par exemple parvenir à repérer des informations personnelles, rapatrier une information vers un système d’archivage ou faciliter la migration d’un contenu d’un système vers un autre. La gouvernance de l’information relève toujours de la gestion de contenu.

    Content service plateforme : une approche technologique

    S’appuyant sur une étude du cabinet américain IDC, Noureddine Lamriri souligne la prise de conscience des entreprises de devoir identifier davantage leurs contenus non structurés, notamment via le tagging (mettre une étiquette « contrat », « facture », « bulletin de paie », etc.). Cette nécessité est un véritable challenge pour la gestion de contenu.

    Par ailleurs, à ses yeux la formulation de gestion de contenu a de moins en moins de sens, le marché aurait « complètement éclaté ». Poussé par le cabinet Gartner, on a remplacé ce concept par celui de « content service plateforme ». Mais cela aurait très peu d’accroche sur le marché, en particulier le marché français. Déjà, le terme de Ged, même s’il paraît vieillissant, reste plus parlant pour nombre d’utilisateurs. Et CSP relève beaucoup d’une nouvelle approche architecturale des systèmes de gestion de contenu orientée microservices et API. C’est donc plus une approche technologique qu’un reflet de la manière donc les acteurs utilisent les outils.

    Une Ged augmentée de quelques caractéristiques

    Quant à la Ged collaborative, elle consiste en une Ged augmentée de quelques caractéristiques. En particulier la possibilité de créer des « workspaces » ou espaces de travail, ceci en environnement web, avec partage, envoi, modification de documents - mais elle n’est pas une Ged dans le sens référentiel. Ou encore la possibilité de bénéficier de fonctionnalités de réseau social (fil de discussion, chat, notation…). Mais la Ged collaborative, qui vise la fluidité, ne s’intéresse pas à une gestion qualitative des documents validés qui répondrait à des préoccupations d’intégrité et de pérennité. C’est pourquoi on est venu souvent lui ajouter un outil d’archivage. C’est bien là où elle se démarque de systèmes de records management aptes à prendre en charge un document sur tout son cycle de vie.

    Des plateformes qui soignent le parcours utilisateur

    Expert en gestion de document, intégrateur et éditeur, Arondor observe un moindre engouement aujourd’hui pour le concept de Ged collaborative. « Nous sommes davantage confrontés à des problématiques de référentiel de Ged, pour des documents validés, fidélisés », déclare Alain Le Bras, directeur général. Le collaboratif se trouverait plus entre les mains de solutions de type réseau social d’entreprise (RSE).

    Cliff-Checkmodine-ArondorCliff Checkmodine, directeur commercial, confirme cette impression de reflux de la Ged collaborative, notamment face à des plateformes qui soignent le parcours utilisateur. S’ajoute une demande de « concentration du patrimoine numérique » qui doit permettre de « fédérer » l’entreprise tant en interne qu’en externe. En schématisant, on retrouverait le collaboratif pour les documents du quotidien et le référentiel une fois ces documents validés. Et les offres des éditeurs pencheraient soit d’un côté, soit de l’autre.

    Il faut voir aussi que, face à des plateformes dont un point fort est la mise à disposition d’API, les applications de Ged se trouvent « challengées ». Comment en effet peuvent-elles offrir une interopérabilité entre les systèmes ?

    2. Comment cela fonctionne

    OpenText a arrêté de gérer les documents par types, déclare Jean-François Millasseau. La logique est devenue celle du regroupement d’ensembles de documents par métier, « utiles à son contexte ». Fini le recours à une arborescence unique, l’utilisateur accède à des « connected workspaces ». Par exemple, un espace de travail collecte toutes les informations liées à un client : propositions, emails, présentations, commandes, contrats, factures. C’est un point d’accès unique ouvert, via des permissions, aux collaborateurs concernés par ce client.

    Socle unique et pont

    Jean-François Millasseau souligne l’aspect « multiéquipe » de cet environnement. Acheteurs, gestionnaires de la commande, qualité, etc., tous, grâce à autant de connecteurs qu’il est nécessaire, peuvent naviguer facilement d’une information à l’autre. OpenText prend ainsi la forme à la fois d’un « socle unique » parmi des applications métier très différentes et d’un « pont » entre celles-ci. Élément pivot, le référentiel ou « hub documentaire » offre l’entrée vers les documents d’équipes. L’utilisateur accède soit par son application métier, soit par OpenText où chaque métier retrouve sa page de garde spécifique et ne voit que ses propres données.

    Un « centre de sécurité et de conformité »

    Frank Poireau souligne les différences entre Sharepoint Server et Office 365. À l’image d’un drive, Sharepoint Server peut être réglé en espaces personnels permanents attachés à un service, un département ou autre. Ces espaces de collaboration ou de partage de référentiels de documents sont équipés de process structurés. Ils recourent à des connecteurs, par exemple vers un enterprise resource planning (ERP).

    Office 365 est une solution cloud comprenant à la fois Exchange pour la gestion des emails, Skype pour la conversation et la vidéo, et Sharepoint pour la partie gestion documentaire. De plus, elle comprend un « centre de sécurité et de conformité ». Cela consiste en une application basée sur la recherche (« search based application »). Ce moteur de recherche a appris des mots-clés ou conjonctions de mots-clés susceptibles de renseigner des informations sensibles, via la scrutation à la fois des espaces collaboratifs, des référentiels, des archives... Ainsi l’application peut alerter ou empêcher certains types de fonctionnements par les utilisateurs. Pour marcher, cette search based application est simplement à paramétrer. La présence de cet outil permettait d’affirmer la conformité d’Office 365 avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD) six mois avant son entrée en vigueur, en mai 2018. Sur Sharepoint Server, cet outil existe, mais est à déployer soi-même.

    Ne pas confondre référentiel et archivage

    Concernant les solutions de type référentiel, décrit Arondor, qui intéressent les ressources humaines, la comptabilité, la gestion des fournisseurs, etc., la vérification et la qualification des documents peuvent se passer manuellement ou automatiquement. Cela dépend de facteurs variés : le process, par exemple un process de know your costumer (KYC), l’implication d’un data protection officer (DPO). De plus, dans un contexte de RGPD en particulier, il faudra introduire une notion de purge.

