Le rôle de médiateur culturel des bibliothèques serait-il menacé ? On pourrait le craindre, à en croire la revendication de la SACD, concernant les "heures du conte" pratiquées dans les établissements.
La Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), l'organisme chargé de la gestion collective des droits d'auteur, réclame que l'organisation des heures du conte, animations jusque-là librement proposées dans la plupart des bibliothèques de France et entrant dans le cadre du rôle fondamental des établissements de lecture publique, soient remises en question.
Le blog SavoirsCom1 rapporte en effet que plusieurs établissements auraient récemment reçu des courriers de la part de la SACD réclamant que les heures de conte, ainsi que la liste des livres utilisés, soient systématiquement déclarées afin de les soumettre à tarification. L'organisme souhaite ainsi mettre fin à la tolérance pratiquée jusque-là. Concrètement, des agents surveilleraient actuellement les sites des bibliothèques afin de traquer les messages annonçant la tenue d'une heure du conte et de leur adresser ensuite des courriers. En Belgique, cette mesure implique que des petits établissements s'acquittent aujourd'hui de facture pouvant atteindre 1 600 euros par an.
Historiquement venue des pays anglo-saxons, l'heure du conte est une animation à but pédagogique destinée à inciter les enfants à la lecture. Comme le rappelle Savoir Com1, "cette pratique est [jusqu'à présent] restée libre, bien que ces lectures publiques puissent être assimilées à des représentations en public d'œuvres protégées". La mission de service public des bibliothèques implique en effet nécessairement de faire coexister, dans un même corpus d'usages, des espaces marchands et d'autres non-marchands. Sans oublier que les établissements s'acquittent annuellement d'achats de livres et de droit de prêt contribuant de façon non négligeable au secteur de l'édition jeunesse.
Mobilisation des acteurs
S'interrogeant sur le point de vue des auteurs, au nom desquels la SACD semble intervenir, Savoir Com1 soulève dans son article les vrais questions du problème : "Par son attitude, la SACD remet en cause l’équilibre entre le droit des auteurs et les droits du public dans l’usage de la culture. Même si les paiements restent modiques, les modalités que la SACD entend imposer, autorisation préalable des auteurs et déclarations à la société, auront fatalement pour effet de freiner la mise en place de lectures pour les enfants dans les bibliothèques. Est-ce ainsi que l’on favorisera le goût pour la lecture chez les nouvelles générations, alors qu’il s’agit d’un enjeu fondamental de politique culturelle ?". L'ensemble des acteurs souhaitant défendre la diffusion de la culture, à laquelle participe l'heure du conte en bibliothèques, sont appelés à se mobiliser.