Après deux années stables, le marché des logiciels de bibliothèque connaît en 2011 une légère baisse. Un mouvement qui en cache d’autres, de plus grande ampleur, tant du côté de l’offre que de celui de la demande.
1- moins de chiffre d’affaires pour plus de volume
La marché 2011 des logiciels de bibliothèque est à nouveau en baisse à 39 millions d’euros alors que le nombre de logiciels vendus croît très fortement avec 1 429 logiciels diffusés contre 1 331 l’année d’avant (voir le graphique d'évolution) . L’évolution du marché en volume serait ainsi de + 7 % alors qu’en valeur la baisse est de 3 %. Trois facteurs semblent à l’origine de cette curieuse évolution.
1er facteur - la conception des produits a changé
Chaque fournisseur dispose en moyenne de quatre produits à son catalogue alors qu’autrefois les logiciels étaient moins nombreux, moins spécialisés. Pour répondre à un même besoin, le fournisseur propose aujourd’hui quatre ou cinq produits là où il n’en fallait qu’un ou deux autrefois.
Cette fragmentation des produits est le plus souvent une réponse à la faiblesse de la demande : les projets étant peu nombreux et la concurrence fort rude, il est plus facile de vendre des produits complémentaires à ses clients que de débaucher des clients des concurrents. C’est aussi parfois une stratégie marketing qui permet de mettre en lumière le produit nouveau afin de faire oublier le cœur de l’offre qui a beaucoup vieilli.
2e facteur - la concentration du marché s’est stabilisée
Comme en 2010, 13 fournisseurs dépassent le million d’euros de chiffre d’affaires et contrôlent à eux seuls 85 % du marché. Les 30 autres entreprises doivent se partager 6 millions d’euros. Selon nos pointages, environ 20 sociétés dégagent un chiffre d’affaires inférieur à 100 000 euros. Outre les liquidations (BNT Technologies radiée en 2011) et les rachats (Ineo Media System racheté par BiblioMondo), au moins 3 entreprises indiquent qu’elles vont probablement cesser leur activité bibliothèque. Celles qui restent n’ont souvent pas d’autre choix que de se livrer à une concurrence par les prix avec des produits bradés.
3e facteur - le marché bascule vers le le SaaS
Sur les 127 produits recensés en 2012, 53 sont aujourd’hui disponibles soit en mode hébergé, soit sous forme d’abonnement à un service en ligne (SaaS en anglais). Ce nouveau mode de commercialisation se traduit par le paiement régulier d’une redevance et, si à long terme nul ne doute que le chiffre d’affaires dégagé sera bien supérieur à celui d’une diffusion classique (cession de droit d’utilisation d’un progiciel installé sur ses propres serveurs), dans l’immédiat le chiffre d’affaires peut baisser : le fournisseur ne comptabilise que le montant des redevances 2011 au lieu du montant bien plus élevé d’un contrat de diffusion classique.
2- un marché tiré par les bibliothèques municipales
Le marché 2011 a bénéficié d’une forte demande de la part des bibliothèques municipales, les autres types de bibliothèque ayant stabilisé leurs achats (bibliothèques d’université, bibliothèques de comité d’entreprise) ou les ayant réduit fortement (bibliothèques spécialisées, bibliothèques départementales de prêt ou BDP). (Voir le graphique sur la ventilation des 1429 logiciels vendus par type de bibliothèque)
bibliothèques municipales
En 2011, 848 produits ont été vendus par 21 fournisseurs aux bibliothèques municipales contre 624 en 2010. Les fournisseurs annonçant d’importants volumes de vente sont AFI (286 produits diffusés aux bibliothèques municipales), C3RB (166), Décalog (140) et Microbib (81). Viennent ensuite Logiq Systèmes (32), Archimed (28), Crescendo Systèmes (20), BiblioMondo France (19), Infor Global Solutions (13), Borgeaud Bibliothèques (12), SirsiDynix (9), GFI Progiciels (7), BibLibre (4), Aesis Conseil (3), Kentika SAS (2), Gemo 81 (1), Progilone (1) et Segilog (1). PMB Services annonce quant à lui un parc de 513 bibliothèques municipales.
bibliothèques départementales de prêt
Les bibliothèques départementales de prêt ne totalisent que 12 produits pour 2011. Ces établissements se sont tournés vers les offres de C3RB, d’Infor Global Solutions, d’Archimed et d’AFI. Le renforcement de la concurrence avec l’arrivée de Décalog (produit Karvi) et la nouvelle offre de Logiq Systèmes qui propose une version de Co-Libris pour les BDP devrait élargir le choix et contribuer à redynamiser ce secteur dont les équipements semblent vieillissants.