    Alain-Le-Bras-Arondor

    Recourir à un référentiel amène-t-il à constituer un silo ? Non, répond Alain Le Bras, l’information n’y est pas enfermée, on a affaire à un patrimoine vivant. En outre, attention à ne pas confondre référentiel et archivage. Celui-ci, qui correspond à l’idée de document sécurisé, intervient en dernier lieu et ne s’adresse plus aux mêmes utilisateurs.

    Mais la question du référentiel est parfois nécessairement confrontée à celle de l’archivage. C’est bien sûr le cas dans une problématique de RGPD où se côtoient les notions de droit à l’oubli et de rétention. Il est alors nécessaire de prévoir des processus techniques de bascule de documents depuis le référentiel vers le système d’archivage. « Avant on gardait tout », se souvient Alain Le Bras, « ce n’est plus possible aujourd’hui où l’on a parfois le devoir de détruire ». Il ajoute : « Garder certains documents devient même un risque ! ».

    3. Question de gouvernance

    Chez OpenText, la question de la gouvernance est évoquée à propos du travail de préparation de la plateforme et se trouve entre les mains de l’équipe ECM. Elle définit l’organisation de l’information selon les utilisateurs : organisation par client pour l’un, par produit pour l’autre, etc. Par la suite, si un utilisateur crée par exemple un client à partir de son gestionnaire de la relation client (CRM), cela génèrera l’arborescence nécessaire au travail sur ce client. À noter que l’utilisateur n’entre pas de métadonnées, OpenText se charge de cette indexation.

    Ne pas déplacer les documents

    De son côté, Everteam répond à la question de la gouvernance de l’information par son offre de records management ou « Ged de documents validés », selon la formule de Noureddine Lamriri. L’éditeur se positionne en priorité sur des projets non pas très collaboratifs, mais où la conformité, la valeur probatoire, la pérennité font partie des besoins.

    Il cible aussi le marché émergent de la gestion de contenu « in place ». Ici, si les entreprises ne souhaitent pas déplacer leurs documents manipulés via telles et telles applications, elles veulent tout de même pouvoir les piloter, agir dessus. Une préoccupation d’autant plus urgente que les collaborateurs tendent à déposer des documents sans limites ni contrôle. Everteam intervient alors dans plusieurs scénarios possibles : assainir des espaces (identifier les volumes, les doublons, les documents très, peu ou pas utilisés), déplacer des contenus (par exemple, migration d’un espace de stockage dans le cloud vers un archivage interne), faire de la réconciliation de contenu (indexer, retrouver les contenus), détecter des données sensibles, enrichir les documents de métadonnées afin de mieux les gouverner (par exemple, appliquer un calcul de date d’élimination)...

    4. Cycle de vie de l’information

    Qu’en est-il de la question du cycle de vie de l’information ? Pour Everteam, celui-ci fait partie de l’ADN de ses solutions. Pour OpenText, « la même plateforme fait la partie business et records management », déclare Jean-François Millasseau. Dès le paramétrage, la règle de classification est intégrée (par exemple, tout ce qui est contrat est associé à telle durée de conservation, etc.). C’est transparent pour l’utilisateur ; il n’a pas à se demander où conserver un document, celui-ci reste dans son environnement.

    Règles de rétention et tableaux de bord

    Avec Sharepoint ou Office 365, on peut gérer la donnée dans tout son cycle de vie : préparation, collaboration (Sharepoint ou Teams), publication et archivage. Il suffit de recourir aux « modèles de site » préconfigurés. « Un beau Lego à assembler », selon l’expression de Frank Poireau. Pour la question de l’archivage ou plutôt du records management, le consultant précise que les solutions sont « adossées » à la norme Iso 15489 « Information et documentation - records management ». Elles autorisent l’application de règles de rétention et ouvrent des tableaux de bord pour monitorer et surveiller.

    5. Perspectives de l’intelligences artificielle

    OpenText dit avoir « pas mal de choses » dans ses laboratoires en matière d’intelligence artificielle (IA). Une direction prise a trait à la maintenance prédictive, en milieu industriel. Une étude est en cours avec un client allemand. Une autre concerne notamment la gestion des emails. « On avance sur des Poc (proofs of concept) », dit Jean-François Millasseau. Il s’agit de capturer les emails, les analyser et les orienter soit vers une action automatique — une réponse —, soit, si la complexité est trop grande, vers une personne, soit vers un rangement dans un dossier d’ECM. Le text mining est à la manœuvre. Certes on y avait déjà recours, mais ici on s’intéresse à l’usage : ne pas voir que des noms de clients, des dates ou des numéros de facture, mais se pencher sur le contenu lui-même, la tonalité… Et ceci avec l’ambition de traiter de gros volumes. L’IA apporte un apprentissage permanent en fonction de ce que l’homme corrige par rapport à la machine. L’éditeur est prêt à introduire ces technologies...

    "Conversationnel intelligent"

    Dans Office 365, la révolution de l’intelligence artificielle va beaucoup concerner Microsoft Teams, « plateforme dédiée au travail d’équipe ». On ne passe plus par un navigateur, mais par des chatbots, logiciels conversationnels que l’on peut installer pour être assisté dans sa journée de travail — ce peuvent être des extensions non Microsoft. Or, la prochaine génération de chatbots va analyser le flux des chatbots dont on dispose et, décrit Frank Poireau, confronter ce contenu avec « l’état mental » de l’utilisateur afin de décider si c’est le bon moment pour lui pousser tel message, telle notification… On ne va plus subir les flux d’emails (75 % des personnes les lisent dès réception, au détriment de leur concentration et des tâches en cours), mais bénéficier d’une technologie vraiment à son service, « un facteur de liberté », juge Frank Poireau. Ce « conversationnel intelligent » pourrait être disponible dès 2020, en tout cas avant 2025.

