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Bibliothèques et archives face à la réforme territoriale

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    La suppression des conseils départementaux, prévue pour 2021, pourrait avoir de sérieuses conséquences sur les réseaux de bibliothèques notamment en milieu rural où les bibliothèques départementales de prêt jouent un rôle important. (Pixabay/Jarmoluk)
  • C'est une réforme phare du gouvernement Valls qui va bouleverser l'organisation des territoires de la France métropolitaine. Les bibliothèques et, dans une moindre mesure, les archives et les services de documentation, vont devoir s'adapter à une nouvelle donne. Un chantier qui provoque de nombreuses incertitudes parmi les professionnels.

    En une quinzaine d'années, les bibliothèques ont tout vu et tout connu. Elles ont d'abord encaissé le choc de la révolution numérique. Elles ont ensuite été bouleversées par de sévères restrictions budgétaires. Et voici qu'elles doivent faire face à une réforme territoriale de grande ampleur.

    Annoncée par Manuel Valls au mois d'avril 2014 lors de sa déclaration de politique générale, cette réforme mille fois annoncée et mille fois repoussée a finalement été adoptée au mois de décembre 2014. Résultat : à partir du 1er janvier 2016, la France métropolitaine ne comptera plus que 13 régions au lieu de 22. 

    La suppression des conseils départementaux, prévue pour 2021, pourrait avoir de sérieuses conséquences sur les réseaux de bibliothèques notamment en milieu rural où les bibliothèque départementales de prêt (BDP) jouent un rôle important. Le sénateur Yves Daudigny (Aisne, groupe socialiste et républicain) s'en est d'ailleurs publiquement ému auprès du ministère de la Culture pour lui demander le sort qui sera réservé à ces BDP :

    "Quel niveau d'intervention publique pourra reprendre cette compétence de manière plus pertinente, à égal niveau de qualité dans le service rendu à l'usager, et pour quelle économie de gestion ?"

    Et autant le dire tout de suite, la réponse du ministère laisse entrevoir une importante redistribution des cartes :

    "Dans un contexte territorial en évolution, le ministère de la Culture veillera à ce que les BDP ou les institutions qui leur succéderont dans leurs missions de développement de la lecture publique au plus proche des territoires, restent des éléments stratégiques des politiques publiques de lecture".

    Le gouvernement n'exclut donc pas le remplacement des bibliothèques départementales de prêt par "des institutions qui leur succéderont"...  Et la rue de Valois de préciser sa pensée :

    "Sous des formes nouvelles, elles devront non seulement continuer à participer au dispositif collectif associant les collectivités territoriales et l'Etat, mais aussi demeurer des voies d'accès indispensables à la culture et à l'information. (...) Les scénarios d'évolution seront étudiés en étroite concertation avec les élus et responsables politiques concernés".

    Voilà qui ne manquera pas d'interpeller les bibliothécaires qui travaillent en 

    bibliothèque départementale de prêt. Selon un rapport de l'Inspection générale des bibliothèques, les BDP apportent aujourd'hui un appui direct à environ 17 500 communes et desservent, d'une façon ou d'une autre, 26,8 millions d'habitants.

    Réflexes d'adaptation et de prospective

    D'autres bibliothécaires en revanche voient dans la réforme territoriale l'occasion de s'adapter à de nouvelles missions. Et n'éprouvent pas d'inquiétude particulière : 

    "Je constate que les professionnels des bibliothèques abordent la réforme avec sérénité. Je pense que cet état d'esprit s'explique par le fait que depuis une vingtaine d'années, le monde des bibliothèques est habitué à vivre des bouleversements. De ce fait, nous avons adopté des réflexes d'adaptation et de prospective. Alors, nous nous disons que, finalement, la réforme territoriale est une bonne opportunité pour gagner en souplesse d'organisation, au moment où, par ailleurs, notre profession vit un bouleversement de son essence", estime Juliette Lenoir, présidente de l'ADBGV (Association des directeurs des bibliothèques municipales et des groupements intercommunaux des villes).

    Mais toutes les associations ne partagent pas ce point de vue. Du côté de l'Interassociation archives bibliothèques documentation (IABD), on souligne que "l'élargissement et le redécoupage des intercommunalités risque de mettre à mal des dynamiques de réseaux existantes. La suppression de la clause de compétence générale provoque une ambiguïté quant à la capacité pour les bibliothèques départementales de prêt à aider les bibliothèques municipales ou les réseaux intercommunaux de bibliothèques". D'une façon générale, la réforme territoriale est perçue comme une source d'incertitudes par l'IABD qui demande au législateur de prendre en compte les spécificités des fonctions patrimoniales.

    Vigilance sur les moyens mis à disposition

    Quant aux archivistes, cette nouvelle page de l’histoire institutionnelle les expose différemment par rapport à leurs confrères bibliothécaires. Pour l'Association des archivistes français (AAF), "cette réforme ne devrait pas bouleverser l’architecture du réseau des services publics d'archives en France, la culture restant une compétence partagée. Elle devrait cependant conduire à une répartition des directions régionales déconcentrées de l'Etat à la carte", constate Romain Joulia, président de la section des archives communales et intercommunales de l'AAF. 

    Par exemple, que va-t-il advenir de la fusion des actuelles régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées ? Toulouse devrait  devenir la capitale régionale de la nouvelle entité, mais Montpellier devrait conserver sur son sol la direction régionale des affaires culturelles (Drac) pour l’ensemble de la nouvelle région... Pour les archivistes, cette redistribution des rôles sera à suivre de près, d’autant plus que l’on entre dans une phase transitoire jusqu’en 2018.

    "Il faudra être vigilant sur les moyens mis à disposition des services d’archives par rapport aux compétences transférées entre régions, départements et métropoles notamment", prévient Romain Joullia qui ne manque pas de rappeler que "la capacité d'adaptation des archivistes n'est plus à démontrer alors qu'ils ont subi en quelques années les effets de la RGPP (révision générale des politiques publiques), de la Réate (réforme de l’administration territoriale de l’État) et de la réforme de la carte judiciaire". 

    Mais la baisse des dotations aux collectivités locales complexifie l’équation…

    Du côté de l'Interassociation archives bibliothèques documentation, on estime que le département doit rester l'échelon essentiel de mutualisation et d'expertise. 

    L'IABD souligne en effet que "ses compétences obligatoires en matière d'archives et de bibliothèque doivent être confortées et pérennisées, tout comme ses services de documentation, y compris en cas de rattachement à une métropole ou à une région". 

    Reste à savoir si le gouvernement retiendra les doléances du monde associatif pour articuler les compétences entre les différents échelons municipaux, départementaux et régionaux.

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