avis d'expert : en route vers les bibliothèques numériques !

 

Tirer sur Google, c’est gaspiller des munitions. L’émergences des bibliothèques numériques ne marque pas le début du déclin des bibliothèques traditionnelles.

 Longtemps annoncées par les futurologues tout au long du XXe siècle, les bibliothèques numériques sont aujourd'hui matures. Elles sont devenues une réalité au début des années 1990, grâce à la cristallisation de plusieurs technologies : lien entre documents par l'hypertextei, réseau global et ouvert internet">i, publication électronique avec le webi et hautes capacités de stockage permises par les cédéroms.
Les bibliothèques traditionnelles n'ont pas pour autant été reléguées au rang d'archaïsmes, comme les visionnaires l'imaginaient un peu naïvement. Il est même douteux qu'elles le deviennent un jour tant bibliothèques numériques et traditionnelles sont complémentaires.
La quantité de données accessibles par le web est considérable - au point de donner une impression d'ivresse - et augmente toujours plus rapidement, prolongeant l'explosion d'informationi déjà connue pour le papier. Mais l'information produite depuis l'aube de l'humanité, conservée encore aujourd'hui grâce aux bibliothèques et archivesi, n'existe que très partiellement sous forme électronique. Les bibliothèques s'efforcent de faire percevoir ce décalage à leurs utilisateurs, tentés par la facilité d'utilisation et l'illusion d'exhaustivité que procurent les moteurs de recherche.
 
extrême mauvaise foi

Google a fort bien compris cela et cherche à intégrer le matériel off-line dans ses filets électroniques en le numérisant et non attendre que d'autres le fassent. Avec sa puissance financière, des méthodes de numérisation industrielles et sous réserve d'accéder aux originaux, l'objectif n'est pas impossible pour le volet "livres" - que l'on peut estimer très grossièrement à quelques 100 millions de titres parus depuis les origines de l'imprimerie occidentale. Ce serait se montrer d'extrême mauvaise foi que de ne pas reconnaître les avantages considérables de ce projet pour la recherche et l'identification des textes, qu'aucune bibliothèque ne peut aujourd'hui offrir à cette échelle.
Alors, dépassées les bibliothèques ? Il ne tient qu'à elles d'être aussi actives dans ce domaine. D'autant plus que leurs avantages objectifs ne sont pas négligeables : elles contrôlent l'accès des documents originaux, existent vaillamment depuis parfois plusieurs siècles (Google n'était pas né il y a une décennie… qui dit qu'il sera toujours là durant la prochaine ?), leurs techniques sont éprouvées, et elles ont l'habitude de fonctionner en réseau. Pourquoi alors se sont-elles fait brûler la politesse sur la question de la numérisation ? Sans doute parce qu'elles ont les défauts de leurs qualités : plutôt que de se lancer dans l'aventure, elles préfèrent souvent attendre de contrôler tous les éléments et craignent de se tromper. De plus, l'émergence des bibliothèques numériques coïncide avec une crise générale des finances publiques, alors que le besoin de ressources augmente pour continuer à gérer les collections analogiques tout en conduisant de nouveaux projets. Malgré tout, nombre de réalisations de diverses tailles ont vu le jour, mais elles restent pour la plupart trop peu visibles, dispersées, sans réelle coordination, au contraire du système universel d'accès aux publications imprimées que les bibliothèques ont su mettre en place. Un urgent besoin se fait sentir de coordonner les efforts, de les rassembler au sein d'un catalogueListe des notices bibliographiques des documents que possède une bibliothèque. Il permet aux usagers et aux bibliothécaires de vérifier la disponibilité d’un document ainsi que de repérer des documents par auteur, titre, sujet, etc.">i commun. La naissance de la Bibliothèque Numérique Européenne témoigne que ce problème est pris enfin au sérieux, dans l'intérêt des usagers, même s'il est navrant de penser qu'elle n'aurait pas vu le jour sans le coup de force de Google.
La numérisation est une chance formidable pour la recherche, la lecture, l'accès à l'information, et l'utilisation des ressources électroniques ne fait que croître. L'opposer à l'information traditionnelle est stérile. Les bibliothèques ne peuvent y renoncer, car elles se couperaient alors progressivement de leur public. Intrinsèquement, leur existence est d'une extrême actualité car leur matière première caractérise notre société dite "de l'information". Si elles réfléchissent à leurs missions fondamentales (collecte sous toutes ses formes, conservationi, mise à disposition, services), les bibliothèques n'ont rien à craindre mais tout à gagner des nouveaux canaux de la connaissance et de la culture.
*Conservateur des nouvelles technologies, Bibliothèque publique et universitaire de Genève
 
de Google Print à la BNE

 
octobre 2004
Présentation du projet Google Print for Publishers Program permettant aux internautes d'accéder aux livres mis en ligne par le biais de son moteur de recherchei.

24 janvier 2005
Jean-Noël Jeanneney publie dans Le Monde une tribune intitulée " Quand Google défie l'Europe ".

avril 2005
Six pays européens (Allemagne, Espagne, France,Hongrie, Italie et Pologne) demandent à l'Union européenne de constituer une bibliothèque numérique européenne.

juin 2005
Google Print suspend son projet à la demande de l'Association of American Publishers, le temps de trouver un compromis avec les éditeurs détenteurs des droits de reproduction.

juillet 2005
Création du comité de pilotage pour une bibliothèque numérique européenne.

octobre 2005
Le consortiumi Open Content Alliance (OCA) est présenté par Yahoo ! Il rassemble des acteurs d'internet et de l'informatique (Adobe, Hewlett Packard, Internet Archive) qui se donnent pour ambition de numériser et de mettre en ligne un contenu multimédia multilingue.

novembre 2005
Annonce du partenariat entre Microsoft et la British Library portant sur la numérisation de 25 millions de pages (100 000 volumes) pour une somme de 2,5 millions de dollars.

février 2006
Renaud Donnedieu de Vabres présente en Conseil des ministres une communication relative à la BNE.

mars 2006
La Commission européenne lance " sans attendre " la Bibliothèque numérique européenne.

octobre 2006
Choix du prestatairei de numérisation.

fin 2006 - début 2007
Ouverture envisagée du portaili de la BNE.

2008
Deux millions de documents seront disponibles.
 

Les podcasts d'Archimag
Gilles Pécout a été nommé à la présidence de la Bibliothèque nationale de France au printemps dernier. Au micro de Bruno Texier, pour les podcasts d'Archimag, le nouveau président présente les grandes lignes de son programme à la tête de l'institution, notamment l'apport de l'IA dans le développement de nouveaux services.