Lancé en 2016, le chantier de la réforme du droit d’auteur vient de franchir une étape décisive. La nouvelle directive impose désormais aux grandes plateformes de rémunérer les créateurs de contenus. Elle devra cependant être transcrite en droit national dans un délai de deux ans.
Après plusieurs années de débats houleux, le Parlement européen a finalement adopté mardi 26 mars, par 348 voix contre 274 et 36 abstentions, la directive sur le droit d’auteur. Les eurodéputés ont approuvé une réforme très controversée qui oppose deux camps irréconciliables : les créateurs de contenus (éditeurs de presse, artistes…) et les grandes plateformes du numérique (Google, Facebook...)
Au coeur de la controverse, le fameux article 13 (devenu article 17 dans le nouveau texte) fait peser de nouvelles responsabilités sur les grandes plateformes (YouTube, Facebook...) Ces dernières devront désormais conclure des accords avec les ayants droit afin de les rémunérer lorsqu’un utilisateur diffuse une oeuvre (texte, musique, film…) couverte par le droit d’auteur. Les plateformes devront donc mettre en place des procédures automatisées de détection et de suppression des contenus.
Droit voisin
La nouvelle directive aborde un autre point de tension entre les éditeurs de presse et les géants du web. L’article 15 (anciennement article 11) contraint désormais les plateformes à rémunérer les entreprises de presse quand elles utilisent leurs contenus. Plus connu sous l’appellation de “droit voisin”, ce droit à la rémunération pourra être exercé pendant deux années après la publication de l’article.
Le diable se cachant souvent dans les détails, les plateformes pourront tout de même partager librement “des hyperliens vers des articles d’actualité, accompagnés de ‘‘mots isolés ou de très courts extraits”.
Une réglementation qui remonte à 2001
Le vote du Parlement européen marque incontestablement une victoire pour les créateurs de contenu. Artistes et médias militent depuis des années pour une révision du droit d'auteur afin de l'adapter à l'écosystème numérique contemporain. La règlementation actuelle remonte en effet à 2001. Autant dire à une époque où ni Facebook, ni YouTube, ni Instagram, ni Snapchat n'existaient... 171 artistes (Benjamin Biolay, Alain Chamfort, Costa Gavras...) ont récemment signé une tribune demandant aux députés européens d'adopter la réforme du droit d'auteur. A leurs yeux, les géants du web sont devenus "des ogres qui ne défendent pas nos libertés d'agir, de penser ou de créer mais uniquement leurs intérêts d'abord financiers". Au passage, ils évoquent "les sommes vertigineuses dépensées par les géants pour manipuler les citoyens européens".
En face, un étrange attelage regroupait les grands acteurs du web et un certain nombre d'associations qui critiquent à la fois les GAFA et la directive européenne. C'est notamment le cas de La Quadrature du Net qui s'insurge : "cédant au lobbying intense et fallacieux des industries de la presse et de la culture, ainsi qu’à la pression de plusieurs gouvernements européens (avec la France en première ligne) l’Union européenne vient d’institutionnaliser la censure automatisée et la surveillance de masse pratiquées par les géants du Web". L'assocation estime que la directive met dans le même sac "les plateformes centralisées et lucratives" et les usages privés des internautes.
Des obligations moins fortes pour les plateformes “start up”
Pour Axel Vosse, rapporteur allemand du nouveau texte, “cette directive représente un véritable progrès qui permet de corriger une situation ayant permis à quelques entreprises de gagner d'énormes sommes d'argent sans rémunérer correctement les milliers de créateurs et de journalistes dont elles dépendent”.
Pour autant, toutes les plateformes ne seront pas logées à la même enseigne. “Les plateformes ‘‘start-ups’’ seront soumises à des obligations moins strictes” fait-on remarquer à Bruxelles.
Le texte devra désormais être transcrit en droit national par les 27 pays de l’Union européenne dans un délai de deux ans.