"Nuit noire sur les archives". C'est en ces termes que l'Association des archivistes français a réagi après le vote par le Sénat d'un article réformant l'accès aux archives classifiées de plus de 50 ans. Le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement (PATR), et son article 19 sur les archives, a été adopté le 29 juin par les sénateurs (251 voix pour, 27 voix contre). Il avait été adopté par l'Assemblée nationale le 2 juin dernier.
"L’immense majorité de leurs archives devient inaccessible, et ce, sans aucune limite de durée autre que celle que ces mêmes services décideront" estime l'AAF ; "jusqu’ici, au contraire, ces documents devenaient communicables de plein droit aux citoyens au terme de délais allant de cinquante à cent ans."
Instruction générale interministérielle n° 1 300
Le projet de loi PATR comporte 29 articles dont l'article 19 qui encadre l'accès aux archives publiques. Celui-ci modifie l’article 213-2 du code du patrimoine notamment les délais de communication des archives publiques : 25 ans pour les documents relatifs aux délibérations du gouvernement, aux relations extérieures ; 50 ans pour les documents qui peuvent porter atteinte au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l’Etat (politique extérieure, sûreté de l’Etat et des personnes), etc.
Au-delà de cet article 19, le collectif "Accès aux archives publiques" pointe également l'Instruction générale interministérielle n° 1 300 de 2011. Dans un entretien qu'il a accordé à Archimag, l'historien Maurice Vaisse rappelle que ce dispositif "définit un périmètre de consultation et de communicabilité beaucoup plus restrictif que la loi de 2008". A ses yeux, "l’Instruction générale interministérielle n° 1 300 est une véritable régression. Ce texte bloque et retarde la recherche et encombre le travail des archivistes".
Passage en force
L'opposition a vivement réagi à l'adoption du projet de loi PATR. La sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly dénonce "un recul historique dans le principe de libre communicabilité des archives". Les sénateurs PS évoquent "un énorme retour en arrière" et "un passage en force". Selon Sylvie Robert, porte-parole du groupe socialiste, ce texte est "extrêmement grave par rapport à l'écriture de l'histoire contemporaine et politique de demain".
Du côté des archivistes et des historiens, la bataille n'est cependant pas terminée. Le collectif "Accès aux archives publiques" appelle désormais les sénateurs à saisir le Conseil constitutionnel. Le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement devrait être définitivement adopté dans la seconde quinzaine du mois de juillet.