Quand les bibliothécaires évoquent le futur, les options les plus diverses sont avancées. Y compris les plus radicales...
« Jusqu'où une bibliothèque doit-elle conserver des livres qui ont été numérisés ? ». En posant cette question un brin provocatrice, Pierre Casselle, directeur de la Bibliothèque de la Ville de Paris savait qu'il allait ouvrir un débat aussi complexe que délicat. A l'occasion de l'inauguration de la nouvelle Bibliothèque de la Ville de Paris, un débat a réuni le 16 septembre dernier quelques unes des figures majeures du monde bibliothécaire pour réfléchir à l'avenir des bibliothèques.
Un écho particulier a été donné à la situation aux Etats-Unis grâce au témoignage de Keith Fiels, directeur de l'influente Américan Library Association, qui a énuméré quelques unes des principales tendances qu'il observe outre-atlantique : la moitié des prêts concerne des formats audio-visuels, le profil des usagers se modifie en raison des vagues migratoires, les usages à distance via Internet augmentent, les bibliothèques doivent donc investir les réseaux numériques tels que les blogs, Facebook, Twitter ou Second Life... Le credo de Keith Fiels tient en quelques mots : « il ne faut pas rester passif face aux nouvelles technologies ; nous devons tout faire pour les bibliothèques survivent... »
Des bibliothèques en danger
En écho à ce témoignage, Anne-Marie Bertrand, directrice de l'Enssib et auteure d'un récent ouvrage consacré aux bibliothèques publiques en France et aux Etats-Unis, confirme le diagnostic : « les tendances observées outre-atlantique se vérifient en France. Nous devons relever les mêmes défis. Si l'on ne bouge pas, les bibliothèques risquent d'être en danger... ».
Anne-Marie Bertrand regrette une certaine indifférence du public et des décideurs politiques à l'égard des bibliothèques. Quelques chiffres lui donnent raison : alors que 60 % des habitants fréquentent les bibliothèques aux Etats-Unis, ce chiffre n'est que de 25 % en France. Raison de plus pour que les bibliothécaires français s'inspirent des actions d'advocacy lancées par leurs confrères états-uniens qui ont mis en place une stratégie d'influence basée sur la promotion et le soutien des bibliothèques.
Un point de vue partagé par Patrick Bazin, directeur de la BPI du Centre Pompidou : « il faut faire feu de tout bois et aller chercher le public, accompagner les usagers, et ne pas craindre de faire du marketing culturel ». A ses yeux, la bibliothèque doit être pensée comme « un lieu d'expérience » capable, par exemple, de regagner le public adolescents/jeunes adultes qui a tendance à la déserter.
Options radicales
En sa qualité de président de la Bibliothèque nationale de France, Bruno Racine a fait part des discussions qu'il mène avec d'autres dirigeants d'institutions culturelles dans le monde. Certains d'entre eux réfléchissent à « des options radicales » : diminution massive du personnel en salle de lecture, investissement substantiels dans les réseaux numériques, substitution progressive (mais non remplacement) des collections papier par le numérique... Des options radicales qui sont désormais évoquées en public.