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Y a-t-il trop de dématérialisation dans les services publics ?

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    27 % des Français éprouvent des difficultés à trouver des informations sur le web (charlin janene /Reshot)
  • Le Défenseur des droits dénonce les ratés du tout numérique et s'inquiète d'une "rupture dans la continuité des services publics". La critique de la dématérialisation de l’administration s’invite aujourd’hui jusqu’au Sénat.

    450 000 demandes de cartes grises en attente de traitement... Pannes informatiques à répétition... Difficultés à joindre les services de l'Etat... Pour le Défenseur des droits, la dématérialisation des services publics commence à montrer ses limites. L'autorité administrative présidée par Jacques Toubon reçoit de plus en plus de réclamations au fur et à mesure que l'Etat accélère la migration de ses services vers le numérique.

    Les doléances des usagers portent, entre autres, sur des dysfonctionnements liés au permis de conduire notamment la difficulté à obtenir une attestation provisoire de conduite dans l’attente de la délivrance du permis de conduire et le défaut d’enregistrement de la cession d’un véhicule par l’administration. "Deux situations qui pénalisent fortement les conducteurs et les exposent à des amendes" constate le Défenseur des droits. En effet, on ne compte plus les jeunes automobilistes qui roulent sans permis parce que leur permis provisoire n’est plus valide et que leur permis définitif n’est toujours pas arrivé.

    Pour l’association 40 millions d’automobilistes, “cette nouvelle procédure a été lancée de manière hâtive. Il aurait fallu la tester dans un département. L’ensemble du territoire n’était pas en mesure d’absorber toutes les erreurs inhérentes à une dématérialisation d’une telle ampleur”.

    Au ministère de l’Intérieur, on ne nie pas le problème mais on fait valoir que “plus de 1,5 million de cartes grises ont été délivrées depuis juillet, sans problème, grâce à la téléprocédure”.

    27 % de personnes en incapacité d'obtenir une information sur le web

    Au-delà de ces incidents à répétition, les usagers dénoncent la difficulté d'obtenir des informations par téléphone et le "renvoi automatisé quasi systématique vers le site internet de l'administration en cause".

    Le défenseur des droits rappelle un chiffre significatif : 27 % des personnes n'ont pas accès à internet ou éprouvent des difficultés à trouver une information sur le web. Un chiffre à rapprocher d'une récente étude du Credoc qui recense 13 millions de personnes incapables d'effectuer une démarche administrative en ligne.

    Des économies bien modestes

    La critique de dématérialisation des services publics s’invite désormais jusqu’au Sénat.. Une note publiée au mois de novembre dernier déplorait que “la numérisation du processus de délivrance des titres sécurisés s’est accompagnée d’une importante réduction des points de contact entre l’administration et les usagers. L’éloignement des points d’entrée est le principal problème supporté par les usagers résidant dans les dizaines de milliers de communes non équipées”. 

    Pire, les gains attendus en matière de temps de traitement ne sont pas au rendez-vous selon le sénateur Jacques Genest (Les Républicains, Ardèche)   : “les délais de traitement des demandes ne sont pas nécessairement plus courts dans le cadre de processus marqués par une plus forte dématérialisation” ! 

    Quant aux économies escomptées grâce à la numérisation des titres d’identité, elles sont à ce jour bien modestes : “par rapport à 2015, les économies effectuées n’apparaissent pas supérieures à 6 millions d’euros (moins de 1 % des dépenses). Face à ces économies, il faut prendre en compte les investissements nécessaires et les compensations versées aux communes sélectionnées pour recueillir les données. Leur montant (près de 40 millions d’euros) excède à ce jour largement des économies".

    "Face à ce qui s’apparente à une rupture dans la continuité des services publics", le Défenseur des droits plaide pour une "voie alternative" (papier, téléphone, agent) à chaque fois qu'une procédure administrative est proposée en mode dématérialisé. Il recommande également de conserver des lieux d'accueil physique sur l'ensemble du territoire. Il existe à ce jour 1 203 maisons de services au public sur le territoire français.

    Reste à savoir comment l’Elysée recevra ces avertissements. En début d’année, Emmanuel Macron s’est fixé un objectif : 100 % des services publics devront être dématérialisés à l’horizon 2022...

    Retrouvez le dossier d'Archimag sur l'e-administration dans notre édition du mois de mai.

     

     

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