    Un apport devenu très différenciant

    Everteam possède un laboratoire certifié par le ministère de la Recherche. Il travaille sur le traitement automatique de la langue (Tal ou natural language processing, NLP) et l’intelligence artificielle. « Cet apport est devenu très différenciant », commente Noureddine Lamriri. Il se concrétise sur trois axes. Le premier est celui de la détection de l’information dans les documents (données de santé, bancaires, personnelles…). Le deuxième a trait à la recherche intelligente. Il s’agit d’étendre la recherche aux synonymes, d’opérer une extension sémantique, de traduire la requête en d’autres langues… On dégage des résultats plus fiables, avec à la fois moins de silence et moins de bruit. Le troisième axe concerne la classification par tagging automatique. On part d’un corpus réduit dont on sait qu’il est typé avec exactitude et on le soumet à une analyse de machine learning qui s’intéressera à des caractéristiques de structure et sémantiques. Après cela, une matrice statistique étant bâtie, la totalité du corpus peut être traitée. Puis l’apprentissage s’affine encore selon l’évolution du typage.

    La RPA : du pansement

    Arondor voit l’arrivée de l’intelligence artificielle sous un autre angle. On constate d’abord la croissance d’un équipement en robots (de type robotic process automation, RPA), pour relier des applications… faute d’API suffisantes pour assurer l’interopérabilité. « C’est du pansement », juge Alain Le Bras. Mais les plateformes vont obliger à aller plus loin dans le recours à l’IA. Dès l’instant où les robots seront en place pour davantage d’automatisation et d’hyper-réactivité en faveur des clients — ce marché n’est encore qu’en phase de conquête —, il sera fait encore plus appel à l’IA pour enrichir davantage les informations et en tirer toujours plus de valeur. De grands donneurs d’ordre dans les domaines de l’assurance et des mutuelles sont déjà dans cette optique.

    Par ailleurs, les capacités de catégorisation avec autoapprentissage de l’IA peuvent laisser imaginer de nouvelles perspectives. On pourrait par exemple ouvrir une Ged totalement vierge : on y injecte des documents, des informations, que l’on recherche ensuite de telle ou telle façon, pour différents usages et l’IA apprend à partir de ce chaos apparent et propose des métadonnées, une catégorisation. « Comme une Ged en mode évolutif permanent », dit Alain Le Bras qui conclut : « Je la verrai bien émerger d’ici trois ou quatre ans » !

    Frank-Poireau-MicrosoftFrank Poireau, expert Microsoft (Microsoft Most Valuable Professional, MVP) (ndlr : Frank Poireau est aussi l'auteur de « Adopter Sharepoint sans développer » (tome 1), Books on Demand, 2017), analyse le mot « Ged ». D’une entreprise à l’autre, les définitions varient. On peut l’entendre soit, sur un premier niveau, comme un serveur de fichiers, soit comme un outil à part entière, « un endroit où l’on classe la connaissance ». Alors le logiciel est mis en place pour ce qui sert de référentiel. C’est pour lui ce qui constitue une Ged collaborative, un espace deux en un, avec ces deux logiques de classement et de partage de l’information.

    Mais le serveur de fichiers est souvent perçu comme un silo. Or il faut avoir une vision en flux, ce que permettent Sharepoint et Office 356. Ces solutions de Microsoft — versions serveur et cloud — couvrent les trois stades du traitement de l’information : la préparation, la publication et la mise en archive de documents engageants. Frank Poireau décrit donc Sharepoint comme une plateforme « trois en un ». Et cette plateforme peut se connecter à différents logiciels. « L’objectif n’est pas d’avoir un outil universel », résume Frank Poireau ; « Sharepoint est un décathlonien, il n’est pas numéro un dans chaque discipline, mais il peut tout faire avec la meilleure moyenne ».

    Intranet « mobile et intelligent »

    Une remarque : dans sa communication, Microsoft emploie le mot d’« intranet », un mot qui a tendance à disparaître… Frank Poireau l’admet. Cependant, depuis environ deux ans, « Microsoft s’est rattrapé ». On parle maintenant d’intranet « mobile et intelligent », d’« espace de travail connecté ». On s’est mis en responsive design, autorisant un accès aussi bien sur le téléphone portable que sur le PC. De quoi mettre à disposition, même en mobilité, une page d’intranet personnalisée, par exemple en tant que manager, que nouvel arrivé dans l’entreprise, etc., avec son activité, des notifications de nouveaux documents, des alertes pour des rendez-vous et des tâches.

    Le credo de la gouvernance de l’information

    Noureddine-Lamriri-EverteamChez Everteam, la gestion de contenu est une vieille histoire. « Everteam travaille dans le domaine de l’ECM depuis que le sigle existe », décrit Noureddine Lamriri, vice-président product management. Aujourd’hui, l’éditeur délivre des solutions orientées principalement dans le domaine des « records », soit des documents figés, validés, et dont la durée de conservation est à gérer.

    La gouvernance de l’information est le credo d’Everteam. Dans une logique d’ECM, une information est déposée dans un système qui fait vivre ce contenu. Dans une logique de gouvernance, il est toujours possible de déposer un contenu, comme il est possible d’appréhender des contenus situés dans des systèmes tiers, ceci pour les recenser, les reconnaître ou les retrouver. S’ajoutent des actions spécifiques, comme par exemple parvenir à repérer des informations personnelles, rapatrier une information vers un système d’archivage ou faciliter la migration d’un contenu d’un système vers un autre. La gouvernance de l’information relève toujours de la gestion de contenu.

    Content service plateforme : une approche technologique

    S’appuyant sur une étude du cabinet américain IDC, Noureddine Lamriri souligne la prise de conscience des entreprises de devoir identifier davantage leurs contenus non structurés, notamment via le tagging (mettre une étiquette « contrat », « facture », « bulletin de paie », etc.). Cette nécessité est un véritable challenge pour la gestion de contenu.

    Par ailleurs, à ses yeux la formulation de gestion de contenu a de moins en moins de sens, le marché aurait « complètement éclaté ». Poussé par le cabinet Gartner, on a remplacé ce concept par celui de « content service plateforme ». Mais cela aurait très peu d’accroche sur le marché, en particulier le marché français. Déjà, le terme de Ged, même s’il paraît vieillissant, reste plus parlant pour nombre d’utilisateurs. Et CSP relève beaucoup d’une nouvelle approche architecturale des systèmes de gestion de contenu orientée microservices et API. C’est donc plus une approche technologique qu’un reflet de la manière donc les acteurs utilisent les outils.

