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Plan de signalement des fonds patrimoniaux : où en est-on ?

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    Page d’accueil du Catalogue collectif de France. (CCFr)
  • En 2019, le ministère de la Culture a ouvert un ambitieux plan de signalement des fonds patrimoniaux dans les bibliothèques françaises. Un chantier qui a pour ambition de parachever un catalogage commencé sous la monarchie de Juillet, en 1833, et de donner de la visibilité à des dizaines de milliers de documents dispersés dans environ 400 bibliothèques.

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    C’est un chantier méconnu du grand public qui devrait s’achever à la fin de l’année 2025, au terme de six années de travaux. Lancé en 2019, le Plan national de signalement des fonds patrimoniaux est tout aussi indispensable pour les bibliothèques qu’il est invisible pour les usagers. Son objectif : parachever le catalogage de certaines catégories de documents :

    • les livres imprimés avant 1 830 pour l’ensemble des bibliothèques territoriales,
    • les livres imprimés jusqu’en 1914 pour les bibliothèques territoriales classées ou relevant d’une collectivité de plus de 500 000 habitants,
    • les manuscrits et archives, toutes périodes confondues et sans limitation de date,
    • le signalement de l’ensemble des fonds locaux spécialisés.

    Un tel chantier ne s’improvise pas. Dès 2017, une enquête a été menée auprès de l’ensemble des bibliothèques territoriales françaises. "Nous souhaitions établir un état d’avancement du catalogage au sein des bibliothèques territoriales afin de mesurer l’ampleur de l’effort à fournir", explique Jean-Pierre Riamond, chef du bureau du patrimoine au Service du livre et de la lecture du ministère de la Culture. "Nous nous sommes rendu compte que beaucoup de documents n’étaient pas catalogués. Nous avons évalué à 50 000 le nombre de manuscrits à décrire et à un million le nombre de livres imprimés. Nous avons également estimé qu’entre 300 et 400 bibliothèques étaient concernées par ce plan de signalement. Il s’agit d’un plan très ambitieux et le délai de sept ans, de 2019 à 2025, nous a semblé raisonnable pour le mener à bien."

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    Une obligation pour les bibliothèques

    S’il est en effet ambitieux, ce plan de signalement s’inscrit dans une histoire déjà ancienne. Un important chantier de catalogage avait été engagé au XIXe siècle, avec la création du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Lancée sous la monarchie de Juillet, alors que François Guizot dirigeait le ministère de l’Instruction publique, cette initiative a été actée par une circulaire de 1833 prescrivant aux bibliothécaires de fournir un catalogue de leurs manuscrits. "L’enquête que nous avons lancée en 2017 nous a permis de nous rendre compte que nous n’avions pas achevé cet énorme chantier", souligne Jean-Pierre Riamond.

    Point très important, ce plan de signalement présente un caractère obligatoire pour les bibliothèques. Bonne nouvelle, elles ne sont pas seules et l’État leur apporte un financement via la Dotation générale de décentralisation.

    Un soutien est apporté notamment en direction des 54 bibliothèques municipales classées (BMC) qui jouissent d’un statut particulier dans le droit français en raison de l’importance de leurs fonds patrimoniaux. C’est le cas à Chambéry (Savoie), à Châlons-en-Champagne (Marne) ou à Carpentras (Vaucluse). Des conservateurs d’État sont mis à leur disposition dans le cadre d’une convention triennale pour aider les agents locaux à réaliser les opérations de signalement.

    Les établissements peuvent également compter sur des subventions allouées dans le cadre de l’appel à projets national "Patrimoine écrit des bibliothèques" du ministère de la Culture. Depuis 2007, cet appel à projets permet à l’État de soutenir les projets exemplaires concernant les collections patrimoniales des bibliothèques des collectivités territoriales.

