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Avec 250 bibliothèques dispersées sur un territoire à la fois rural et maritime, la Bibliothèque des Côtes-d’Armor (BCA) doit sans cesse innover pour y faire vivre la lecture publique. De Saint-Brieuc jusqu’au village le plus reculé du département, la BCA propose une multitude d’activités à ses bibliothèques partenaires : animations pour enfants, lectures, conférences, expositions, organisation de prix littéraires…
Créée en 1982, la BCA dispose pour cela de plusieurs services, dont le pôle Action culturelle, publics et vie littéraire, qui sillonne les Côtes-d’Armor tout au long de l’année.
"Notre service compte trois personnes", explique Émeline Thépaut, responsable du pôle Action culturelle, publics et vie littéraire. "Nous avons vocation à desservir les 250 bibliothèques du réseau départemental qui peuvent ainsi bénéficier de ressources, de formation et d’accompagnement dans leurs actions culturelles".
Ces actions peuvent prendre différentes formes, comme le prêt aux bibliothèques de jeux éducatifs, de tapis de lecture pour les enfants les plus jeunes, ou bien encore de kamishibaïs, des théâtres de papier ambulants d’origine japonaise où des conteurs récitent des histoires en faisant défiler des séries d’images.
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"Nous proposons des outils d’animation faciles à prendre en main pour les bibliothécaires qui sont composés à 80 % de bénévoles", souligne Émeline Thépaut. Pour l’essentiel, il s’agit de personnes à la retraite, mais aussi de professionnels en activité qui attachent une grande importance à la transmission de la culture.
La Bibliothèque des Côtes-d’Armor leur propose un accompagnement et des formations qui ont lieu dans ses locaux ou dans les bibliothèques du réseau. "Ces bénévoles ont l’avantage d’être au plus près des attentes des usagers", poursuit la jeune femme. "Même si ce ne sont pas des professionnels, ils ont un rapport au terrain très précieux et leurs remontées sont très intéressantes pour nous".
Un catalogue de l’action culturelle
Les journées de travail de cette bibliothécaire arrivée à la BCA il y a deux ans se succèdent à un rythme soutenu et ne se ressemblent pourtant pas. Passée par l’IUT des métiers du Livre de Saint-Cloud, Émeline Thépaut a commencé sa carrière en 2015 au sein de la médiathèque de La Marine, à Colombes (Hauts-de-Seine), comme responsable d’équipe dans la section adultes. Son deuxième poste la mène à quelques kilomètres de là, à Neuilly-sur-Seine, où elle est alors rattachée au pôle culturel.
Dans les Côtes-d’Armor, elle dispose d’un catalogue de l’action culturelle qui est distribué auprès des bibliothèques du réseau. Particulièrement bien fourni, ce document recense l’ensemble des prestations disponibles.
On y trouve une dizaine de mallettes dédiées au gaspillage alimentaire, aux métiers du cinéma d’animation, à la poésie… La "Boîte à poèmes", par exemple, s’adresse aux enfants à partir de huit ans et leur propose de s’amuser avec les lettres de l’alphabet et de s’initier de manière ludique aux jeux d’écriture : mots-valises, charades, devinettes.
Une autre mallette contenant des jeux d’optique (thaumatrope, zootrope, toupie…) est également mise à disposition des établissements qui en font la demande. Le prêt de ce matériel ne s’improvise pas. Lors de leur retour, les outils d’animation sont vérifiés et nettoyés lorsque c’est nécessaire. S’ils sont réservés, ils sont remis en circulation selon un calendrier établi par le pôle de l’Action culturelle.
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Même organisation pour une activité plus surprenante : le prêt de mobilier destiné à valoriser les collections des bibliothèques. La BCA prend en charge, dépose et assure le suivi du montage de certains meubles. C’est notamment le cas du mobilier conçu par la designeuse Laure Guilloux. Cette dernière est présente pour accompagner les bibliothécaires lors de l’installation de ses créations.
Le prix Louis Guilloux, un temps fort de l’action culturelle
Temps fort de l’activité d’Émeline Thépaut, l’organisation du prix littéraire Louis Guilloux (1899 - 1980), écrivain natif de Saint-Brieuc et auteur de "Sang noir". Ce prix récompense une œuvre littéraire francophone choisie par les lecteurs des Côtes-d’Armor parmi une sélection de dix ouvrages de la rentrée littéraire d’hiver. Il vise également à attirer les publics éloignés de la lecture.
"L’organisation de ce prix demande du temps, de l’énergie et de la rigueur", explique la bibliothécaire. "Il faut constituer un jury de lecteurs, organiser des débats, envoyer un jeu de tous les romans sélectionnés à toutes les bibliothèques participantes… Nous faisons en sorte que ce prix ne soit pas réservé aux équipements les plus grands, mais qu’il concerne aussi les lieux de lecture les plus modestes. Certaines bibliothèques nous font même des suggestions. L’une d’entre elles consistait à écrire une citation extraite d’un des romans sélectionnés sur les vitrines des commerces d’un village du département. Avec l’accord des commerçants, bien entendu !"
Pour la Bibliothèque des Côtes-d’Armor, l’organisation du prix Louis Guilloux prend quasiment une année, au rythme des rendez-vous qui se succèdent. L’édition 2024 a commencé dès le mois de janvier dernier, avec une première rencontre professionnelle proposée par la BCA aux bibliothèques désireuses de s’inscrire dans le dispositif.
Le premier semestre donne lieu à une présentation des titres sélectionnés ainsi qu’à des ateliers de critique littéraire et de lecture à voix haute. Viennent ensuite la délibération et la désignation du roman couronné. Le prix sera enfin remis au lauréat lors d’une cérémonie organisée par le département. Après cette remise de prix, l’auteur sera invité à séjourner pour rencontrer le public costarmoricain.
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Ouvrir les bibliothèques au plus grand nombre
La Bibliothèque des Côtes-d’Armor agit aussi là où on ne l’attend pas. L’opération "Art en Boîtes" est une exposition immersive et interactive au contact de peintres et de sculpteurs célèbres. Proposée aux bibliothèques du réseau, "Art en Boîtes" se présente sous la forme d’une reconstitution grandeur nature de la célèbre chambre de Van Gogh, à Arles, peinte en 1888.
D’une surface d’environ 10 m², le dispositif a pour objectif de mettre tous les sens en éveil et propose divers objets à regarder, toucher, manipuler, sentir, écouter… Van Gogh n’est pas le seul à faire l’objet d’un traitement de faveur. Les bibliothèques peuvent également louer et exposer un mannequin grandeur nature d’Henri de Toulouse-Lautrec, avec sa mallette de peintre, ou bien des sculptures reconstituées de Jean Dubuffet et de Gaston Chaissac.
"Nous sommes deux pour installer ce genre d’exposition, car il faut savoir où l’installer et penser à la circulation autour de la reconstitution », explique Émeline Thépaut. Nous devons nous adapter aux lieux et à leur superficie parfois extrêmement réduite".
De Colombes aux Côtes-d’Armor, en passant par Neuilly-sur-Seine, Émeline Thépaut a pu explorer l’action culturelle en milieu urbain et en milieu rural. Une double expérience qui a renforcé ses convictions : "l’action culturelle a le souci d’ouvrir davantage les bibliothèques au plus grand nombre", insiste-t-elle. "Elle a vocation à renforcer ces lieux de lecture publique et à les considérer comme des lieux où s’exprime la conscience citoyenne. Nous devons nous donner les moyens d’engager ces actions en direction du public éloigné de la lecture. Mais cela demande encore du travail…"