bibliothèques de comité d’entreprise
Les bibliothèques de comité d’entreprise ont retenu les logiciels de Logiq Systèmes (8 produits), de Décalog (4) et d’Archimed (2).
bibliothèques d’école
Les bibliothèques d’école – BCD ou CDI – sont principalement investies par le CRDP de Poitou-Charentes et par PMB Services qui comptabilisent l’un et l’autre leur parc de clients (et non les nouvelles ventes de l’année) car les produits sont proposés sous forme d’abonnement à un service. Ainsi apparaît un total de 10 772 produits utilisés par les établissements scolaires dont 501 pour la société PMB Services. Le nouveau portail du CRDP de Poitou-Charentes, e-sidoc, est utilisé par plus de 4 000 établissements. Deux autres références apparaissent dans ce secteur : Gemo 81 avec le produit GemoDoc et le laboratoire Document numérique et Usages (Nancy Université) pour une implantation de Visual Catalog dans 8 CDI de lycées de la région Nord-Pas-de-Calais.
bibliothèques d’université
Les bibliothèques d’université ont retenu 270 solutions en 2011 contre 277 l’année précédente. Ebsco Information Services totalise à lui seul 202 références en raison notamment de la très large utilisation de son service en ligne Ebsco A-to-Z qui est diffusé à 156 exemplaires. Les autres fournisseurs intervenant dans ce secteur sont Ex Libris France (19 produits), SirsiDynix (9), Swets Information Services (8 services en ligne), Kentika SAS (5 produits), Infor Global Solutions (5), JLB Informatique (4), GFI Progiciels (4), GB Concept (4) et Nancy Université (1).
bibliothèques spécialisées
Le secteur plus diversifié des bibliothèques spécialisées et des autres clients connaît une très forte baisse en volume avec 283 produits retenus en 2011 contre 360 l’année précédente. Ebsco Information Services et Swets Information Services représentent à eux seuls 150 références de services en ligne. Les 133 autres produits diffusés dans ce secteur sont ceux de 14 entreprises : Kentika SAS (25 produits), GB Concept (23), Cadic (20), JLB Informatique (16), Dip Systèmes (13), Archimed (12), Décalog (7), EverTeam (6), BibLibre (4), Logiq Systèmes (2), SirsiDynix (2), Gemo 81 (1), Aesis Conseil (1) et le laboratoire Document numérique et Usages de Nancy Université (1). Pour compléter ce tableau ajoutons que PMB Services annonce un parc de 311 bibliothèques spécialisées et le CRDP de Poitou-Charentes un parc de 283 établissements.
3- perspectives
L’année 2011 a marqué une pause dans le mouvement de concentration des entreprises initié il y a une dizaine d’années. En effet, même si des rachats ont encore eu lieu en 2011 – comme nous l’avons mentionné plus haut –, la part de marché détenue par les 13 entreprises du secteur dépassant le million d’euro de chiffre d’affaires ne progresse plus. Il s’agit de 3 entreprises étrangères (BiblioMondo France, SirsiDynix, Ex Libris France) et de 10 fournisseurs français (GB Concept , GFI Progiciels, AFI, Cadic, CRDP Poitou-Charentes, Infor Global Solutions, Ever Team, C3RB Informatique, Décalog et Archimed),
A leurs côtés, d’autres sociétés connaissent une croissance importante, qui s’avèrent être quasi exclusivement des entreprises intervenant dans le secteur du logiciel libre ou open source (PMB Services, BibLibre…).
préparer les produits de demain
Si la plupart de ces fournisseurs, auxquels il faudrait ajouter OCLC et Innovative Interfaces, semblent en mesure de préparer les produits de demain qui supporteront RDA, les FRBR, les FRAD, le web sémantique… que va-t-il se passer du côté des entreprises de plus petite taille qui interviennent sur le seul marché français ? Vont-elles devoir se contenter de faire évoluer une gamme vieillissante ou trouveront-elles les moyens de financer la réécriture de produits tout à fait nouveaux ? Resteront-elles attachées à une diffusion classique ou arriveront-elles comme les plus grands du secteur à adopter le nouveau modèle économique de l’informatique avec des logiciels vendus comme des services en ligne ? Est-il d’ailleurs vraiment dans l’intérêt des bibliothèques de se trouver face à une offre devenue uniforme de services en ligne ? Il nous semble qu’il faut plutôt souhaiter le maintien des deux modes de commercialisation et d’un vivier de petites entreprises plus à l’écoute du marché local. C’est fort probablement la condition d’une concurrence effective, garante d’une meilleure qualité des solutions et de prix mieux ajustés.
Voir le Tableau sur l'offre de progiciels de bibliothèques 2012
www.toscaconsultants.fr/logiciel.htm
marc.maisonneuve@toscaconsultants.fr