    Catalogueurs itinérants

    Un autre type de soutien a été mis en place par le Service du livre et de la lecture du ministère de la Culture. Des catalogueurs itinérants ont été dépêchés par les structures régionales du livre auprès de petites bibliothèques dépourvues des ressources nécessaires pour assurer les opérations concrètes de traitement des fonds : comment évaluer l’état des fonds ? Faut-il prévoir une opération de dépoussiérage ? Faut-il lancer un reclassement ? Autant de tâches que ces catalogueurs itinérants ont contribué à réaliser dans le délai imparti.

    Mais avant d’envoyer ces catalogueurs aux quatre coins de la France, il a fallu les recruter. Un travail de prospection a été réalisé auprès des filières de formation aux métiers du livre. Une quinzaine de jeunes diplômés ont saisi cette opportunité, laquelle a permis à certains d’entre eux d’accéder à des fonctions de chargés de mission ou d’être recrutés au sein des bibliothèques dans lesquelles ils ont travaillé.

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    Formats EAD et MARC

    Une fois repérés, les documents sont décrits à l’aide d’un format de catalogage spécifique bien connu des bibliothécaires : l’EAD (Encoded archival description). "L’EAD est utilisé pour la description des manuscrits (manuscrits isolés et fonds ou collections), des fonds d’archives privés et recueils conservés par les départements des Manuscrits, des Arts du spectacle, de la Musique, de l’Audiovisuel, des Monnaies et médailles, la bibliothèque de l’Arsenal, la Réserve des livres rares, et les archives administratives de la BnF", rappelle la Bibliothèque nationale de France.

    La BnF a développé un outil de catalogage en EAD baptisé Tapir (traitement automatisé pour la production d’instruments de recherche), mis gratuitement à la disposition des bibliothèques. Une initiative accompagnée d’un plan de formation à destination des bibliothécaires.

    Pour la catégorie des imprimés, le catalogage est réalisé au format MARC (Machine-readable cataloging), un format d’échange de données bibliographiques informatisées des catalogues de bibliothèques. "La limite de 1830, que nous avons retenue pour ces imprimés, correspond à des problématiques de conservation et au classement des documents patrimoniaux en plusieurs catégories : document ancien/rare/précieux", précise Jean-Pierre Riamond. "L’ensemble des notices produites, que ce soit par rétroconversion ou par création, doit être versé au Catalogue collectif de France (CCFr)."

    L’outil Tapir a d’ailleurs été connecté au CCFr pour faciliter les opérations de versement. Les notices sont versées dans le Catalogue collectif de France au fur et à mesure de leur création, ainsi que dans les catalogues locaux des bibliothèques.

    Une divine surprise nommée Shakespeare

    À quelques mois de l’achèvement du chantier de signalement, certaines régions apparaissent en avance sur la tâche qui leur a été confiée, tandis que d’autres accusent un certain retard. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur, pour sa part, a établi un point d’étape en 2024 : un peu plus de 1 000 mètres linéaires avaient alors été réalisés.

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    Ce Plan de signalement des fonds patrimoniaux a également réservé de divines surprises dans certaines bibliothèques. À Saint-Omer (Pas-de-Calais), les bibliothécaires ont ainsi mis la main sur un exemplaire d’une édition rarissime in-folio des œuvres de Shakespeare (en anglais) du XVIIe siècle.


    Point d’étape réalisé par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur

    1 008 mètres linéaires, c’est ce que représente le signalement effectivement réalisé par les bibliothèques de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (chiffres constatés au mois de mars 2024). Ce point d’étape porte sur une trentaine d’établissements et indique qu’à cette date, 188 mètres linéaires étaient alors en cours de signalement. Les signalements à venir, quant à eux, représentent 210 mètres linéaires.

    Mais, selon l’Agence régionale du livre, les opérations de signalement ne sont pas toujours un long fleuve tranquille : "plusieurs facteurs peuvent ralentir la mise en place de chantiers de catalogage" : déménagements et travaux en cours, absence d’interlocuteur ou de personnel dédié au fonds, difficulté d’accès aux collections…


     

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