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C’est un chiffre réjouissant : 87 % des bibliothèques municipales ont mis en place au moins une action en direction des publics empêchés. Ces initiatives se présentent sous plusieurs formes : offre de lecture adaptée, lecture à voix haute, ateliers hors les murs, séances d’animation collectives, équipements spécifiques (Lecture publique et publics empêchés. Synthèse de l’étude réalisée par le Crédoc. Ministère de la Culture, 2017).
Et pour mettre en place de telles actions, les bibliothèques peuvent compter sur une partie non négligeable de leurs agents. 46 % d’entre eux sont formés à l’accueil et à la mise en place d’actions destinées aux publics empêchés.
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Qu'est-ce qu'un public empêché ?
Mais qui sont ces publics empêchés ? Ce terme désigne plusieurs types d’individus : les personnes handicapées, les individus placés « sous main de justice » et les personnes résidant en établissements publics de santé (hôpitaux, centres d’accueil et de soins, etc.).
Différentes conventions ont été signées afin de rapprocher ces catégories de personnes des lieux de culture, qu’il s’agisse de bibliothèques, de salles de cinéma ou d’espaces dédiés à la musique.
Une convention « culture-santé » propose environ 600 projets par an afin de développer l’action culturelle en milieu hospitalier et médico-social. Une convention « culture et handicap » vise à encourager les pratiques artistiques et à soutenir les initiatives artistiques autour du handicap.
Quant au volet « prisons », il est couvert par un protocole signé en 2009 par Christine Albanel et Rachida Dati, alors ministre de la Culture et ministre de la Justice. Ce texte a pour ambition de mettre en œuvre une politique commune visant à renforcer les dispositifs d’insertion en favorisant l’accès des personnes condamnées aux différentes formes d’activité culturelle : accès à la lecture, aménagement de bibliothèques au sein des établissements pénitentiaires (Voir Archimag n° 230).
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Accessibilité à la BNF
À la Bibliothèque nationale de France, le dispositif d’accessibilité permet de répondre à différents types de handicap. Les usagers souffrant de déficience auditive peuvent faire appel à un service d’accueil qui leur est spécialement réservé (via une prise de rendez-vous par un système téléphonique adapté ou par courriel).
Une rencontre leur est alors proposée afin de leur présenter les prestations mises à leur disposition : visio-interprétation en langue des signes française, transcription instantanée de la parole (sous-titrage en temps réel), visio-codage en langue parlée complétée (LPC).
Cet accompagnement est assuré par des agents volontaires de la Bibliothèque nationale de France. Certains d’entre eux sont formés à la langue des signes.
Le public « déficient intellectuel » se voit proposer une visite accompagnée du site François Mitterrand de la BNF en partenariat avec l’association Les papillons blancs de Paris. Une trentaine de personnes déficientes intellectuelles ont pris part à l’élaboration de ce programme. La présentation de l’offre documentaire de la BNF est complétée par un livret rédigé en langage facile à lire et à comprendre (FALC).
Les visiteurs qui souffrent de handicap visuel disposent pour leur part de cabines de lectures équipées de logiciels de vocalisation et peuvent consulter une table d’orientation en braille. Une machine à lire permet d’accéder aux collections de la BNF via des fonctionnalités de numérisation, de vocalisation et d’exportation des contenus sur une clé USB. Un système de guidage sonore a également été mis en place pour aider les aveugles et les malvoyants à se déplacer dans le bâtiment.
Les sites Bfn.fr et Gallica.bnf.fr, quant à eux, disposent d’un certificat de la déclaration de conformité en matière d’accessibilité.
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Ateliers participatifs avec l'association Signes
À Lille, l’assistance aux personnes en situation de handicap se fait par la voie associative. L’association Signes de sens a conçu plusieurs actions à destination des médiathèques de la région Hauts-de-France.
Des ateliers participatifs ont par exemple réuni des participants pour imaginer la médiathèque accessible de demain. Des bibliothécaires ont échangé avec des professionnels du médico-social et des personnes handicapées autour de plusieurs thèmes : la médiation, la co-construction, l’apport des technologies numériques…
Résultat : un livre blanc recense les meilleures initiatives nées à l’occasion de ce remue-méninges qui a duré plusieurs mois : création d’une chaîne YouTube, proposer des manifestations hors les murs à destination du public qui ne peut pas se déplacer dans les bibliothèques, découvrir le livre autrement grâce à une technologie ludique…
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Partenariat entre le Musée Guimet et l'hôpital
Du côté du public empêché pour raison médicale, il existe des bibliothèques au sein même des établissements hospitaliers. Mais elles sont rares. L’AP-HP (Assistance publique - hôpitaux de Paris) fait figure d’exception avec son réseau de 18 médiathèques qui, outre les collections mises à disposition des patients et du personnel, proposent des activités originales.
En 2019, un partenariat avec le musée Guimet a donné lieu à diverses manifestations : ateliers au chevet, découverte d’une œuvre, création d’un carnet de voyage, conférences, concerts… Ces événements ont la particularité de se dérouler dans les chambres des patients, mais aussi dans les médiathèques, au musée Guimet et dans les halls d’hôpital.
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Des bibliothécaires pour les "malades difficiles"
À Châlons-en-Champagne, les bibliothèques municipales ont porté leurs efforts vers l’établissement public de santé mentale de la Marne et plus particulièrement en direction de l’unité pour malades difficiles.
Six fois par an, deux bibliothécaires se déplacent avec une sélection de documents pour échanger avec les patients et les encadrants sur une thématique. Ces ateliers durent près de 1 heure 30.
Objectif : susciter le goût de la lecture pour les patients. « L’adhésion des patients est très forte. Les bibliothécaires sont connus et attendus. L’interaction avec le public est au cœur de cette action », expliquent les bibliothécaires.
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En prison, participer à la gestion des collections
Le volet carcéral n’est pas oublié. Selon une étude effectuée en 2007 par l’administration pénitentiaire, 95 % des établissements pénitentiaires possèdent une bibliothèque. Celles-ci occupent une surface de 43 m² en moyenne et 40 % possèdent un fonds d’au moins 4 000 documents.
Le « Guide du détenu arrivant » rappelle les règles du jeu : accès libre à la bibliothèque, possibilité de participer à la gestion des collections… « Vous êtes responsable des livres empruntés à la bibliothèque. En cas de dégradation, on peut vous demander de rembourser le livre », précise le guide.
En prison aussi, des associations peuvent intervenir pour proposer des actions en complément des collections mises à disposition des détenus : ateliers d’écriture, cercles de lecture, rencontres avec des écrivains…
En région parisienne, l’association Lire c’est vivre gère et anime les 10 bibliothèques de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis et du centre de semi-liberté de Corbeil-Essonnes.
À tous ces publics empêchés, les bibliothèques poursuivent leur objectif : « ouvrir une fenêtre sur l’extérieur… »