Rares sont les archivistes à avoir tenté l'aventure de l'auto-entrepreunariat. Camille Causse s'est lancée dans l'aventure il y a un an et demi. Comment s'organise son quotidien ? Si aucune de ses journées ne se ressemble, la jeune freelance a accepté de partager avec nous l'une d'entre elles, représentative du degré de maturité de son projet.
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Camille Causse se lève avec les réseaux sociaux qu'elle consulte d'abord depuis son lit puis en prenant son petit-déjeuner. Ce qui l'intéresse ? L'actualité en général, mais aussi celle de son métier, qu'elle trouve essentiellement sur Twitter et Linkedin. "Il est difficile de revenir à la "slow information" quand on a pris l'habitude de s'informer sur Twitter", reconnaît-elle.
Autre étape incontournable : organiser sa journée. "J'ai toujours une feuille de papier à côté de moi pour lister et hiérarchiser toutes les choses que j'ai à faire, explique-t-elle ; cela me permet d'y voir plus clair et d'aborder ma journée sereinement".
A moins d'être en déplacement en région ou à l'étranger, Camille se met au travail vers neuf heures. Direction son bureau, c'est-à-dire une pièce de son nouvel appartement du Pré-Saint-Gervais, près de Paris, qui lui est réservée. Qu'il semble loin le temps où elle travaillait dans son salon ! "C'était très problématique, se souvient-elle et je m'organisais donc pour être au maximum à l'extérieur, dans les cafés". Mais le budget des consommations et la vétusté de son ordinateur portable ont progressivement eu raison de cette organisation. En déménageant, la jeune femme a finalement investi dans un ordinateur fixe avec écran géant qui lui permet de travailler sur plusieurs documents en même temps.
Aujourd'hui, la jeune freelance de 29 ans entame sa journée avec le projet de la commune de Bécon-les-Granits, qui a fait appel à elle pour créer des panneaux informatifs et historiques avec deux classes de primaire. Au terme de quatre ateliers destinés à faire découvrir les archives de la ville aux élèves, Camille devra les aider à créer et rédiger les différents panneaux. "J'ai élaboré les ateliers avec un ami instituteur, explique-t-elle ; je dois maintenant préparer le troisième, mais je suis déjà épatée de voir à quel point les enfants ont été réceptifs : les jeux de piste, les devinettes et les fac-similés que je leur ai soumis ont réussi à les intéresser aux archives".
Il est maintenant temps pour la jeune femme de se pencher sur son blog, CamiCaos (Créations archivistiques originales), hébergé par Libération, depuis lequel elle valorise des projets d'archives remarquables auprès du grand public depuis deux ans. Si son activité ne lui permet plus aujourd'hui de tenir son rythme de départ (un billet par semaine), Camille trouve encore le temps de l'alimenter quand elle peut. "Je travaille dessus quand j'ai un peu de temps, le soir, le week-end ou dans le train".
La jeune blogueuse publie ses billets le lundi matin, vers 11h40, afin que les gens puissent les lire pendant leur pause déjeuner. La plateforme de publication de Libé ne lui permettant pas de programmer la publication à l'avance, elle est donc sur le pont aux alentours de 11h00 pour préparer la mise en ligne, puis pour partager son article sur les réseaux sociaux.
La fin de matinée est le moment où Camille s'occupe de ce qu'elle appelle "ses petits trucs", c'est-à-dire le traitement de ses mails et la gestion administrative qu'implique le statut d'auto-entrepreneur. "On oublie souvent cette partie-là, mais elle prend du temps, explique-t-elle ; je me suis donc créé un outil sur un tableau Excel pour suivre mes devis, mes factures, ou encore ce que je dois à l'Urssaf. Ça m'a simplifié la vie".
Niveau finances, l'horizon de la jeune femme s'améliore enfin. "L'année dernière, je touchais à peine un Smic par mois, se rappelle-t-elle ; je me suis posé beaucoup de questions et me suis demandée notamment si le métier d'archiviste freelance n'était pas un mythe... Et puis ça a explosé d'un coup. Aujourd'hui, je gagne bien ma vie". Cette différence entre la première et la deuxième année de son projet a été notable pour la jeune femme, qui conseille à ceux qui voudraient se lancer d'y aller crescendo en conservant un job fixe à mi-temps la première année. "A moins d'avoir un sponsor, famille, Pôle Emploi ou autre, se lancer sans filet dans ce genre de projet peut être très violent, avertit-elle ; on accepte alors tout et n'importe quoi et on attrape en prime des crises d'angoisse !".
Vient l'heure de sa pause déjeuner, que Camille partage parfois avec des amis actuellement en thèse ou indépendants comme elle. "Il arrive que nous fassions un break ensemble, mais il est fréquent que je continue de travailler en déjeunant", reconnaît-t-elle.
Son projet avançant, la jeune femme a vu son quotidien se transformer progressivement. "Mes journées n'ont plus rien à voir avec celles de mes débuts de freelance où je partais de zéro ; comme il fallait que j'active mon réseau, je participais par exemple à beaucoup de journées d'études, que je cible davantage aujourd'hui".
Place maintenant à la grande horlogerie-bijouterie De Greef, qui fêtera ses 170 ans l'an prochain ! L'institution belge, dirigée par la famille éponyme, a demandé à Camille de développer, à l'occasion de cet anniversaire, plusieurs projets basés autour de ses archives. L'archiviste, qui passe régulièrement de longues journées à Bruxelles chez ses clients, doit également travailler à distance pour organiser et séquencer les différents projets (traitement d'archives, collecte d'archives orales et valorisation sur leur site internet). "Travailler loin de son client est compliqué, notamment pour la partie traitement ; sans compter qu'il est étranger : il va falloir que je fasse des recherches sur la façon dont sont gérées les archives belges, admet-elle, et ça va être un gros morceau".
Jonglant entre les projets et les thématiques, Camille s'essaie au journalisme depuis quelques mois pour Archiveco. Le groupe spécialiste de l'archivage ayant repéré sa "patte" de bloggeuse, il lui a demandé de produire un article mensuel sur le sujet de son choix pour son site internet.
Selon les urgences, Camille peut s'arrêter de travailler vers 18 heures ou bien continuer toute la soirée. Pour elle comme pour beaucoup de freelance, la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle est mince. "C'est une spirale infernale, soupire-t-elle ; car une fois l'activité bien lancée, le rythme ne se calme jamais vraiment ! Et on se réveille un beau matin en s'apercevant que l'on n'a pas levé le pied depuis un an". Peur de ne pas être payée quand elle s'arrête, difficulté à déconnecter, culpabilisation quand elle ne travaille pas... La jeune freelance connaît cela. "Mais en même temps, la liberté a un coût, conclut-elle ; et ça en vaut carrément la peine !"