Les bibliothécaires sont-ils au bord de l’épuisement ? On pourrait le penser à la lecture d’un communiqué de l’Association des bibliothécaires de France. L’ABF pointe tout ce qui ne va pas dans les bibliothèques depuis la mise en application des mesures sanitaires : “des équipes fragilisées par la circulation du virus, des ressources humaines à flux tendu, des équipes inquiètes pour leur sécurité et leur santé…” L’association présente également une revendication : “les collègues qui le souhaitent doivent pouvoir être prioritaires pour la vaccination (...) comme annoncé par le Président de la République”.
Alors que les cinémas, les salles de concert et les musées restent désespérément fermés depuis le 28 novembre, les bibliothèques (avec les services d’archives) demeurent les seuls équipements culturels à ouvrir leurs portes au public. Quand elles le peuvent... A Paris, une quinzaine d’établissements (sur 57) ont baissé le rideau et une cinquantaine d’agents seraient absents après avoir fait jouer une procédure dite d’autorisation spéciale d'absence. Résultat : la municipalité a dû adapter ses services et propose désormais un système de réservation de documents en ligne (clic/collecte).
A Marseille, comme dans d’autres villes, les missions sont menées en mode dégradé. Par la force des choses, le clic/collecte s’est imposé et les animations culturelles sont reportées jusqu’à nouvel ordre.
Surplus de travail généré par les protocoles sanitaires
Le malaise des bibliothécaires s’est bien évidemment exprimé sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, le Collectif de bibliothèques de Plaine Commune (Seine Saint-Denis) déplore le surplus de travail généré par l’application des protocoles sanitaires : “avec la Covid, nous faisons face à des activités supplémentaires : traitement des documents en quarantaine, désinfection des surfaces, déploiement de postes d’accueil supplémentaires, multiplication du nombre de réservations…”
Ces opérations qui s’ajoutent aux missions traditionnelles génèrent à leur tour des dysfonctionnements dans l'organisation de l’établissement : “faire respecter les mesures sanitaires nous place dans un rôle de contrôle et réduit notre disponibilité pour répondre aux besoins du public”.
Chez certains, l’irritation grandit : “la colère et l’incompréhension ont commencé à monter quand on a compris qu’on allait continuer à travailler dans les bibliothèques comme si de rien n’était alors qu’un confinement a été annoncé, aussi partiel soit-il. Pas de jauge renforcée, pas de roulement d’équipe...” explique une bibliothécaire parisienne ; “le gouvernement incite les employeurs à prendre des mesures de télétravail, et la population à se déplacer le moins possible ou seulement en extérieur, et dans les bibliothèques tout allait rester comme si de rien n’était ? Rien ne concerne les bibliothèques dans les dernières annonces, on nous renvoie à un décret antérieur. Pour notre administration c’était « circulez il n’y a rien à voir » et au départ il ne devait même pas y avoir de CHSCT exceptionnel à la Direction des Affaires Culturelles de Paris, comme s’il n’y avait pas lieu de modifier quoi que ce soit dans le fonctionnement du travail.”
Revalorisation du point d’indice
Au-delà de la difficulté à appliquer le protocole sanitaire, les bibliothécaires déplorent un certain nombre de problèmes qui se posent depuis plusieurs années déjà : aucune revalorisation du point d’indice, application du jour de carence, matériel dégradé (ascenseurs en panne, chariots cassés, bureaux non-ergonomiques, défaillances informatiques), ouverture le dimanche…
En écho à ce constat, la CFDT pose la question de la revalorisation du tableau d’avancement des conservateurs. Alors que la rémunération des BIATSS (personnels ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des bibliothèques) fait l’objet de discussion, le syndicat s’étonne : “à quel titre les personnels des bibliothèques seraient-ils les grands oubliés de cette juste politique, alors qu’ils concourent tout aussi pleinement par leur expertise et leur technicité à la réalisation des objectifs de qualité de la recherche, par exemple en matière d’accompagnement de la politique de Science ouverte ?”.
Pas sûr que l’enveloppe du Centre national du livre de 10 millions d’euros pour venir en aide aux bibliothèques des collectivités territoriales ne rassure les bibliothécaires. D’autant que cette aide a pour seul objectif de soutenir l’achat de livres imprimés…