Sommaire du dossier :
- Bibliothécaire, archiviste, veilleur, documentaliste... et entrepreneur : se lancer ou pas ?
- Entrepreneurs en infodoc : "avoir choisi d’exercer des métiers orientés services et public est un atout"
- Les étudiants en infodoc sont-ils séduits par le statut de freelance ?
- Frédéric, Antoine, Lorna et les autres : ils sont veilleurs ou documentalistes et indépendants
Trois millions. C’est le nombre de travailleurs indépendants que comptait la France en 2017, soit environ 12 % de la population active. Si cela semble peu, cette catégorie de professionnels ne cesse pourtant de croître : en effet, les travailleurs indépendants de l’Hexagone sont aujourd’hui 25 % plus nombreux qu’en 2003. Leur nombre a même augmenté dix fois plus vite que la population salariée.
Plébiscite
Qu’en est-il des professionnels de l’information ? Pour répondre à cette question, Archimag a lancé une grande enquête en ligne afin de savoir comment ils se situent vis-à-vis de l’infoentrepreneuriat (menée sur Survey Monkey du 6 décembre 2018 au 8 janvier 2019). Et c’est un plébiscite, puisque plus de 76 % des répondants affirment être attirés par le statut d’entrepreneur (créateur d’entreprise, indépendant, freelance, etc.). Si 16,5 % des professionnels déclarent ne s’être jamais posé la question, ils sont seulement 7,5 % à ne pas être attirés du tout par ce statut.
1/3 des professionnels séduits se sont déjà lancés ou ont entamé des démarches
Parmi les professionnels attirés par l’infoentrepreneuriat, cette enquête nous révèle que 27 % d’entre eux se sont déjà lancés, que 10 % ont déjà entamé des démarches, que 49 % n’ont encore rien mis en place, mais y réfléchissent sérieusement et que 19 % se disent attirés tout en sachant qu’ils n’iront jamais au bout d’un tel projet. Un tiers des personnes séduites par la prise d’indépendance sont donc déjà indépendantes ou en passe de le devenir dans les mois qui viennent (27 %, 10 %).
Les archivistes les plus motivés
Parmi celles à s’être déjà lancées dans l’infoentrepreneuriat, 34 % sont issues de la documentation, 20 % des archives et 9 % des bibliothèques. 37 % ont répondu « autre », une catégorie qui réunit pêle-mêle des professionnels de la veille, du digital, du community management, de la rédaction ou encore de la communication (beaucoup peuvent donc être reliés à la documentation). Notons une sous-représentation des bibliothécaires s’étant déjà lancés (9 %) ou ayant entamé des démarches (9 %), alors qu’ils sont à l’inverse davantage représentés parmi ceux qui ne sont pas attirés par le statut d’infoentrepreneur (21 %) ou qui sont attirés, mais savent qu’ils ne se lanceront pas (25 %). Finalement, si les documentalistes sont représentés de façon à peu près égale parmi les personnes attirées ou rebutées par le statut d’indépendant, ce sont les archivistes qui semblent les plus motivés : 20 % de ceux à s’être déjà lancés sont des archivistes, et ils sont sous-représentés parmi ceux réfractaires à ce statut (7 %) ou qui sont attirés, mais sans se lancer (8 %).
Les jeunes diplômés en entreprise
Du côté de l’expérience professionnelle, ceux qui se déclarent attirés par l’infoentrepreneuriat sont loin d’être des jeunes diplômés : en effet, 66 % de ceux qui se sont déjà lancés, 50 % de ceux qui ont entamé des démarches et 47 % de ceux qui y réfléchissent sérieusement ont derrière eux plus de dix ans d’expérience. Sans surprise, aucun ne s’est lancé l’année de son diplôme, et ils sont seulement 23 % à s’être lancés avec moins de cinq ans d’expérience.
Motivations et freins
D’après notre enquête, deux raisons principales motivent les professionnels attirés par le statut d’infoentrepreneur : la liberté d’être son propre patron (61 %) et l’enthousiasme de travailler sur des projets et domaines variés (61 %). Viennent ensuite le besoin de trouver un meilleur équilibre entre vies personnelle et professionnelle (55 %), le goût du challenge (33 %), l’incertitude de son avenir en tant que salarié (28 %) et enfin l’envie de gagner plus d’argent (27 %). Par ailleurs, nous avons laissé la possibilité aux répondants d’ajouter en commentaires libres des motivations supplémentaires. Parmi elles, les plus fréquentes sont la difficulté à trouver un emploi, l’envie de sortir de la fonction publique et le goût du travail en tiers lieux (dans les transports, en télétravail, etc.).
Du côté des réfractaires à la prise d’indépendance, les freins sont nombreux. En tête, et de loin, l’incertitude du lendemain et la crainte de ne pas s’en sortir financièrement, avancée par 73 % des répondants. Suivi par le réseau professionnel trop restreint (54 %) et par l’aspect commercial et marketing (50 %). Viennent ensuite la complexité du projet (46 %), la gestion administrative fastidieuse et contraignante (36 %), le besoin d’un cadre (21 %) et le manque de compétences managériales (19 %).
Portrait type de l'infoentrepreneur
S’il était audacieux de dresser un portrait type de l’infoentrepreneur, nous pourrions néanmoins avancer qu’il s’agit d’un professionnel de la documentation (au sens large) ou des archives ayant plus de dix ans d’expérience. Surtout, nous pouvons retenir que la prise d’indépendance n’est pas forcément un choix par défaut, mais motivée par un esprit de liberté (pour 74 % de ceux à s’être déjà lancés) et par l’enthousiasme de la variété des projets (69 %). Une perspective rassurante quand certains dénoncent, derrière le développement du statut d’indépendant, une forme de précarisation du marché du travail.