    Une Ged augmentée de quelques caractéristiques

    Quant à la Ged collaborative, elle consiste en une Ged augmentée de quelques caractéristiques. En particulier la possibilité de créer des « workspaces » ou espaces de travail, ceci en environnement web, avec partage, envoi, modification de documents - mais elle n’est pas une Ged dans le sens référentiel. Ou encore la possibilité de bénéficier de fonctionnalités de réseau social (fil de discussion, chat, notation…). Mais la Ged collaborative, qui vise la fluidité, ne s’intéresse pas à une gestion qualitative des documents validés qui répondrait à des préoccupations d’intégrité et de pérennité. C’est pourquoi on est venu souvent lui ajouter un outil d’archivage. C’est bien là où elle se démarque de systèmes de records management aptes à prendre en charge un document sur tout son cycle de vie.

    Des plateformes qui soignent le parcours utilisateur

    Expert en gestion de document, intégrateur et éditeur, Arondor observe un moindre engouement aujourd’hui pour le concept de Ged collaborative. « Nous sommes davantage confrontés à des problématiques de référentiel de Ged, pour des documents validés, fidélisés », déclare Alain Le Bras, directeur général. Le collaboratif se trouverait plus entre les mains de solutions de type réseau social d’entreprise (RSE).

    Cliff-Checkmodine-ArondorCliff Checkmodine, directeur commercial, confirme cette impression de reflux de la Ged collaborative, notamment face à des plateformes qui soignent le parcours utilisateur. S’ajoute une demande de « concentration du patrimoine numérique » qui doit permettre de « fédérer » l’entreprise tant en interne qu’en externe. En schématisant, on retrouverait le collaboratif pour les documents du quotidien et le référentiel une fois ces documents validés. Et les offres des éditeurs pencheraient soit d’un côté, soit de l’autre.

    Il faut voir aussi que, face à des plateformes dont un point fort est la mise à disposition d’API, les applications de Ged se trouvent « challengées ». Comment en effet peuvent-elles offrir une interopérabilité entre les systèmes ?

    2. Comment cela fonctionne

    OpenText a arrêté de gérer les documents par types, déclare Jean-François Millasseau. La logique est devenue celle du regroupement d’ensembles de documents par métier, « utiles à son contexte ». Fini le recours à une arborescence unique, l’utilisateur accède à des « connected workspaces ». Par exemple, un espace de travail collecte toutes les informations liées à un client : propositions, emails, présentations, commandes, contrats, factures. C’est un point d’accès unique ouvert, via des permissions, aux collaborateurs concernés par ce client.

    Socle unique et pont

    Jean-François Millasseau souligne l’aspect « multiéquipe » de cet environnement. Acheteurs, gestionnaires de la commande, qualité, etc., tous, grâce à autant de connecteurs qu’il est nécessaire, peuvent naviguer facilement d’une information à l’autre. OpenText prend ainsi la forme à la fois d’un « socle unique » parmi des applications métier très différentes et d’un « pont » entre celles-ci. Élément pivot, le référentiel ou « hub documentaire » offre l’entrée vers les documents d’équipes. L’utilisateur accède soit par son application métier, soit par OpenText où chaque métier retrouve sa page de garde spécifique et ne voit que ses propres données.

    Un « centre de sécurité et de conformité »

    Frank Poireau souligne les différences entre Sharepoint Server et Office 365. À l’image d’un drive, Sharepoint Server peut être réglé en espaces personnels permanents attachés à un service, un département ou autre. Ces espaces de collaboration ou de partage de référentiels de documents sont équipés de process structurés. Ils recourent à des connecteurs, par exemple vers un enterprise resource planning (ERP).

    Office 365 est une solution cloud comprenant à la fois Exchange pour la gestion des emails, Skype pour la conversation et la vidéo, et Sharepoint pour la partie gestion documentaire. De plus, elle comprend un « centre de sécurité et de conformité ». Cela consiste en une application basée sur la recherche (« search based application »). Ce moteur de recherche a appris des mots-clés ou conjonctions de mots-clés susceptibles de renseigner des informations sensibles, via la scrutation à la fois des espaces collaboratifs, des référentiels, des archives... Ainsi l’application peut alerter ou empêcher certains types de fonctionnements par les utilisateurs. Pour marcher, cette search based application est simplement à paramétrer. La présence de cet outil permettait d’affirmer la conformité d’Office 365 avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD) six mois avant son entrée en vigueur, en mai 2018. Sur Sharepoint Server, cet outil existe, mais est à déployer soi-même.

    Ne pas confondre référentiel et archivage

    Concernant les solutions de type référentiel, décrit Arondor, qui intéressent les ressources humaines, la comptabilité, la gestion des fournisseurs, etc., la vérification et la qualification des documents peuvent se passer manuellement ou automatiquement. Cela dépend de facteurs variés : le process, par exemple un process de know your costumer (KYC), l’implication d’un data protection officer (DPO). De plus, dans un contexte de RGPD en particulier, il faudra introduire une notion de purge.

    Alain-Le-Bras-Arondor

    Recourir à un référentiel amène-t-il à constituer un silo ? Non, répond Alain Le Bras, l’information n’y est pas enfermée, on a affaire à un patrimoine vivant. En outre, attention à ne pas confondre référentiel et archivage. Celui-ci, qui correspond à l’idée de document sécurisé, intervient en dernier lieu et ne s’adresse plus aux mêmes utilisateurs.

    Mais la question du référentiel est parfois nécessairement confrontée à celle de l’archivage. C’est bien sûr le cas dans une problématique de RGPD où se côtoient les notions de droit à l’oubli et de rétention. Il est alors nécessaire de prévoir des processus techniques de bascule de documents depuis le référentiel vers le système d’archivage. « Avant on gardait tout », se souvient Alain Le Bras, « ce n’est plus possible aujourd’hui où l’on a parfois le devoir de détruire ». Il ajoute : « Garder certains documents devient même un risque ! ».

