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Au sommaire :
- Dossier : Commercialiser les archives : un tabou ?
- Les clés pour créer de la valeur à partir de vos archives : Philippe Sartori, responsable du département Distribution & Solutions professionnelles de l’Ina, livre ses conseils
- Commercialiser des archives : des droits à respecter. Zoom sur les droits et les obligations juridiques à respecter
- Comment M6 est parvenu à monétiser ses archives : le groupe a lancé un portail de vente de ses archives audiovisuelles
Quels sont les prérequis pour se lancer dans un projet de commercialisation d'archives ?
La première question que nous posons à des détenteurs de droits concerne le contenu de leur catalogue et la qualité des métadonnées. C’est-à-dire, les données référencées (un titre, un résumé, une année de production, si c’est une fiction : le casting, le nom du réalisateur ? etc.) vont-elles permettre de décrire les documents ? Toutes ces données documentaires sont le cœur du réacteur de l’Ina. Sans elles, le travail de valorisation sera beaucoup plus compliqué.
Les données juridiques sont également fondamentales. Car au cœur de notre métier, ce que nous vendons dans un objectif de valorisation n’est pas un fichier, mais la possibilité d’exploiter, c’est-à-dire un droit d’usage, que ce soit auprès du grand public ou des professionnels.
Que pourront faire les détenteurs de droits avec leurs contenus ? Pourront-ils les diffuser sur un réseau social, comme TikTok, ou uniquement à la télévision ? Nous supposons qu’ils sont en pleine maîtrise de ces droits d’exploitation, mais cela suppose parfois un peu d’archéologie pour être sûr de ce que nous pouvons faire en termes d’exploitation. Ces données juridiques sont aussi importantes que les données documentaires.
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Nous allons nous intéresser ensuite à la qualité des contenus, aux formats, à la diversité des supports… Voir si des travaux de restauration ou de numérisation sont à prévoir. Cette première étape de documentation, qui comporte les volets documentaire, juridique et technique, est indispensable.
Quel est le modus operandi après cette première phase ?
Le nerf de la guerre, c’est le contenu. Que raconte-t-il ? Raisonne-t-il par rapport à l’actualité ? A-t-il encore une place sur le marché ? Malheureusement, des contenus intéressants à un moment donné ne le sont plus après plusieurs décennies, ou bien nécessitent un gros travail éditorial pour leur redonner de l’intérêt.
En fonction de ce contenu, il est nécessaire de réaliser un benchmark et un ciblage de publics potentiels (médias, acteurs de la communication, créateurs de contenu, diffuseurs ou encore grand public) que nous pouvons relier à un catalogue. Sachant que l’économie du numérique n’est pas la même que la télédiffusion, cela va aussi influencer le mode d’exploitation sur lequel le contenu sera commercialisé.
Par exemple, un contenu se vendra plus cher sur une chaîne de télévision que sur une plateforme de VOD (Video on demand ou vidéo à la demande) et bien moins cher en diffusion sur un réseau social comme Facebook. C’est toute cette économie qu’il faut maîtriser, car le tarif de vente dépend aussi de la nature du contenu.
Si vous avez la chance de disposer dans votre catalogue de contenus réalisés par de grands noms ou avec des castings reconnus, vous aurez plus de chance de le proposer à un marché professionnel et donc d’en tirer une plus belle valeur.
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Une fois le contenu bien identifié et la cartographie des cibles réalisée, il faut bâtir une stratégie à la fois de marketing et de communication pour faire connaître la proposition auprès des publics. C’est là que nous allons concevoir des actions de promotion directement auprès de professionnels, de médias spécialisés, de salons, ou des actions sur le digital pour faire connaître le catalogue et le faire vivre. Il y a donc un investissement préalable à réaliser avant de tirer les bénéfices d’une valorisation.
La réglementation juridique s’est-elle complexifiée avec les nouveaux canaux de diffusion ?
Effectivement, nous voyons régulièrement de nouveaux modes d’exploitation apparaître. Là, on parle beaucoup de l’AVOD (Advertising video on demand ou VOD financée par la publicité), de la SVOD (Subscription video on demand ou VOD par abonnement) et d’autres modes plus expérientiels comme les NFT.
Il est nécessaire d’être en veille sur les nouveaux modes d’exploitation et les modèles économiques qu’ils peuvent engendrer. Parce que derrière le mot valorisation, il y a la question du modèle économique : quel revenu potentiel pouvons-nous tirer de cette exploitation ? Être en maîtrise sur ces sujets est très important lorsque l’on est un ayant droit pour pouvoir adopter la meilleure stratégie.
Quelles difficultés est-on susceptible de rencontrer lors de la mise en place d’un tel projet ?
Le premier risque est de ne pas être sûr d’être complètement propriétaire des contenus que l’on possède. Une partie prenante de la chaîne de droit peut se manifester à tout moment et il faut régulariser la situation.
L’autre risque réside dans la volonté de valoriser immédiatement l’ensemble de son catalogue : c’est le meilleur moyen de dépenser une énergie folle et de perdre un temps dingue avant d’accoucher d’une première valorisation.
Ce que nous préconisons, c’est plutôt de fonctionner par étape. Cela permet d’expérimenter des choses, de voir si les contenus que nous valorisons trouvent leur public. C’est aussi l’occasion de tester des approches de marketing ou de communication.
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Ce fonctionnement par étape permet également de stabiliser des processus internes pour être au clair sur la gestion des métadonnées, sur l’analyse juridique et sur le traitement technique. Se concentrer dans un premier temps sur une centaine de programmes est bien plus simple que sur une grande masse de contenus.
Ce que nous conseillons, c’est de tester des choses tout en ayant une stratégie globale, puis de monter en puissance dans la diffusion des contenus.
Quel suivi faut-il réaliser après la diffusion des archives ?
À moins d’être sur une valorisation continue (comme un ayant droit qui produit régulièrement), il n’est normalement pas nécessaire de revenir sur la partie métadonnées du stock d’un catalogue. C’est en revanche le volet marketing qui sera récurrent, et ce afin de s’assurer de toujours bénéficier d’un bon niveau de visibilité de son catalogue.
Il est important d’être présent auprès des bons publics — en tout cas de ceux qui ont été identifiés — en activant des leviers médias ou d’autres canaux afin de devenir une source intéressante pour les créateurs de contenus.
Est-il nécessaire de se faire accompagner ?
L’ayant droit est le seul maître à bord et il peut faire ce qu’il veut. Mais se faire accompagner en amont d’un projet permet aussi d’avoir une vision sur le potentiel de son catalogue et sur la façon dont il peut être valorisé.
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Un accompagnement permet de profiter d’un regard extérieur plutôt neutre sur son contenu, contrairement à l’ayant droit qui aura forcément une approche affective et donc bien moins objective : il peut arriver que celui-ci imagine ses documents comme formidables et qu’il soit certain que le monde va se les arracher… ce qui n’est pas forcément le cas.
Un professionnel externe peut apporter sa connaissance du secteur et sera capable d’analyser le contenu et sa qualité, de mieux organiser la partie métadonnées, de donner des pistes de valorisation et de prioriser le travail. Cette expertise permet de ne pas s’éparpiller et de construire la meilleure stratégie de valorisation possible. Et ce d’autant plus si le catalogue est ancien, car le travail de valorisation peut s’avérer plus compliqué. Cet accompagnement aide l’ayant droit à se poser toutes les bonnes questions et à gagner du temps.