L'affaire s'est jouée en moins d'une heure. "Au terme de 45 minutes de débats, l’Assemblée nationale a adopté mercredi 2 juin, peu avant minuit, l’article sur l’accès aux archives contenu dans le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement (PATR)" déplore l'Association des archivistes français (AAF) ; "de manière inédite, le code du patrimoine qui régit l’accès aux archives a été modifié sans que la ministre de la Culture, pourtant en charge du dossier, ne soit présente sur les bancs du gouvernement".
Le projet de loi PATR comporte 29 articles dont l'un d'entre eux, l'article 19, encadre l'accès aux archives publiques. Celui-ci modifie l’article 213-2 du code du patrimoine notamment les délais de communication des archives publiques : 25 ans pour les documents relatifs aux délibérations du gouvernement, aux relations extérieures ; 50 ans pour les documents qui peuvent porter atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l’Etat (politique extérieure, sûreté de l’Etat et des personnes), etc.
Une interprétation de la loi inquiétante
Selon l'AAF, "les quelques assurances données par la ministre des Armées semblent bien dérisoires". Pour l'association, "l’interprétation que Madame Parly fait de la loi est inquiétante : selon elle, ce n’est pas tant la gravité de la menace attachée aux informations contenues dans les documents qui est problématique, mais le fait que l’accès aux archives pouvait constituer une menace contre la capacité de renseignement du pays !"
L'instruction générale interministérielle n° 1300, une véritable régression
Le vote du 2 juin intervient dans un contexte particulier. Depuis plusieurs mois, un collectif d'historiens et d'archivistes demandent "le plein accès aux archives contemporaines". Dans leur ligne de mire, figure notamment l'Instruction générale interministérielle n° 1 300. Dans un entretien qu'il a accordé à Archimag, l'historien Maurice Vaisse rappelle que ce dispositif "définit un périmètre de consultation et de communicabilité beaucoup plus restrictif que la loi de 2008". (1) Professeur émérite à Sciences Po et directeur de la Revue d'histoire diplomatique, Maurice Vaisse estime que "l’Instruction générale interministérielle n° 1 300 est une véritable régression. Ce texte bloque et retarde la recherche et encombre le travail des archivistes".
Le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement sera examiné par le Sénat les 29 et 30 juin prochains.
(1) Entretien à lire dans l'édition d'Archimag du mois de juin 2021.