    3. Question de gouvernance

    Chez OpenText, la question de la gouvernance est évoquée à propos du travail de préparation de la plateforme et se trouve entre les mains de l’équipe ECM. Elle définit l’organisation de l’information selon les utilisateurs : organisation par client pour l’un, par produit pour l’autre, etc. Par la suite, si un utilisateur crée par exemple un client à partir de son gestionnaire de la relation client (CRM), cela génèrera l’arborescence nécessaire au travail sur ce client. À noter que l’utilisateur n’entre pas de métadonnées, OpenText se charge de cette indexation.

    Ne pas déplacer les documents

    De son côté, Everteam répond à la question de la gouvernance de l’information par son offre de records management ou « Ged de documents validés », selon la formule de Noureddine Lamriri. L’éditeur se positionne en priorité sur des projets non pas très collaboratifs, mais où la conformité, la valeur probatoire, la pérennité font partie des besoins.

    Il cible aussi le marché émergent de la gestion de contenu « in place ». Ici, si les entreprises ne souhaitent pas déplacer leurs documents manipulés via telles et telles applications, elles veulent tout de même pouvoir les piloter, agir dessus. Une préoccupation d’autant plus urgente que les collaborateurs tendent à déposer des documents sans limites ni contrôle. Everteam intervient alors dans plusieurs scénarios possibles : assainir des espaces (identifier les volumes, les doublons, les documents très, peu ou pas utilisés), déplacer des contenus (par exemple, migration d’un espace de stockage dans le cloud vers un archivage interne), faire de la réconciliation de contenu (indexer, retrouver les contenus), détecter des données sensibles, enrichir les documents de métadonnées afin de mieux les gouverner (par exemple, appliquer un calcul de date d’élimination)...

    4. Cycle de vie de l’information

    Qu’en est-il de la question du cycle de vie de l’information ? Pour Everteam, celui-ci fait partie de l’ADN de ses solutions. Pour OpenText, « la même plateforme fait la partie business et records management », déclare Jean-François Millasseau. Dès le paramétrage, la règle de classification est intégrée (par exemple, tout ce qui est contrat est associé à telle durée de conservation, etc.). C’est transparent pour l’utilisateur ; il n’a pas à se demander où conserver un document, celui-ci reste dans son environnement.

    Règles de rétention et tableaux de bord

    Avec Sharepoint ou Office 365, on peut gérer la donnée dans tout son cycle de vie : préparation, collaboration (Sharepoint ou Teams), publication et archivage. Il suffit de recourir aux « modèles de site » préconfigurés. « Un beau Lego à assembler », selon l’expression de Frank Poireau. Pour la question de l’archivage ou plutôt du records management, le consultant précise que les solutions sont « adossées » à la norme Iso 15489 « Information et documentation - records management ». Elles autorisent l’application de règles de rétention et ouvrent des tableaux de bord pour monitorer et surveiller.

    5. Perspectives de l’intelligences artificielle

    OpenText dit avoir « pas mal de choses » dans ses laboratoires en matière d’intelligence artificielle (IA). Une direction prise a trait à la maintenance prédictive, en milieu industriel. Une étude est en cours avec un client allemand. Une autre concerne notamment la gestion des emails. « On avance sur des Poc (proofs of concept) », dit Jean-François Millasseau. Il s’agit de capturer les emails, les analyser et les orienter soit vers une action automatique — une réponse —, soit, si la complexité est trop grande, vers une personne, soit vers un rangement dans un dossier d’ECM. Le text mining est à la manœuvre. Certes on y avait déjà recours, mais ici on s’intéresse à l’usage : ne pas voir que des noms de clients, des dates ou des numéros de facture, mais se pencher sur le contenu lui-même, la tonalité… Et ceci avec l’ambition de traiter de gros volumes. L’IA apporte un apprentissage permanent en fonction de ce que l’homme corrige par rapport à la machine. L’éditeur est prêt à introduire ces technologies...

    "Conversationnel intelligent"

    Dans Office 365, la révolution de l’intelligence artificielle va beaucoup concerner Microsoft Teams, « plateforme dédiée au travail d’équipe ». On ne passe plus par un navigateur, mais par des chatbots, logiciels conversationnels que l’on peut installer pour être assisté dans sa journée de travail — ce peuvent être des extensions non Microsoft. Or, la prochaine génération de chatbots va analyser le flux des chatbots dont on dispose et, décrit Frank Poireau, confronter ce contenu avec « l’état mental » de l’utilisateur afin de décider si c’est le bon moment pour lui pousser tel message, telle notification… On ne va plus subir les flux d’emails (75 % des personnes les lisent dès réception, au détriment de leur concentration et des tâches en cours), mais bénéficier d’une technologie vraiment à son service, « un facteur de liberté », juge Frank Poireau. Ce « conversationnel intelligent » pourrait être disponible dès 2020, en tout cas avant 2025.

    Un apport devenu très différenciant

    Everteam possède un laboratoire certifié par le ministère de la Recherche. Il travaille sur le traitement automatique de la langue (Tal ou natural language processing, NLP) et l’intelligence artificielle. « Cet apport est devenu très différenciant », commente Noureddine Lamriri. Il se concrétise sur trois axes. Le premier est celui de la détection de l’information dans les documents (données de santé, bancaires, personnelles…). Le deuxième a trait à la recherche intelligente. Il s’agit d’étendre la recherche aux synonymes, d’opérer une extension sémantique, de traduire la requête en d’autres langues… On dégage des résultats plus fiables, avec à la fois moins de silence et moins de bruit. Le troisième axe concerne la classification par tagging automatique. On part d’un corpus réduit dont on sait qu’il est typé avec exactitude et on le soumet à une analyse de machine learning qui s’intéressera à des caractéristiques de structure et sémantiques. Après cela, une matrice statistique étant bâtie, la totalité du corpus peut être traitée. Puis l’apprentissage s’affine encore selon l’évolution du typage.

    La RPA : du pansement

    Arondor voit l’arrivée de l’intelligence artificielle sous un autre angle. On constate d’abord la croissance d’un équipement en robots (de type robotic process automation, RPA), pour relier des applications… faute d’API suffisantes pour assurer l’interopérabilité. « C’est du pansement », juge Alain Le Bras. Mais les plateformes vont obliger à aller plus loin dans le recours à l’IA. Dès l’instant où les robots seront en place pour davantage d’automatisation et d’hyper-réactivité en faveur des clients — ce marché n’est encore qu’en phase de conquête —, il sera fait encore plus appel à l’IA pour enrichir davantage les informations et en tirer toujours plus de valeur. De grands donneurs d’ordre dans les domaines de l’assurance et des mutuelles sont déjà dans cette optique.

