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Les espaces des bibliothèques s'adaptent aux pratiques des usagers

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    Un espace de travail du Grand équipement documentaire du Campus Condorcet. (Sergio Grazia)
  • L’aménagement des bibliothèques contemporaines a beaucoup évolué depuis Henri Labrouste, architecte de l’historique bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris, édifiée en 1851. Leurs espaces sont désormais conçus pour répondre aux nouvelles pratiques des usagers.

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    À quelques encablures de Paris, le Campus Condorcet d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) ne passe pas inaperçu. Sorti de terre en un temps record, ce pôle de recherche dédié aux sciences humaines et sociales (SHS) a ouvert ses portes en 2021 et offre aux étudiants et aux chercheurs des conditions d’étude très supérieures à ce que l’on trouve ailleurs.

    Avec ses 23 000 m², le Grand équipement documentaire (GED) du campus est devenu une référence en matière de documentation SHS : 1 400 places assises réparties dans des espaces insolites (sous forme de "bulles de verre" en suspension), mais aussi plus traditionnels avec des tables individuelles et des salles dédiées au travail de groupe.

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    On y trouve également des salles dotées d’équipements numériques pour répondre aux pratiques contemporaines du travail à distance. Au total, quarante salles de travail (de quatre à trente places) sont mises à disposition des usagers.

    "Tout a été conçu pour répondre aux nouveaux modes de travail : à distance, en mode collaboratif… Les bibliothécaires et les documentalistes ont longuement discuté avec l’architecte pour répondre aux besoins des usagers", précise Stéphanie Groudiev, directrice du GED.

    C’est peu dire que l’aménagement des espaces de travail a été bouleversé en quelques décennies. Les bibliothèques les plus récentes ne ressemblent plus aux vénérables institutions telles qu’elles étaient conçues jadis.

    "L’aménagement des établissements met en exergue une évolution de leur mission dans le sens de la convivialité et du vivre-ensemble", explique Florence Köll dans un mémoire d’étude de l’Enssib. "La convivialité est un enjeu central en bibliothèque, non seulement par l’importance de tisser du lien entre les publics, mais également entre les usagers et les personnels de la bibliothèque."

    Répondre à toutes les demandes des usagers

    Il y a près de dix ans, la bibliothèque Oscar Niemeyer du Havre (Seine-Maritime) ouvrait ses portes au public après un vaste chantier de rénovation. L’occasion de repenser les espaces et d’offrir les meilleures conditions possibles aux usagers.

    D’une surface totale de 5 270 mètres carrés, dont 4 000 accessibles au public, l’établissement propose un accord chromatique réussi entre le béton brut originel choisi par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer (1907 - 2012) et les couleurs chaudes contemporaines.

    De nombreuses sources lumineuses indirectes donnent à l’ensemble une belle clarté sans être invasives pour autant. "Cette bibliothèque propose un parcours documentaire cohérent. Elle s’inscrit dans le mouvement “troisième lieu” et propose des ambiances différentes pour répondre à toutes les demandes des usagers", souligne l’architecte Françoise Sogno.

    Comme de nombreux établissements conçus à partir des années 2000, la bibliothèque Oscar Niemeyer du Havre a multiplié les configurations proposées aux usagers : salle de travail en groupe, salles de travail au calme, salles de formation et autoformation, salon presse pour plus de 300 titres à lire sur place ou à emprunter, salons cinéma et musique dotés d’équipements multimédias, espace conte pour les enfants, salle d’animation…

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    Au total, 600 places sont mises à disposition des visiteurs. À leur service également, des bornes d’écoute, des tablettes numériques en libre accès et même un salon de lecture doté de célèbres fauteuils "Egg" dessinés par le designer danois Arne Jacobsen. Sans oublier un espace café qui permet de déjeuner sur place.

    Au premier étage, les rayonnages et les salles de lecture se succèdent et donnent accès à de saisissantes niches en verre qui flottent plusieurs mètres au-dessus au-dessus des collections.

