Entretien avec Pierre Patuel, co-fondateur de DPii Telecom et Services, agence spécialisée en solutions globales de dématérialisation de factures. Il nous livre ses réserves quant au "tout cloud".
Archimag. Pour quelles raisons, selon vous, les factures ne peuvent-elles pas être dématérialisées dans le cloud ?
D’un point de vue juridique, les factures transmises par voie électronique doivent obligatoirement être stockées en France ou dans un pays ayant signé au préalable la convention d’assistance mutuelle en matière fiscale. Or, pour l’instant, seuls les Etats membres de l’Union européenne l’ont signée. Aussi, si l’emplacement physique du cloud n’est pas clairement stipulé, les entreprises ne pourront pas retenir ce nouveau modèle informatique pour dématérialiser leurs factures.
Est-il risqué de placer dans le cloud d’autres types de documents d’entreprise : contrats, bulletins de paie, courriers électroniques, etc. ?
Lorsqu’une entreprise veut dématérialiser ses documents, il faut toujours qu’elle prenne en considération le lieu de stockage, ce qui va à l’encontre même du principe du cloud, les entreprises pouvant ignorer où se situent physiquement les machines hébergeant leurs données. Elles ne peuvent donc pas toujours s’assurer du niveau de protection des serveurs. Citons par exemple le contrôle des données effectué par certains pays tels que la Chine ou par les Etats-Unis avec le Patriot Act : des risques certains d’exploitation des données personnelles sont aujourd’hui possibles. En témoigne cette citation du Washington Post : « Les mesures concernant les NSL [lettres de sécurité nationale] ne visent pas à protéger la vie privée mais à favoriser les intérêts commerciaux des firmes visées par ces requêtes ».
La dématérialisation dans le cloud n’est-elle pas inéluctable pour les entreprises, en particulier les PME ?
Je ne pense pas que ce passage soit inévitable. J’ai en effet pu constater que mes clients, parmi lesquels de nombreuses PME, ne souhaitent pas se tourner vers le cloud pour dématérialiser leurs documents, et ce en raison du manque de protection et de confidentialité qu’il leur inspire. Ils préfèrent donc continuer à stocker leurs données localement, ce modèle leur garantissant la sécurité, mais également la disponibilité immédiate des informations dématérialisées.