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C’est désormais devenu une habitude. À l’occasion des Journées du patrimoine, les bibliothèques sont de plus en plus nombreuses à proposer un escape game à leurs usagers.
À Grenoble, à Aix-en-Provence, à Strasbourg, à Hayange ou à Conflans-Sainte-Honorine, les jeux d’évasion séduisent les bibliothécaires et le public. Pour les premiers, ces événements sont l’occasion de présenter leurs collections sous un jour original et de façon ludique ; pour le second, il s’agit de jouer, bien sûr, mais aussi de développer leur sens de l’observation et de laisser libre cours à leur curiosité.
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Résoudre des énigmes dans la bibliothèque
À la bibliothèque d’étude et du patrimoine de Grenoble, cela fait désormais plusieurs années que le public adolescent - mais pas seulement - se prête au jeu. Voici sa mission : un éminent botaniste vient d’être retrouvé inconscient près de son bureau, sans doute empoisonné… La pièce est mise en quarantaine et une équipe de neuf enquêteurs en herbe dispose d’une heure pour trouver l’antidote…
« Une mission difficile, mais pas impossible, à condition de trouver les indices qui permettront de résoudre les énigmes disséminées dans le bureau… », explique la bibliothèque.
« Nous sommes partis de nos collections de botanique et avons reproduit des copies à l’identique de nos gravures et de nos ouvrages », précise Sandrine Lombard, bibliothécaire ; « ces fac-similés permettent aux joueurs d’utiliser ces ressources d’une façon complètement différente qu’ils ne le feraient habituellement ».
Du côté des usagers, on se réjouit :
« C’est très intéressant d’avoir un objectif à atteindre et en même temps de découvrir tous ces livres absolument merveilleux sur les plantes ».
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Règlements de contes à la médiathèque
À Strasbourg, la médiathèque André Malraux a fait un voyage dans le temps. À l’occasion des Journées du patrimoine 2019, elle a invité les usagers à pénétrer dans l’imposant bâtiment qui lui sert d’écrin depuis dix ans. Mais, au lieu de trouver des livres, les joueurs se sont retrouvés au milieu de sacs de céréales et de caisses de marchandises. Comme en 1932 à l’époque du port de commerce strasbourgeois !
Message de la médiathèque aux usagers : « La bonne nouvelle, c’est qu’il vous suffit de retrouver la porte spatio-temporelle pour revenir au temps présent. La mauvaise : vous n’avez qu’une heure pour vous évader, avant que le passé ne vous retienne à jamais… »
À Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), la médiathèque Blaise-Cendrars a choisi le domaine des contes pour proposer un jeu d’évasion à ses jeunes usagers à partir de 8 ans. Baptisé « Règlements de contes à la médiathèque », cet escape game s’est déroulé sur neuf séances tout au long des Journées du patrimoine.
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Excape game en bibliothèque universitaire
Les bibliothèques universitaires, de leur côté ne sont pas en reste, même si elles sont moins engagées dans le mouvement.
La BU du Havre a lancé un défi aux étudiants : débusquer la désinformation dans le domaine scientifique et empêcher la diffusion de fake news à l’échelle mondiale.
L’association M’Tech, quant à elle, a organisé une soirée escape game à la bibliothèque universitaire des sciences et techniques à Talence (Gironde) :
« Vous vous réveillez dans la BU. Vous êtes seuls et enfermés. Vos partiels débutent dans une heure. Vous devez faire preuve de déduction, coopération et efficacité si vous voulez quitter la bibliothèque à temps ! »
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Panique dans la bibliothèque
De telles initiatives ne s’improvisent pas. Ces nouvelles pratiques de médiation étoffent la panoplie des activités offertes par les bibliothèques. Mais elles sont encore très récentes et peu répandues dans les salles de lecture.
Pour leur venir en aide, le ministère de l’Enseignement supérieur propose un escape game clé en main sur le thème des idées reçues. Son nom : « Panique dans la bibliothèque ».
La mission : les usagers devront s’appuyer sur leur sens de l’observation, le travail d’équipe et un esprit critique pour déconstruire une vague d’idées reçues diffusées par un groupe se faisant appeler « Les Obscurantes ».
Ils devront trouver une série de documents dissimulés dans les rayonnages de la bibliothèque.
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Kit de jeu et formation continue
Cette opération, lancée dans le cadre de la Fête de la science avec le concours de Science Animation, met à disposition des bibliothécaires un kit destiné à mettre le jeu d’évasion en place.
On y trouve des fiches pratiques, des conseils d’installation, le déroulé des énigmes, le suivi précis des participants durant la partie, le débriefing, les indices à donner… Le rôle du maître de jeu y est également présenté de façon détaillée.
Et pour s’adresser au plus grand nombre possible d’établissements, le jeu est conçu pour s’adapter aussi bien aux grandes médiathèques départementales qu’aux petites bibliothèques rurales. De même, il doit s’appuyer sur des ressources déjà présentes dans les bibliothèques.
Les bibliothécaires peuvent également se tourner vers des formations continues. La médiathèque départementale du Rhône, par exemple, propose un programme sur deux journées : comment intégrer les collections, quels outils numériques faut-il déployer dans un jeu d’évasion, comment écrire un scénario, quel matériel utiliser, concevoir les énigmes, préparer l’organigramme, conseils d’installation, astuces pour bien animer un escape game, réaliser une fiche technique du jeu.
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Les règles du jeu d'évasion
Dans tous les cas, les établissements qui souhaitent créer des jeux d’évasion sont invités à respecter un certain nombre de règles.
Il faut par exemple encadrer le groupe pour le guider lorsque l’enquête s’enlise… Tout en lui laissant une certaine autonomie. Il convient également de « séduire » les joueurs en leur délivrant un discours susceptible d’attiser leur curiosité.
La présentation de l’intrigue doit sortir de l’ordinaire et faire appel à leur sagacité. De même, les ressources documentaires ou numériques impliquées dans le jeu doivent faire l’objet d’une attention soutenue afin d’éviter des dégradations involontaires.
Enfin, le jeu d’évasion trouve parfaitement sa place lors d’événements qui dépassent la médiation traditionnelle des bibliothèques. Ces dernières profitent souvent d’événements nationaux comme les Journées du patrimoine, la Fête de la science ou la Nuit de la lecture pour organiser leurs premiers jeux d’évasion.
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Apparus en France durant la décennie 2010, les escape games ont d’abord vu le jour en Asie. En 2005, le Japonais Toshimitsu Takagi créait deux jeux d’évasion baptisés Crimson Room et QP-Shot. Dans un premier temps, la mode se répand sur le continent asiatique avant de gagner le reste du monde.
Le principe du jeu d’évasion est simple : les joueurs sont enfermés dans une pièce et doivent s’en échapper dans un temps limité. Pour y parvenir, ils doivent résoudre une série d’énigmes et trouver des indices dissimulés dans la pièce.
Malheureusement, il arrive que les escape games tournent au drame. En Pologne, deux adolescentes sont mortes à la suite de l’inhalation de monoxyde de carbone dans un incendie qui s’était déclaré sur le site du jeu.