    Par ailleurs, les capacités de catégorisation avec autoapprentissage de l’IA peuvent laisser imaginer de nouvelles perspectives. On pourrait par exemple ouvrir une Ged totalement vierge : on y injecte des documents, des informations, que l’on recherche ensuite de telle ou telle façon, pour différents usages et l’IA apprend à partir de ce chaos apparent et propose des métadonnées, une catégorisation. « Comme une Ged en mode évolutif permanent », dit Alain Le Bras qui conclut : « Je la verrai bien émerger d’ici trois ou quatre ans » !

    Frank-Poireau-MicrosoftFrank Poireau, expert Microsoft (Microsoft Most Valuable Professional, MVP) (ndlr : Frank Poireau est aussi l'auteur de « Adopter Sharepoint sans développer » (tome 1), Books on Demand, 2017), analyse le mot « Ged ». D’une entreprise à l’autre, les définitions varient. On peut l’entendre soit, sur un premier niveau, comme un serveur de fichiers, soit comme un outil à part entière, « un endroit où l’on classe la connaissance ». Alors le logiciel est mis en place pour ce qui sert de référentiel. C’est pour lui ce qui constitue une Ged collaborative, un espace deux en un, avec ces deux logiques de classement et de partage de l’information.

    Mais le serveur de fichiers est souvent perçu comme un silo. Or il faut avoir une vision en flux, ce que permettent Sharepoint et Office 356. Ces solutions de Microsoft — versions serveur et cloud — couvrent les trois stades du traitement de l’information : la préparation, la publication et la mise en archive de documents engageants. Frank Poireau décrit donc Sharepoint comme une plateforme « trois en un ». Et cette plateforme peut se connecter à différents logiciels. « L’objectif n’est pas d’avoir un outil universel », résume Frank Poireau ; « Sharepoint est un décathlonien, il n’est pas numéro un dans chaque discipline, mais il peut tout faire avec la meilleure moyenne ».

    Intranet « mobile et intelligent »

    Une remarque : dans sa communication, Microsoft emploie le mot d’« intranet », un mot qui a tendance à disparaître… Frank Poireau l’admet. Cependant, depuis environ deux ans, « Microsoft s’est rattrapé ». On parle maintenant d’intranet « mobile et intelligent », d’« espace de travail connecté ». On s’est mis en responsive design, autorisant un accès aussi bien sur le téléphone portable que sur le PC. De quoi mettre à disposition, même en mobilité, une page d’intranet personnalisée, par exemple en tant que manager, que nouvel arrivé dans l’entreprise, etc., avec son activité, des notifications de nouveaux documents, des alertes pour des rendez-vous et des tâches.

    Le credo de la gouvernance de l’information

    Noureddine-Lamriri-EverteamChez Everteam, la gestion de contenu est une vieille histoire. « Everteam travaille dans le domaine de l’ECM depuis que le sigle existe », décrit Noureddine Lamriri, vice-président product management. Aujourd’hui, l’éditeur délivre des solutions orientées principalement dans le domaine des « records », soit des documents figés, validés, et dont la durée de conservation est à gérer.

    La gouvernance de l’information est le credo d’Everteam. Dans une logique d’ECM, une information est déposée dans un système qui fait vivre ce contenu. Dans une logique de gouvernance, il est toujours possible de déposer un contenu, comme il est possible d’appréhender des contenus situés dans des systèmes tiers, ceci pour les recenser, les reconnaître ou les retrouver. S’ajoutent des actions spécifiques, comme par exemple parvenir à repérer des informations personnelles, rapatrier une information vers un système d’archivage ou faciliter la migration d’un contenu d’un système vers un autre. La gouvernance de l’information relève toujours de la gestion de contenu.

    Content service plateforme : une approche technologique

    S’appuyant sur une étude du cabinet américain IDC, Noureddine Lamriri souligne la prise de conscience des entreprises de devoir identifier davantage leurs contenus non structurés, notamment via le tagging (mettre une étiquette « contrat », « facture », « bulletin de paie », etc.). Cette nécessité est un véritable challenge pour la gestion de contenu.

    Par ailleurs, à ses yeux la formulation de gestion de contenu a de moins en moins de sens, le marché aurait « complètement éclaté ». Poussé par le cabinet Gartner, on a remplacé ce concept par celui de « content service plateforme ». Mais cela aurait très peu d’accroche sur le marché, en particulier le marché français. Déjà, le terme de Ged, même s’il paraît vieillissant, reste plus parlant pour nombre d’utilisateurs. Et CSP relève beaucoup d’une nouvelle approche architecturale des systèmes de gestion de contenu orientée microservices et API. C’est donc plus une approche technologique qu’un reflet de la manière donc les acteurs utilisent les outils.

    Une Ged augmentée de quelques caractéristiques

    Quant à la Ged collaborative, elle consiste en une Ged augmentée de quelques caractéristiques. En particulier la possibilité de créer des « workspaces » ou espaces de travail, ceci en environnement web, avec partage, envoi, modification de documents - mais elle n’est pas une Ged dans le sens référentiel. Ou encore la possibilité de bénéficier de fonctionnalités de réseau social (fil de discussion, chat, notation…). Mais la Ged collaborative, qui vise la fluidité, ne s’intéresse pas à une gestion qualitative des documents validés qui répondrait à des préoccupations d’intégrité et de pérennité. C’est pourquoi on est venu souvent lui ajouter un outil d’archivage. C’est bien là où elle se démarque de systèmes de records management aptes à prendre en charge un document sur tout son cycle de vie.

    Des plateformes qui soignent le parcours utilisateur

    Expert en gestion de document, intégrateur et éditeur, Arondor observe un moindre engouement aujourd’hui pour le concept de Ged collaborative. « Nous sommes davantage confrontés à des problématiques de référentiel de Ged, pour des documents validés, fidélisés », déclare Alain Le Bras, directeur général. Le collaboratif se trouverait plus entre les mains de solutions de type réseau social d’entreprise (RSE).

