5 millions. C’est, selon la ministre du Travail Muriel Pénicaud, le nombre de Français qui sont en télétravail depuis le 17 mars 2020. Les entreprises et la fonction publique n’ont eu que quelques jours pour basculer vers le monde confiné. Pour les organisations qui avaient déjà mis en place le travail à distance ce n’était qu’un changement d’échelle, pour les autres il a fallu improviser.
Du côté du Groupe La Poste, le travail à distance a été pensé dès 2016 aussi bien en termes d’organisation que d’outils : “les logiciels de messagerie électronique ont été harmonisés pour l’ensemble des collaborateurs du groupe depuis mi 2019”. Après des négociations menées avec les syndicats, le groupe postal comptait 5 000 télétravailleurs réguliers dès 2018. Une expérience qui s’est révélée très utile en pleine crise de Covid-19.
Résultat : en quelques jours, 40 000 postiers ont basculé vers le télétravail. Des ordinateurs portables leur ont été livrés à leur domicile ainsi que des micro-casques et des clefs de connexion à internet et aux intranets. “Des extensions de licence logicielle ont été achetées et installées pour que les comptables et gestionnaires RH, par exemple, puissent utiliser leurs applications métiers depuis chez eux de manière sécurisée” explique La Poste.
C’est une logique similaire qui a prévalu au sein du Conseil départemental de l’Essonne où un dispositif de sécurité des communications avait été mis en place il y a quelques années. Là aussi, des postes informatiques ont été livrés à certains télétravailleurs dont la fonction a été jugée indispensable.
RGPD et vrac numérique
Pour autant, le télétravail ne s’improvise pas. Car, même à distance, les réglementations sur la protection des données doivent s’appliquer. “Lorsque des entreprises font en sorte que leurs employés accèdent à leurs fichiers qui peuvent être sur un serveur interne, hébergés par un service de stockage dans le cloud, elles doivent toujours respecter le règlement RGPD et d’autres réglementations sur la protection des données” explique un spécialiste du travail à distance ; “les organisations doivent être capables de savoir quelles données sont sensibles, quelles données sont redondantes, quelles données peuvent être partagées, quelles données doivent être supprimées, car laisser leurs fichiers et leurs dossiers à la portée d’une intrusion est un peu comme laisser la clé du bureau dans la serrure lorsque l’on travaille de chez soi”.
Autre écueil, le “vrac numérique”. Bien connu des archivistes, ce vrac désigne un amoncellement désordonné de fichiers numériques en tous genres, mêlant des formats hétérogènes et des règles de nommage approximatives. Une question se pose : les organisations avaient-elles mis en place une gouvernance de l’information avant le confinement de mars 2020 ? Rien n’est moins sûr A ce jour, aucune donnée n’est disponible sur la façon dont les organisations ont géré leur patrimoine documentaire en période de confinement. Des pertes d’informations ne sont pas à exclure et les retours d’expérience seront analysés de près pour préparer l’avenir.
Et après ?
Car les observateurs s’accordent sur un point : le télétravail est amené à se développer. “Aujourd'hui quasiment 30% de nos effectifs en France sont concernés par cette situation de télétravail, souvent ça a été fait un peu dans l'urgence” reconnaît Frédéric Bouckenhove directeur des ressources humaines du Bureau Véritas ; “nous devons apprendre ce qui a fonctionné et ce qui a moins bien fonctionné pendant cette période de télétravail”. Chez ce spécialiste de la certification, l’avenir passera par un sondage réalisé auprès des télétravailleurs afin d’améliorer le dispositif mis en place.
Selon une étude menée par le centre de réflexion Terra Nova, 58% des personnes interrogées souhaitent à l’avenir travailler plus souvent à distance et 51 % estiment qu'ils devront disposer de nouveaux outils pour mener à bien leur mission.
"Incontestablement, le travail à distance accélère la transition managériale" expliquent les auteurs de cette étude ; "de ce point de vue, le travail à distance facilite l’entrée de notre pays dans cette "économie de la connaissance" fondée sur des rapports professionnels plus équilibrés".