    La bibliothèque Oscar Niemeyer du Havre. (Bruno Texier)

    Architectes et bibliothécaires : quelle relation ?

    Outre la rénovation de la bibliothèque Niemeyer, Françoise Sogno a conduit des chantiers dans d’autres établissements, aussi bien de lecture publique qu’en milieu universitaire : HEC Paris, bibliothèque universitaire de Paris 8, médiathèque de Saint-Lô (Manche), bibliothèque de l’UFR de médecine de Tours (Indre-et-Loire), bibliothèque de l’illustration à Bobigny (Seine-Saint-Denis)…

    Des expériences dont elle a tiré un constat : "ma génération a connu les bibliothèques un peu poussiéreuses et n’a pas bénéficié des équipements tels qu’on les connaît aujourd’hui. Je milite aujourd’hui pour la qualité du mobilier et je veux donner du beau aux usagers. C’est une fonction culturelle, mais également sociale !"

    C’est au début des années 1990, sur le campus universitaire d’Orsay (Essonne) que l’architecte livre l’une de ses premières réalisations : le réaménagement d’une bibliothèque de 1 100 mètres carrés et de 230 places assises. L’époque était à la mode des bibliothèques multimédia et il fallait alors jongler avec les postes informatiques, le câblage, la lumière…

    Trois décennies plus tard, qu’en est-il de la relation entre architecte et bibliothécaires ? "Il faut se faire confiance, mais cela est parfois long et ardu !", explique Françoise Sogno. "Les bibliothécaires identifient des dysfonctionnements et font part de demandes très précises. Mon rôle est de leur rappeler les contraintes techniques, mais aussi de valoriser les lieux que l’on me confie. Je dois me servir de l’existant pour créer des espaces dédiés aux nouveaux usages en bibliothèques".

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    Faut-il s’adapter à tous les nouveaux usages ?

    Mais les bibliothèques doivent-elles s’adapter à tous les nouveaux usages ? La question mérite d’être posée à l’heure où les bouleversements, tant techniques qu’humains, s’ajoutent les uns aux autres : accroissement des ressources numériques, déclin des supports physiques, changement des comportements des usagers, travail en groupe, travail à distance… Faut-il également autoriser les usagers à boire et à manger en salle de lecture ? Doit-on tolérer l’usage du téléphone ?

    Dans son mémoire d’étude, Florence Köll rapporte le témoignage d’Isabelle Eleuche concernant la rénovation de la bibliothèque universitaire de Santé de l’Université Claude Bernard de Lyon 1 (Rhône) et des attentes spécifiques du public d’étudiants en médecine : "on s’adresse à un public qui est très studieux, qui n’a justement pas envie d’avoir un lieu trop vivant, avec des mouvements de personnes, du bruit, une cafétéria, etc. On s’est vite rejoints avec l’architecte sur ce point". Résultat : le choix d’aménagement de l’espace a tenu compte des attentes des étudiants.

    La Bulle, un tiers-lieu pétillant et chaleureux

    À l’opposé, la ville d’Annemasse (Haute-Savoie) a fait le choix d’unir bibliothèque, espace numérique, café et ludothèque dans un même espace : La Bulle. Conçu comme un tiers-lieu, l’espace affiche une ambition : "être un endroit neutre, une bulle de bonheur, hors de chez soi et de son travail. C’est un espace pétillant, chaleureux et léger dans lequel on vient se ressourcer et rêver, rencontrer des amis et créer de nouveaux liens, ou passer du temps seul avec soi-même. Il est ouvert à tous et facilite l’échange et la communication entre individus".

    Les usagers peuvent y trouver des ressources documentaires classiques (livres, presse, DVD…) et un espace dédié aux jeux vidéo. Ils peuvent également proposer des idées culturelles qui, si elles sont retenues, bénéficieront de l’accompagnement des bibliothécaires. Bien entendu, les espaces ont été conçus pour accueillir ces pratiques.

    Un choix qui a valu à La Bulle de revoir à Washington le Prix international de la bibliothèque innovante décerné par l’American Library Association en juin 2022.

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