la réalité augmentée au service du livre

Utilisation de l’application de réalité augmentée sur un smartphone. Au survol de la médaille, la vue 3D apparaît et le lecteur peut interagir avec cette vue : zoomer, dézoomer, modifier l’angle de vue de la médaille. 4Dconcept

 

Pas un jour ne s’écoule sans qu’on entende parler de réalité augmentée. Loin du focus technique ou d’une profession de foi technophile, Archimag se penche sur ce phénomène par le biais d’un projet appliqué à un manuel scolaire. L’occasion de mettre la lumière sur les multiples enjeux soulevés par la réalité augmentée en terme d’édition, de modèle économique, mais aussi d’éducation.

dans le secteur de l’édition, les nouveaux supports de diffusion de l’information - e-reader, smartphone, etc. - ne cessent de se développer et surtout de s’ancrer dans les pratiques. Relativement adaptés à la lecture, ils engendrent une attente supplémentaire et ne valent que par l’association d’éléments multimédias et interactifs au contenu éditorial. Face à cette problématique d’accès à un écosystème multimédia et web à partir d’un support unique, le livre n’a pas dit son dernier mot. Grâce à la réalité augmentée. 4Dconcept, éditeur entre autres de solutions d’ingénierie documentaire, achève justement la mise en oeuvre d’un projet de réalité augmentée appliquée à un manuel scolaire. « La réalité augmentée, c’est l’idée d’un papier proactif. Elle permet à un ouvrage papier d’être un vecteur de ressources multimédia », explique avec enthousiasme Marie Lichtle, responsable marketing et communication de l’éditeur. Autrement dit, avec ce manuel, l’enseignant a à sa disposition l’ensemble de ces outils pédagogiques traditionnellement utilisés que sont livres, exposés, magnétoscope, ordinateur, vidéoprojecteur.

accès simplifié et ciblé au web

Ce n’est pas là le seul avantage de ce dispositif. Il répond aussi à une problématique d’infobésité, car donne directement accès à l’élément adéquat. « Ce web accessible par la réalité augmentée, on ne peut pas s’y perdre, il permet d’accéder précisément à l’information pertinente », détaille Marie Lichtle. On comprend fort bien l’intérêt dans un cadre scolaire d’un système permettant de proposer des contenus adaptés, mais aussi des services appropriés. Une sorte de web « borné », au sens de sécurisé, facile, ciblé et directement exploitable. Mais cela ne va pas sans poser quelques problèmes, à commencer par le dispositif d’affichage : les élèves vont-ils tous devoir posséder une tablette ou un smartphone ? « Pas forcément, un PC équipé d’une webcam convient très bien », objecte la jeune responsable marketing. La réalité augmentée ne requiert pas nécessairement un support nomade, ce qui permet d’en atténuer les aspects de fracture numérique et de ségrégation sociale. On peut même imaginer son utilisation couplée à celle d’un tableau blanc interactif (1), permettant d’afficher les contenus multimédias pour l’ensemble de la classe, d’être un outil de partage d’applications de réalité augmentée. Ainsi appliquée au manuel scolaire, la réalité augmentée présente d’indéniables vertus éducatives, à commencer par replacer le livre au centre de la connaissance, « voire même redonner le goût du livre et de la lecture à certains élèves, complète Marie Lichtle. Elle permet même d’assimiler certaines connaissances sans lecture à proprement parler ». Notre propos n’est pas de décrypter toutes les spécificités techniques de la réalité augmentée, mais une petite comparaison avec ces fameux tags 2D (ou QR codes), qu’on voit se multiplier sur les magazines et les affiches publicitaires, permet d’en saisir la spécificité. Ces QR codes correspondent à un encodage de lettres qui, une fois scanné, donne accès à un texte ou une URL. Le lien est donc fait au travers d’un code crypté qui ne peut être interprété par l’humain. Alors que, dans le cas de la réalité augmentée, le lien se fait au travers d’un objet ou d’un visuel bien réel.