    Cliff-Checkmodine-ArondorCliff Checkmodine, directeur commercial, confirme cette impression de reflux de la Ged collaborative, notamment face à des plateformes qui soignent le parcours utilisateur. S’ajoute une demande de « concentration du patrimoine numérique » qui doit permettre de « fédérer » l’entreprise tant en interne qu’en externe. En schématisant, on retrouverait le collaboratif pour les documents du quotidien et le référentiel une fois ces documents validés. Et les offres des éditeurs pencheraient soit d’un côté, soit de l’autre.

    Il faut voir aussi que, face à des plateformes dont un point fort est la mise à disposition d’API, les applications de Ged se trouvent « challengées ». Comment en effet peuvent-elles offrir une interopérabilité entre les systèmes ?

    2. Comment cela fonctionne

    OpenText a arrêté de gérer les documents par types, déclare Jean-François Millasseau. La logique est devenue celle du regroupement d’ensembles de documents par métier, « utiles à son contexte ». Fini le recours à une arborescence unique, l’utilisateur accède à des « connected workspaces ». Par exemple, un espace de travail collecte toutes les informations liées à un client : propositions, emails, présentations, commandes, contrats, factures. C’est un point d’accès unique ouvert, via des permissions, aux collaborateurs concernés par ce client.

    Socle unique et pont

    Jean-François Millasseau souligne l’aspect « multiéquipe » de cet environnement. Acheteurs, gestionnaires de la commande, qualité, etc., tous, grâce à autant de connecteurs qu’il est nécessaire, peuvent naviguer facilement d’une information à l’autre. OpenText prend ainsi la forme à la fois d’un « socle unique » parmi des applications métier très différentes et d’un « pont » entre celles-ci. Élément pivot, le référentiel ou « hub documentaire » offre l’entrée vers les documents d’équipes. L’utilisateur accède soit par son application métier, soit par OpenText où chaque métier retrouve sa page de garde spécifique et ne voit que ses propres données.

    Un « centre de sécurité et de conformité »

    Frank Poireau souligne les différences entre Sharepoint Server et Office 365. À l’image d’un drive, Sharepoint Server peut être réglé en espaces personnels permanents attachés à un service, un département ou autre. Ces espaces de collaboration ou de partage de référentiels de documents sont équipés de process structurés. Ils recourent à des connecteurs, par exemple vers un enterprise resource planning (ERP).

    Office 365 est une solution cloud comprenant à la fois Exchange pour la gestion des emails, Skype pour la conversation et la vidéo, et Sharepoint pour la partie gestion documentaire. De plus, elle comprend un « centre de sécurité et de conformité ». Cela consiste en une application basée sur la recherche (« search based application »). Ce moteur de recherche a appris des mots-clés ou conjonctions de mots-clés susceptibles de renseigner des informations sensibles, via la scrutation à la fois des espaces collaboratifs, des référentiels, des archives... Ainsi l’application peut alerter ou empêcher certains types de fonctionnements par les utilisateurs. Pour marcher, cette search based application est simplement à paramétrer. La présence de cet outil permettait d’affirmer la conformité d’Office 365 avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD) six mois avant son entrée en vigueur, en mai 2018. Sur Sharepoint Server, cet outil existe, mais est à déployer soi-même.

    Ne pas confondre référentiel et archivage

    Concernant les solutions de type référentiel, décrit Arondor, qui intéressent les ressources humaines, la comptabilité, la gestion des fournisseurs, etc., la vérification et la qualification des documents peuvent se passer manuellement ou automatiquement. Cela dépend de facteurs variés : le process, par exemple un process de know your costumer (KYC), l’implication d’un data protection officer (DPO). De plus, dans un contexte de RGPD en particulier, il faudra introduire une notion de purge.

    Alain-Le-Bras-Arondor

    Recourir à un référentiel amène-t-il à constituer un silo ? Non, répond Alain Le Bras, l’information n’y est pas enfermée, on a affaire à un patrimoine vivant. En outre, attention à ne pas confondre référentiel et archivage. Celui-ci, qui correspond à l’idée de document sécurisé, intervient en dernier lieu et ne s’adresse plus aux mêmes utilisateurs.

    Mais la question du référentiel est parfois nécessairement confrontée à celle de l’archivage. C’est bien sûr le cas dans une problématique de RGPD où se côtoient les notions de droit à l’oubli et de rétention. Il est alors nécessaire de prévoir des processus techniques de bascule de documents depuis le référentiel vers le système d’archivage. « Avant on gardait tout », se souvient Alain Le Bras, « ce n’est plus possible aujourd’hui où l’on a parfois le devoir de détruire ». Il ajoute : « Garder certains documents devient même un risque ! ».

    3. Question de gouvernance

    Chez OpenText, la question de la gouvernance est évoquée à propos du travail de préparation de la plateforme et se trouve entre les mains de l’équipe ECM. Elle définit l’organisation de l’information selon les utilisateurs : organisation par client pour l’un, par produit pour l’autre, etc. Par la suite, si un utilisateur crée par exemple un client à partir de son gestionnaire de la relation client (CRM), cela génèrera l’arborescence nécessaire au travail sur ce client. À noter que l’utilisateur n’entre pas de métadonnées, OpenText se charge de cette indexation.

    Ne pas déplacer les documents

    De son côté, Everteam répond à la question de la gouvernance de l’information par son offre de records management ou « Ged de documents validés », selon la formule de Noureddine Lamriri. L’éditeur se positionne en priorité sur des projets non pas très collaboratifs, mais où la conformité, la valeur probatoire, la pérennité font partie des besoins.

    Il cible aussi le marché émergent de la gestion de contenu « in place ». Ici, si les entreprises ne souhaitent pas déplacer leurs documents manipulés via telles et telles applications, elles veulent tout de même pouvoir les piloter, agir dessus. Une préoccupation d’autant plus urgente que les collaborateurs tendent à déposer des documents sans limites ni contrôle. Everteam intervient alors dans plusieurs scénarios possibles : assainir des espaces (identifier les volumes, les doublons, les documents très, peu ou pas utilisés), déplacer des contenus (par exemple, migration d’un espace de stockage dans le cloud vers un archivage interne), faire de la réconciliation de contenu (indexer, retrouver les contenus), détecter des données sensibles, enrichir les documents de métadonnées afin de mieux les gouverner (par exemple, appliquer un calcul de date d’élimination)...

