Les statistiques de prêt dans les bibliothèques montrent des pratiques de lecture qui s’alignent plus ou moins sur les actes d’achat dans le commerce. Les livres numériques, quant à eux, connaissent un certain engouement, mais n’ont pas disrupté le paysage du prêt.
Depuis 2014, le ministère de la Culture dispose d’un baromètre des ouvrages les plus prêtés par les bibliothèques. L’édition 2017 donne accès à une mise à jour qui permet d’avoir “une photographie nationale des emprunts”. Elle s’appuie sur “un échantillon de 167 bibliothèques, représentatif de la typologie des bibliothèques françaises”. Cet échantillon a livré ses résultats : ces 167 établissements ont procédé à près de 13 millions de prêts en 2017 (pour un bassin d’environ 4,5 millions d’habitants).
Ces 13 millions de prêts portent sur 552 000 ISBN différents. “Malgré une augmentation de 50 % du nombre de prêts analysés depuis 2015, on observe que le nombre d’œuvres empruntées n’a augmenté quant à lui que de 2 %”, constatent les auteurs du baromètre ; “ceci confirme la relative stabilité dans le temps du volume et des pratiques d’emprunt en bibliothèque”.
Dans le détail, ces 13 millions de prêts sont ventilés de façon inégale entre les différentes collections des bibliothèques. Le secteur jeunesse (hors bande dessinée) représente 40 % des prêts, loin devant les bandes dessinées tout public (27 %), la fiction adulte (22 %) et le documentaire adulte (11 %). De ce point de vue, on ne note pas de différence notable avec l’année 2016.
Corrélation relative entre les prêts en bibliothèque et les ventes dans le commerce
Les usagers des bibliothèques partagent-ils les goûts des lecteurs qui achètent leurs livres dans le commerce ? Oui, mais en partie seulement : “ 51 des 100 titres de fiction adulte les plus empruntés se retrouvent parmi les meilleures ventes en librairies, toutes catégories confondues”, note le ministère de la Culture.
Mais cette corrélation entre les prêts en bibliothèque et les ventes dans le commerce ne vaut pas pour toutes les catégories. Elle est plutôt juste pour la fiction adulte, mais peu pertinente pour la bande dessinée. Par ailleurs, les deux voies d’accès au livre, emprunt en bibliothèque et achat dans le commerce, diffèrent : “Une stricte comparaison entre emprunts et achats des bibliothèques, d’une part, et ventes au détail, d’autre part, est difficile dans la mesure où il existe un décalage plus ou moins important selon les bibliothèques entre la date de parution d’un ouvrage et sa disponibilité sur les étagères des bibliothèques”, constate le rapport du ministère de la Culture.
La catégorie “documentaires” (essais, ouvrages de référence, livres pratiques, guides de voyage…) quant à elle fait apparaître une moindre corrélation entre les emprunts et les achats. Parmi les 10 premiers titres dans le classement des meilleures ventes de livres pratiques, 4 se retrouvent également dans le palmarès des prêts. Les auteurs y voient “l’effet de sélection opéré par les bibliothèques dans leurs acquisitions”.
Offre numérique viable
Du côté des livres numériques, on constate une très forte hausse des prêts. Il est vrai que l’on part de très bas en raison de l’arrivée récente d’une offre numérique viable : en 2015, un total de 67 493 prêts avait été enregistré. Pour l’année 2017, ces prêts se sont élevés à 342 088.
En quelques années, le nombre de bibliothèques proposant des livres numériques a considérablement augmenté : 157 en décembre 2017 contre 51 deux ans plus tôt. Selon des chiffres communiqués par le ministère de la Culture et Dilicom, “plus d’un quart des Français ont aujourd’hui accès à une bibliothèque raccordée à PNB” (Prêt numérique en bibliothèque).
Les statistiques d’emprunt font apparaître un pic d’activité pendant les vacances d’été et un fort appétit des lecteurs pour les nouveautés : 45 % des emprunts portent sur les titres récemment publiés. La littérature générale domine très largement avec 81,4 % des emprunts devant le domaine documentaire (6,8 %) et le secteur jeunesse (5,2%).
Quant au top 5 des emprunts numériques, il ressemble à un copier-coller des ventes en librairie avec des titres déjà plébiscités par les lecteurs des versions imprimées payantes :
- "Chanson douce" (Leïla Slimani),
- "L’amie prodigieuse 3" (Elena Ferrante),
- "L’amie prodigieuse 1" (Elena Ferrante),
- "L’ordre du jour" (Eric Vuillard),
- "L’amie prodigieuse 2" (Elena Ferrante).
Cohabitation pacifique entre papier et numérique
A l’échelle municipale, deux retours d’expérience retiennent l’attention : Paris et Grenoble. Dans la capitale, l’offre numérique a été lancée fin 2015 et proposait, au mois de mars 2018, environ 12 000 titres. Pour la seule année 2017, les bibliothèques parisiennes ont enregistré 78 710 prêts pour 8 528 usagers numériques. Et contrairement à ce que l’on aurait pu penser dans un premier temps, l’âge moyen du lecteur numérique est plutôt élevé : 50 ans ! Les femmes sont largement plus nombreuses que les hommes à recourir à la lecture numérique : 64 % contre 36 %. Enfin, un chiffre est en mesure de rassembler l’ancien et le nouveau monde : 73 % des usagers numériques empruntent aussi des ouvrages papier.
A Grenoble, les chiffres diffèrent sensiblement de Paris en valeur absolue, mais indiquent les mêmes tendances en valeur relative. La seizième ville de France en nombre d’habitants fait figure de précurseur avec une offre de lecture numérique lancée dès 2014. Pour l’année de référence 2017, 12 000 prêts ont été enregistrés pour 1 128 lecteurs dotés d’un abonnement numérique. L’âge moyen de l’usager est de 48 ans avec une très forte féminisation : 68 % contre 32 % d’hommes. Bonne nouvelle : le catalogue numérique des bibliothèques grenobloises est largement exploité puisque 87 % de la collection est empruntée (80 % à Paris). Et Grenoble fait encore mieux que la capitale puisque 86 % des lecteurs numériques empruntent également des livres papier.
Comme l’avaient anticipé de nombreux observateurs du secteur de l’édition, le numérique n’a pas tué le papier ; les deux modes de diffusion semblent - jusqu’ici - cohabiter pacifiquement.
Baromètre des prêts et des acquisitions dans les bibliothèques de lecture publique 2017. Ministère de la Culture.
A Sciences Po, les étudiants plébiscitent les documents numériques
En 2017, la bibliothèque de Sciences Po a enregistré un total de 482 940 prêts et prolongations. La répartition entre le numérique et le papier fait apparaître une très large domination du premier sur le second : 310 854 prêts d’ouvrages numériques et 172 086 prêts de documents imprimés.
A ces prêts, il convient d’ajouter les téléchargements de documentation en ligne qui se sont élevés à 4 130 467 pour la seule année 2017.
Dans son rapport d’activité 2017, la bibliothèque de Sciences Po propose un indicateur très intéressant sur l’évolution du prêt. Sur six années, le nombre de prêt a joué aux montagnes russes : en 2012, 327 912 avaient été enregistrés pour l’ensemble des campus de Sciences Po. Ce chiffre accusait une baisse en 2013 et 2014 (autour de 317 000) avant de renouer avec la hausse notable en 2017 (482 940 prêts).