Plages horaires de déconnexion, sevrage progressif, filtres, redéfinition d'un corpus de veille, outils dédiés à l'efficacité... Découvrez quelques astuces pour résister à l'infobésité et mettre en place une diététique informationnelle.
Un oeil sur Twitter, l'autre sur Facebook. Une main sur l'ordinateur, l'autre sur le téléphone. Sans oublier les courriers électroniques, les flux RSS, les SMS... De nombreux lecteurs d'Archimag se retrouveront dans cette description ! Mais à ce rythme-là, le burn-out numérique n'est déjà plus très loin... « La surcharge informationnelle génère trois types de réactions : sentiments d'impuissance, d'incapacité et de frustration », estime Caroline Sauvajol-Rialland spécialiste de l'infobésité et fondatrice du cabinet So Comment. Et dans le cadre professionnel, cela ne pardonne pas : « Au bout du compte, certains cadres finissent pas éprouver un sentiment d'incompétence... Cela peut déboucher sur une pathologie d'épuisement professionnel plus connue sous le nom de burn-out ».
Heureusement, il est possible de rompre avec cette vie de forçat numérique. À condition d'adopter une méthode et quelques outils.
1 - Méthode
Soyons honnêtes, la partie est loin d'être gagnée. Car tout pousse l'individu contemporain à ouvrir des comptes et à installer des applications qui génèrent un flux continu d'information. Le prospectiviste Joël de Rosnay a bien résumé la situation : « La diététique informationnelle est la seule réponse au défi des nouvelles technologies de l’information et de la communication ».
Alors, suivons les conseils d'un célèbre veilleur français qui a pris une décision radicale : confronté à d'incessantes alertes qui se multiplient sur ses écrans, il a décidé un jour de couper son téléphone et son ordinateur à 21 heures. À partir de cette heure-là, et jusqu'au lendemain matin à 8 heures, il ne se consacrait plus qu'à sa famille et à des activités personnelles. Hors connexion. Cette décision n'avait pas été prise à la légère. Après avoir constaté un manque de concentration, il revit à la baisse le nombre de sources suivies et s'aperçut alors que son corpus de veille était surdimensionné. Les sources d'information superflues et redondantes furent implacablement supprimées.
Plage de déconnexion
Deux enseignements peuvent être tirés de cette expérience. Le premier, porte sur l'aménagement d'une plage de déconnexion. À l'image des entreprises qui sont de plus en plus nombreuses à mettre en place ces plages horaires de déconnexion, vous pouvez également décider de mettre vos appareils en mode veille jusqu'au lendemain matin. Ou bien pendant une durée de quelques heures pendant lesquelles vous devez être productif. Les téléphones tournant sous Android proposent une intéressante fonction « ne pas déranger » que vous pouvez personnaliser selon vos besoins. Cela permet de réduire fortement les risques de dispersion provoquée par la multitude d'écrans allumés.
Deuxième enseignement, ce veilleur avait compris qu'il suivait trop de sources et qu'il utilisait trop de réseaux sociaux. Posez-vous la question : quels sont les outils essentiels pour mener ma mission à bien ? En dressant la liste des comptes ouverts sur les multiples réseaux sociaux disponibles (Facebook, Twitter, Pinterest, Linkedin, Instagram...), on trouve assez facilement la réponse : certains sont secondaires et peuvent être relégués en deuxième division, c'est-à-dire consultés le week-end par exemple. De même, n'hésitez pas à auditer vos abonnements aux newsletters. Certaines d'entre elles sont moins intéressantes pour votre activité ? Désabonnez-vous. Ou mieux : préférez un abonnement via le flux RSS. Il présente de nombreux avantages : ces flux sont plus rapides à gérer au sein d'un agrégateur du type Feedly qu'un courrier électronique. Bonus : le flux RSS vous permet d'être informé plus rapidement qu'avec une newsletter et ne nécessite aucune adresse électronique. Résultat : vous êtes sûr que votre adresse ne sera pas revendue à un tiers. Ce qui signifie que vous recevrez moins de messages...
Pascal Frion, fondateur de la société d'intelligence économique Acrie, a théorisé ce filtre informationnel sous l'acronyme RMI : refus méthodique de l'information. « Ce refus n'est pas dogmatique, il est méthodique et temporaire. La surinformation existe, tentons le sevrage et le silence temporaire », explique Pascal Frion.
Le refus temporaire peut en effet être une bonne façon de commencer le sevrage. Commencez par « débrancher » quelques sources d'information et voyez si ce manque d'information porte préjudice à votre travail. Après une dizaine de jours de sevrage, il est possible de faire un premier bilan. Assez souvent, on se rend compte que certaines sources ne sont pas indispensables. Tout corpus de veille doit être interrogé et ajusté à la lumière des besoins réels.
Unités de temps
Autre méthode : regrouper certaines actions en unités de temps. Par exemple, consulter Twitter seulement deux fois par jour afin de réduire les risques de dispersion. Ce type de consultation peut être réalisé en début de journée de travail et en fin de journée. Même conseil pour Facebook dont le caractère chronophage n'est plus à démontrer. En revanche, il semble difficile de faire la même chose avec la messagerie. Celle-ci reste encore pour de nombreux salariés un pivot de la communication avec l'intérieur ou l'extérieur. Mais des applications peuvent aider à domestiquer la messagerie (voir plus loin).
Reste le cas des réseaux sociaux d'entreprise (RSE). Ceux-ci se répandent dans les grands comptes et jouent un rôle de colonne vertébrale informationnelle dans les entreprises qui en sont dotées. Car le RSE sert à communiquer, à travailler en mode collaboratif, à déposer des documents, à fédérer une communauté... C'est au « sponsor hiérarchique » du RSE de rappeler quelques règles : ne pas multiplier le nombre de communautés pour « faire du chiffre », ne pas déclencher des projets en tunnel qui risquent de finir en coquilles vides, privilégier le contact direct aux messages qui interrompent le travail des collègues...
Bien entendu, tous ces conseils doivent être ajustés selon la fonction exercée et selon le climat de l'entreprise. Il est ainsi impensable pour un community manager de ne consulter les réseaux sociaux que deux fois par jour ! Son travail consistant justement à veiller sur Twitter et consorts, il doit les suivre en permanence. Dans ce cas précis, des outils existent pour fluidifier son activité.
2 - Outils
Certaines messageries proposent nativement des fonctionnalités dédiées à la lutte contre la surcharge informationnelle. C'est par exemple le cas d'Inbox, la version épurée de Gmail, qui permet à l'utilisateur de « mettre en attente » un courriel non urgent. Vous pouvez ajuster ce décalage de lecture au moment voulu : ce soir à 21 heures, le week-end prochain à 8 heures, la semaine prochaine...
L'application InboxZero va plus loin en automatisant le tri des courriels entrants : regroupement des messages d'un même contact dans un seul espace, séparation des courriels d'entreprise et des courriels personnels, rassemblement des pièces jointes dans un seul emplacement, etc. Et l'application vient au secours des étourdis en leur rappelant qu'il faut répondre à un correspondant ! Mieux, un algorithme extrait la partie la plus importante du message ! Gratuite, InboxZero est compatible avec les principales messageries du marché (Gmail, Yahoo, Outlook...) et fonctionne sur ordinateur, tablette et smartphone sous iOS, sous Android et sous Windows.
Si rien de tout cela ne marche, tournez-vous vers Saent : ce gros bouton blanc se connecte à votre ordinateur et bloque les applications que vous lui suggérez. En fin de journée, Saent vous envoie même un rapport de concentration...