Le géant hollandais Elsevier est sur la brèche au sujet de l’open access, et ce depuis plusieurs mois déjà. Face à l’ire du milieu de la recherche, l’éditeur scientifique s’est rapidement déclaré en faveur de l’accès libre, au point d’en devenir l’un des porte-parole. Jean-Frank Cavanagh, directeur des relations extérieures Reed Elsevier, répond à nos questions.
Au cœur de la polémique ayant embrasé la communauté des chercheurs au printemps 2012, Elsevier a vu ses 2 000 revues boycottées par 12 000 universitaires, à travers la pétition en ligne The Cost of knowledge, jugeant « exorbitant » le prix de ses abonnements pour les bibliothèques d’université. Avec 3,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2010, les bénéfices toujours plus colossaux de ce poids lourd de l’édition achevaient de faire grincer les dents. Pourtant, l’éditeur a rapidement pris le contre-pied d’une fronde dont il a été l’un des catalyseurs. Dès le début de la contestation du Cost of knowledge, Elsevier retirait son soutien au Research Works Act, projet de loi américain visant à interdire le libre accès aux publications scientifiques financées par l’Etat. Comble du paradoxe pour une plateforme payante, Elsevier appelait, dans un communiqué, à la célébration de la Semaine du libre accès le 22 octobre 2012.
Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a déclaré le 23 octobre 2012 : « L'information scientifique est un bien public qui doit être disponible à tous, sans restriction d'accès, et dont les bénéfices doivent être partagés par tous ». Qu’en pensez-vous ?
La raison d’être d’un éditeur, en particulier scientifique, est de diffuser la connaissance le plus largement possible. C’est pourquoi nous avons pris le risque, dès 1995, de proposer un accès aux revues par internet tout en investissant pour numériser toutes nos revues depuis 1823. Nous participons aussi très activement au programme Research4life qui offre un accès gratuit ou presque à plus de cent pays en développement. Nous avons également mis en place depuis longtemps une politique permettant aux auteurs, parallèlement à la publication, de faire différents usages de la version approuvée de l’article, sauf utilisation commerciale ou distribution systématique. En pratique, nous soutenons tout mécanisme viable économiquement conduisant à un accès aussi universel que possible à des contenus de qualité. Il faudra sans doute utiliser différents modèles complémentaires les uns des autres, lesquels devront comporter un financement clair et durable pour assurer la pérennité des revues. Nous sommes convaincus que la revue par les pairs demeure essentielle et que des investissements importants dans les technologies numériques seront de plus en plus nécessaires pour assurer le fonctionnement d’un système de diffusion efficace.
Elsevier a participé activement à la Semaine du libre accès, en octobre 2012. Pourquoi cette démarche ?
Nous travaillons beaucoup sur ces sujets :
- nous offrons actuellement vingt-huit revues en open access total et ce nombre augmente rapidement. Ces titres obéissent, bien entendu, au processus normal de revue par les pairs ;
- plus de 1 500 titres existants ont été adaptés à un mode hybride et peuvent aujourd’hui accueillir des articles en open access en fonction de la décision de l’auteur. Le prix des abonnements à ces revues sera progressivement aménagé en fonction du nombre d’articles qu’elles publieront suivant la formule de l’open access ;
- plus de 70 titres proposent, au bout d’un certain temps, leurs archives en accès libre ;
- nous avons également mis en place une politique d’embargos différenciés pour les dépôts systématiques dans les répertoires ouverts afin de préserver un bon équilibre entre dépôts et revues. Nous consacrons donc du temps et de l’énergie à répondre le mieux possible aux demandes qui nous sont faites. Notre participation à la Semaine du libre accès s’inscrit très normalement dans cette démarche générale.
En juin 2012, vous nous déclariez avoir décidé des mesures concrètes suite aux revendications liées à la fronde des éditeurs (voir Archimag nº 255, juin 2012). Quelles sont-elles ?
Nous avons beaucoup travaillé sur le cas des mathématiques. Par exemple, et parmi d’autres mesures, nous avons mis 155 000 articles d’archives en accès libre sur SciencesDirect.com. Nous avons également réduit le prix d’abonnement à différentes revues et avons mis en place une offre d’abonnement spécifique aux mathématiques (mathematics core collection).