Sommaire du dossier :
- Expo archives : demandez le programme
- Ariane James-Sarazin : "Une exposition n'est pas un travail universitaire"
- Matériel d'exposition pour tous et à tous les prix
Ariane James-Sarazin est conseillère scientifique au sein du département des études et de la recherche de l'INHA (Institut national de l'histoire de l'art). À côté d'exigences courantes, une exposition d'archives présente différentes particularités. Elle explique comment les prendre en compte.
Comment conçoit-on une exposition d'archives ?
Si la conception d’une exposition d’archives obéit aux modalités inhérentes à toute exposition, quelle que soit la nature des objets exposés, il est vrai qu’elle présente certaines spécificités et qu’elle peut parfois apparaître comme une gageure.
Par nature, le document d’archives se prête mal à l’exposition : détourné de sa fonction première, il subit malgré lui une double transformation, d’abord comme...
...objet patrimonial digne d’être conservé, ensuite comme objet culturel offert au regard, hors du champ de la salle de lecture.
S’il n’est pas forcément doté de qualités visuelles, sa compréhension est loin d’être dans la plupart des cas immédiate (en raison de la barrière de la langue, de l’écriture, du vocabulaire employé ou de la nécessité de le replacer dans un contexte donné de production historique).
Et pour couronner le tout, il est souvent affligé d’une santé des plus délicates qui limite de façon drastique sa durée et ses conditions de présentation !
C’est pourquoi, plus que dans les expositions estampillées « beaux-arts » où l’œuvre, par son impact visuel, s’impose d’elle-même au regard du visiteur et provoque un choc esthétique.
L’exposition d’archives exige une attention toute particulière portée à la scénographie et aux différents modes d’accompagnement didactiques qui doivent fournir toutes les clefs pour déchiffrer, comprendre, interpréter, comparer, éveiller, émouvoir, tout en se gardant d’un effet de trop-plein qui en viendrait à éclipser le document d’archives, la plupart du temps textuel, auquel son cartel peut parfois faire physiquement concurrence, ne serait-ce que par sa taille, sa typographie ou son support d’impression.
Compte tenu de la diversité des formes matérielles que recouvre la notion d’archives, il n’est pas rare que des images, fixes ou animées, et des objets se mêlent à l’écrit original et garantissent ainsi l’exposition d’archives contre toute monotonie typologique.
Prenons garde toutefois à ne pas donner l’impression d’utiliser l’image ou l’objet comme un « cache-misère » : bien que d’apparence modeste, certains documents dégagent, par leur contenu, une charge symbolique et émotionnelle que décuple leur modestie même, et rivalisent de ce fait avec les plus grands chefs-d’œuvre.
Comment constituer un dossier scientifique ?
C’est une évidence, mais il est souvent utile de le rappeler : une exposition n’est pas un travail universitaire, mais un exercice de médiation et le résultat d’un choix et d’un parti pris que le commissaire doit assumer en toute conscience.
Il vaut donc mieux fuir la chimère de l’exhaustivité, sous peine d’accumuler sans rien démontrer, tout en décourageant le visiteur. Un document bien choisi en dit souvent plus long que dix documents partiels ou itératifs.
Il est également important de faire la distinction entre les documents suffisamment visuels ou explicites pour être montrés tels quels et ceux, très riches par leur contenu, mais difficiles à exposer sous la forme d’originaux (la raison la plus commune est que l’information sur laquelle on veut attirer l’attention du public court sur plusieurs feuillets recto verso ou est illisible pour un non-paléographe) et qui nécessiteront une transcription sous la forme, par exemple, d’une mise en voix par un comédien ou d’un dispositif graphique (agrandissement, illustration venant en complément ou en comparaison du document exposé, etc.).
Sinon, le temps de la recherche, tant documentaire qu’iconographique, correspond aux grandes étapes que suit tout concepteur scientifique d’une exposition : établissement d’une bibliographie, recherche dans les fonds et les collections susceptibles d’intéresser le sujet, rédaction d’un scénario qui permet d’insérer les pièces déjà repérées et sélectionnées dans le fil d’un discours intellectuellement cohérent, établissement de listes de pièces par lieu de conservation qui serviront à alimenter les cahiers des charges soumis aux éventuelles sociétés de transport et aux assurances, dans le cas de prêts, collecte de toutes les informations techniques nécessaires à la bonne présentation des pièces, dans le respect des normes de conservation préventive.
Faut-il souscrire une assurance ?
Le recours à une assurance clou à clou s’impose lorsque les concepteurs d’une exposition empruntent des pièces à des tiers. L’expression « clou à clou » signifie qu’un bien patrimonial est assuré depuis son départ de chez son détenteur (le prêteur) jusqu’à son retour chez celui-ci et que l’assurance couvre le transport aller, le temps de la présentation dans l’exposition, ainsi que le transport retour.
Cette procédure s’accompagne de l’établissement d’un constat d’état contradictoire, c’est-à-dire de l’examen de l’état de la pièce à quatre moments successifs : lors de sa prise en charge chez son détenteur, lors de son déballage sur le lieu de l’exposition, lors de son remballage sur le lieu de l’exposition, lors de son retour chez son détenteur.
Une fois l'exposition terminée, faut-il mettre en place un retour d'expérience ?
Il est toujours extrêmement fructueux, pour soi, vis-à-vis de sa tutelle ou de son public, de veiller à établir un bilan quantitatif et qualitatif de l’exposition. Cela peut prendre différentes formes, du traditionnel livre d’or (qui est de plus en plus numérique !) à l’enquête de satisfaction qui permettra de mieux connaître les visiteurs, leur ressenti, leurs attentes.
Ce retour d’expérience est un gage d’amélioration : chaque projet mené profite aux prochains que vous ne manquerez pas d’initier, car à peine classées les archives relatives à la conception d’une exposition et passé le moment de fatigue et de vide qui suit très souvent un intense investissement, on n’a généralement qu’une seule envie, tant la rencontre avec le public est gratifiante : recommencer !