un livre réactualisé en permanence

« Concrètement, explique Marie Lichtle, une zone de page de manuel, suffisamment identifiable (photo, illustration), est enregistrée dans un système d’information et associée à une ressource multimédia. Cette ressource va être appelée dans le système quand la caméra du terminal (smartphone, webcam de l’ordinateur) se place au-dessus de la zone, lançant l’interprétation ». La réalité augmentée repose donc sur une technologie de reconnaissance optique. Et les progrès de celle-ci constituent l’un des principaux horizons de perfectionnement pour la réalité augmentée. Sortant du périmètre des manuels scolaires, tout en restant dans le monde de l’édition, un grand intérêt s’affirme également dans la possibilité qu’a l’information d’être réactualisée en permanence sans nécessiter de réimpression de l’ouvrage. Avec la réalité augmentée, tout comme avec les QR codes, le complément multimédia peut être constamment remis à jour, directement dans le système d’information. « Pour des domaines comme l’édition juridique où les contenus évoluent très vite, cela s’avère intéressant », glisse la représentante de 4Dconcept.

modèles économiques à expérimenter

Pour un petit monde de l’édition ayant beaucoup de mal à se défaire du papier coeur de métier qui génère la quasi-totalité de son chiffre d’affaires, la réalité augmentée présente de réelles vertus financières. Outre la réactualisation sans frais d’impression évoquée ci-dessus, le nombre d’objets insérés ne fait quasiment pas varier les frais de mise en oeuvre. Les coûts se nichent dans des problématiques de propriété intellectuelle et dans les droits d’auteurs associés aux ressources appelées. Le modèle économique de la réalité augmentée est donc encore en phase d’expérimentation, « mais bien des choses sont possibles, estime Marie Lichtle. Par exemple, une synergie peut s’opérer entre maisons d’édition et hébergeurs de vidéos. Pourquoi également ne pas coupler la commercialisation des manuels scolaires avec celle de tablettes tactiles ? »

 

les étapes d’un projet de réalité augmentée

1. Mise en place d’un système d’information sur un serveur web qui va faire correspondre la base filmée avec la base augmentée. 2. Paramétrage de chacune des zones à interpréter. Il s’agit de s’assurer d’une reconnaissance à 100% de la zone par l’algorithme de reconnaissance optique. Cette démarche de paramétrage dépend des spécificités de l’outil. Certains, tels celui utilisé dans le cas du manuel scolaire relaté ici, ne reconnaissent pas la couleur. « Il s’agit alors de jouer sur les nuances de gris, les ombres portées, explique Marie Lichtle, responsable marketing et communication de 4Dconcept. C’est souvent l’étape la plus longue du projet ». 3. Une fois le paramétrage réalisé, des jeux de tests sont effectués sur toutes les zones, afin qu’aucune ne soit considérée par le système comme identique à une autre, et n’appelle la même ressource multimédia. 4. Le contenu multimédia appelé doit être encodé, au mieux allégé et optimisé. Vient ensuite la synchronisation entre les éléments multimédias et les images reconnues. Last but not least, ne pas oublier les détails indispensables, souvent relatifs à l’ergonomie, tels que l’installation d’un mini-reader afin que les vidéos appelées ne se lancent pas simultanément.

 

(1) Tableau blanc interactif (TBI) : écran blanc tactile associé à un ordinateur et un vidéoprojecteur, envoyant à l’ordinateur les actions exécutées par l’utilisateur sur sa surface. Il permet d’effectuer sur l’écran projeté au mur tout ce qu’on peut réaliser avec une souris et s’avère un outil pédagogique précieux. Son usage est à l’heure actuelle plus développé dans les établissements scolaires anglo-saxons que français.

 

Les podcasts d'Archimag
Rencontre avec Stéphane Roder, le fondateur du cabinet AI Builders, spécialisé dans le conseil en intelligence artificielle. Également professeur à l’Essec, il est aussi l’auteur de l’ouvrage "Guide pratique de l’intelligence artificielle dans l’entreprise" (Éditions Eyrolles). Pour lui, "l’intelligence artificielle apparaît comme une révolution pour l’industrie au même titre que l’a été l’électricité après la vapeur".