A qui, de la Russie ou des États-Unis, devraient revenir les fameuses archives du rabbin Schneesohn ?
50 000 dollars d'amende pour chaque jour passé tant que la Bibliothèque du Congrès de Washington ne restituera pas les archives du rabbin Schneesohn, qu'elle détient : c'est ce que vient de décider un tribunal de Moscou. Pourtant, les États-Unis avaient eux-mêmes décidé d'une pénalité équivalente à l'encontre de la Russie. Ce litige ubuesque opposant les deux pays porte sur une collection de 12 000 ouvrages et 50 000 documents, dont plus de 380 manuscrits, ayant appartenu au rabbin Joseph Isaac Schneersohn.
Celui-ci était originaire du village de Lioubavitchi (dans la région de Smolensk à l'ouest de la Russie), épicentre du mouvement religieux juif hassidique (Habad-Loubavitch). Expulsé de l'URSS dans les années 20, ce rabbin est passé par la Pologne avant d'émigrer en 1940 à New-York, aux États-Unis, où il est mort dix ans plus tard. Nationalisée à l'époque soviétique, une partie de la collection avait été placée dans une bibliothèque d'Etat russe. Une autre avait été saisie par les nazis en Pologne, où s'était provisoirement installé le rabbin lors de la deuxième guerre mondiale, puis rapatriée en Russie après la chute du IIIe Reich.
Héritiers légitimes ?
Dans les années 90, sept livres de cette collection avaient été prêtés provisoirement (pour soixante jours) à la communauté religeuse hassidique new-yorkaise. Se considérant aujourd'hui comme les "héritiers légitimes" du rabbin Schneesohn, ses membres ont refusé des rendre les ouvrages en 2000, conservés aujourd'hui à la Bibliothèque du Congrès de Washington. La justice américaine a même condamné la Russie en janvier 2013 à des pénalités de retard de 50 000 dollars par jour tant que le pays ne retournerait pas l'ensemble de la collection à la communauté.
Pomme de discorde
Refusant de se soumettre à cette décision, la Russie, par l'intermédiaire de son président Vladimir Poutine, a décidé le transfert de la collection au Musée juif de Moscou en juin 2013, où le public peut depuis la consulter en salle de lecture. En outre, elle vient de décider elle aussi d'infliger à Washington la même pénalité, de 50 000 dollars par jour, si la Bibliothèque du Congrès ne restituait pas les livres manquants. Jusqu'où ira cette surenchère, constituant une véritable pomme de discorde entre les deux pays, dont les liens, sur fond d'Ukraine en crise, sont au plus bas.