Après cinq années de développement, un scanner de reconstruction virtuelle est désormais capable de réaliser le puzzle titanesque que les anciens de la Stasi redoutent depuis la chute du Mur de Berlin, il y a 23 ans : celui de l’assemblage des milliers de fragments de documents, mis en pièces dans la précipitation, quelques semaines avant la chute du régime.
Des centaines de millions de bouts de papier à identifier, trier et reconstituer… Un travail de plusieurs siècles s’il fallait résoudre ce gigantesque puzzle à la main. Ces documents, ce sont les confettis laissés par les agents du ministère est-allemand de la Sécurité d’Etat (Stasi) lorsqu'ils ont entrepris dans l’urgence, à quelques semaines de la chute du Mur de Berlin, de détruire l’ensemble des dossiers et rapports accumulés, afin de ne laisser aucune preuve. Faisant tourner les déchiqueteuses à plein régime pendant plusieurs jours, les agents ont parfois terminé le travail à la main.
Archives ouvertes
Découverts en janvier 1990 par les manifestants ayant envahi les locaux de la Stasi, les morceaux de papier ont été stockés dans 15 500 sacs contenant chacun entre 50 000 et 80 000 bouts de papiers. Ils constituent les reliquats de 40 années d’oppression, les dernières preuves exploitables du régime de l’ex-Allemagne de l’Est. Aujourd’hui, c’est l’office fédéral en charge des archives de la Stasi, la BSTU, qui conserve les précieux sacs. Dès 1995, dans le but de faciliter le travail de mémoire cher aux Allemands, les archives de la Stasi ont été ouvertes au public, la loi garantissant à chaque citoyen allemand de pouvoir consulter son dossier. Mais certains documents, tels que la liste des espions infiltrés à l’Ouest ou ceux concernant certaines morts suspectes d’opposants restent introuvables. Peut-être font-il partie de mystérieux puzzle à reconstituer… ?
Reconstitution virtuelle
Afin de faciliter ce titanesque travail, un chercheur de l’Institut Berlinois Fraunhofer, Bertram Nickolay, développe depuis cinq ans un scanner destiné à reconstituer numériquement les documents déchirés. Placés sur un tapis roulant, les morceaux de papier sont scannés un à un, recto verso, et analysés selon des dizaines de paramètres tels que la forme du papier, son épaisseur, sa texture, sa couleur, les caractères d’écriture, l’interlignage, etc. Ayant nécessité 8 millions d’euros d’investissement, le développement de cet ordinateur hors du commun arrive enfin à son terme. Un test en "conditions réelles" sera réalisé d’ici quelques semaines. Une fois le procédé validé, la phase définitive du travail de reconstitution virtuelle devrait démarrer dans le courant de l’année 2013.