    4. Cycle de vie de l’information

    Qu’en est-il de la question du cycle de vie de l’information ? Pour Everteam, celui-ci fait partie de l’ADN de ses solutions. Pour OpenText, « la même plateforme fait la partie business et records management », déclare Jean-François Millasseau. Dès le paramétrage, la règle de classification est intégrée (par exemple, tout ce qui est contrat est associé à telle durée de conservation, etc.). C’est transparent pour l’utilisateur ; il n’a pas à se demander où conserver un document, celui-ci reste dans son environnement.

    Règles de rétention et tableaux de bord

    Avec Sharepoint ou Office 365, on peut gérer la donnée dans tout son cycle de vie : préparation, collaboration (Sharepoint ou Teams), publication et archivage. Il suffit de recourir aux « modèles de site » préconfigurés. « Un beau Lego à assembler », selon l’expression de Frank Poireau. Pour la question de l’archivage ou plutôt du records management, le consultant précise que les solutions sont « adossées » à la norme Iso 15489 « Information et documentation - records management ». Elles autorisent l’application de règles de rétention et ouvrent des tableaux de bord pour monitorer et surveiller.

    5. Perspectives de l’intelligences artificielle

    OpenText dit avoir « pas mal de choses » dans ses laboratoires en matière d’intelligence artificielle (IA). Une direction prise a trait à la maintenance prédictive, en milieu industriel. Une étude est en cours avec un client allemand. Une autre concerne notamment la gestion des emails. « On avance sur des Poc (proofs of concept) », dit Jean-François Millasseau. Il s’agit de capturer les emails, les analyser et les orienter soit vers une action automatique — une réponse —, soit, si la complexité est trop grande, vers une personne, soit vers un rangement dans un dossier d’ECM. Le text mining est à la manœuvre. Certes on y avait déjà recours, mais ici on s’intéresse à l’usage : ne pas voir que des noms de clients, des dates ou des numéros de facture, mais se pencher sur le contenu lui-même, la tonalité… Et ceci avec l’ambition de traiter de gros volumes. L’IA apporte un apprentissage permanent en fonction de ce que l’homme corrige par rapport à la machine. L’éditeur est prêt à introduire ces technologies...

    "Conversationnel intelligent"

    Dans Office 365, la révolution de l’intelligence artificielle va beaucoup concerner Microsoft Teams, « plateforme dédiée au travail d’équipe ». On ne passe plus par un navigateur, mais par des chatbots, logiciels conversationnels que l’on peut installer pour être assisté dans sa journée de travail — ce peuvent être des extensions non Microsoft. Or, la prochaine génération de chatbots va analyser le flux des chatbots dont on dispose et, décrit Frank Poireau, confronter ce contenu avec « l’état mental » de l’utilisateur afin de décider si c’est le bon moment pour lui pousser tel message, telle notification… On ne va plus subir les flux d’emails (75 % des personnes les lisent dès réception, au détriment de leur concentration et des tâches en cours), mais bénéficier d’une technologie vraiment à son service, « un facteur de liberté », juge Frank Poireau. Ce « conversationnel intelligent » pourrait être disponible dès 2020, en tout cas avant 2025.

    Un apport devenu très différenciant

    Everteam possède un laboratoire certifié par le ministère de la Recherche. Il travaille sur le traitement automatique de la langue (Tal ou natural language processing, NLP) et l’intelligence artificielle. « Cet apport est devenu très différenciant », commente Noureddine Lamriri. Il se concrétise sur trois axes. Le premier est celui de la détection de l’information dans les documents (données de santé, bancaires, personnelles…). Le deuxième a trait à la recherche intelligente. Il s’agit d’étendre la recherche aux synonymes, d’opérer une extension sémantique, de traduire la requête en d’autres langues… On dégage des résultats plus fiables, avec à la fois moins de silence et moins de bruit. Le troisième axe concerne la classification par tagging automatique. On part d’un corpus réduit dont on sait qu’il est typé avec exactitude et on le soumet à une analyse de machine learning qui s’intéressera à des caractéristiques de structure et sémantiques. Après cela, une matrice statistique étant bâtie, la totalité du corpus peut être traitée. Puis l’apprentissage s’affine encore selon l’évolution du typage.

    La RPA : du pansement

    Arondor voit l’arrivée de l’intelligence artificielle sous un autre angle. On constate d’abord la croissance d’un équipement en robots (de type robotic process automation, RPA), pour relier des applications… faute d’API suffisantes pour assurer l’interopérabilité. « C’est du pansement », juge Alain Le Bras. Mais les plateformes vont obliger à aller plus loin dans le recours à l’IA. Dès l’instant où les robots seront en place pour davantage d’automatisation et d’hyper-réactivité en faveur des clients — ce marché n’est encore qu’en phase de conquête —, il sera fait encore plus appel à l’IA pour enrichir davantage les informations et en tirer toujours plus de valeur. De grands donneurs d’ordre dans les domaines de l’assurance et des mutuelles sont déjà dans cette optique.

    Par ailleurs, les capacités de catégorisation avec autoapprentissage de l’IA peuvent laisser imaginer de nouvelles perspectives. On pourrait par exemple ouvrir une Ged totalement vierge : on y injecte des documents, des informations, que l’on recherche ensuite de telle ou telle façon, pour différents usages et l’IA apprend à partir de ce chaos apparent et propose des métadonnées, une catégorisation. « Comme une Ged en mode évolutif permanent », dit Alain Le Bras qui conclut : « Je la verrai bien émerger d’ici trois ou quatre ans » !

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    Archimag n°322
    Entre la Ged collaborative et les « plateformes de service », la gestion de contenu a-t-elle encore toute sa pertinence ? Ne faudrait-il pas compter sur l’intelligence artificielle pour apporter aux systèmes de gestion de l’information de nouveaux progrès…
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