Article réservé aux abonnés Archimag.com

Les RSE : besoins collectifs pour usages (très) personnels

  • bureau_sombrenuit.jpg

    Au sein des organisations, 90 % des personnes connectées sont dans la simple consultation, tandis que 9 % commentent les publications partagées par 1 % seulement des utilisateurs. (Pixabay/Tookapic)
  • Les plateformes collaboratives ont la cote au sein des organisations au point d'être au coeur même de leur révolution numérique. Transformant les usages, les RSE facilitent les échanges et la recherche d'information des collaborateurs. Mais s'en emparent-ils tous de la même façon ? 

    Le temps de l'évangélisation sur l'intérêt des réseaux sociaux d'entreprise (RSE) semble aujourd'hui terminé, les entreprises les considérant désormais comme l'un des socles de leur transformation numérique. C'est ce que démontre une étude publiée en 2015 par la société de conseil en organisation Lecko, selon laquelle la mise en réseau des acteurs d'une organisation est vue comme une manière efficace de partager les expériences et les savoirs, l'organisation en réseau venant se superposer à l'organisation hiérarchique traditionnelle. 

    Et les chiffres concernant l'adoption des RSE par les entreprises le confirment, puisque 80 % des sociétés du CAC40 disposeraient d'au moins une plateforme collaborative de ce type. Près de 30 % des managers et des salariés pensent d'ailleurs que leur entreprise dispose d'un RSE et deux personnes sur trois affirment l'utiliser, selon une étude publiée par Cegos en 2014.

    Si près d'une entreprise sur cinq envisagerait d'en déployer un, les RSE restent tout de même derrière l'intranet classique dans le classement des projets numériques les plus récemment déployés, dans 26 % des cas contre 45 % pour les intranets (Enquête menée en 2015 par L'Observatoire de l'intranet et de la stratégie numérique).

    De nouvelles tendances semblent toutefois émerger : selon Chloé Beerten, responsable marketing chez Bluekiwi, la question de remplacer un intranet vieillissant par une plateforme collaborative se pose régulièrement aujourd'hui : "L'approche "intranet social" qui incite l'employé à réagir est de plus en plus appréciée, explique-t-elle ; en revanche les fonctions de modération sont de moins en moins demandées, certainement parce que les sociétés font davantage "confiance" à leurs employés​".

    Les demandes des entreprises évoluent

    Du côté des usages attendus des RSE, les demandes des entreprises sont généralement de deux types : les éditeurs de plateformes ont en effet constaté que les RSE entraient dans un projet global de transformation digitale de l'organisation (la plateforme sera alors utilisée comme vecteur ou accélérateur de ce projet), ou alors qu'ils sont utilisés dans le cadre de projets spécifiques impliquant la mobilisation et le travail en commun de plusieurs personnes ou équipes, parfois dispersées. Cette deuxième observation est à relativiser tout de même : car s'il s'agit peut être au départ d'un usage attendu par l'organisation, l'enquête de l'Observatoire de l'intranet et de la stratégie numérique (OISN) révèle que les informations échangées via un RSE sur des projets n'arrivent en réalité qu'en cinquième position des contenus publiés sur les plateformes. Derrière l'actualité de l'entreprise, les informations RH, les procédures administratives et les informations institutionnelles.  

    Les éditeurs de solutions ont constaté des évolutions dans les demandes des entreprises. "Les demandes fonctionnelles de profils déclaratifs, de conversations, de flux d'activités et d'invitations systématiques à interagir, commenter et "liker" persistent, explique Vincent Bouthors, président de Jalios ; le besoin de pouvoir consulter, mais aussi agir en mobilité, depuis une tablette ou un smartphone, est également une tendance forte".

    Chez Jamespot, le gros sujet du moment est ailleurs : "Sous l'angle fonctionnel, ce sont les "drives", explique Alain Garnier, président de Jamespot ; que ce soit Google ou Microsoft avec Office, c'est le passage de la bureautique vers le cloud qui amène une nouvelle façon de travailler. Nous nous attachons donc, par exemple, à mixer dans un même groupe projet des documents venant du monde bureautique classique et des "drives".

    L'infobésité générée par les messageries électroniques semble également poser problème aux organisations, ce que confirme Chloé Beerten de Bluekiwi : "La question du RSE comme alternative à l’email se pose, explique-t-elle ; et les clients recherchent des solutions offrant des fonctionnalités permettant aux utilisateurs d’avoir une vue sur les informations réellement pertinentes, telles que des filtres intelligents ou des propositions automatiques de contenus".

    Très peu d'utilisateurs actifs

    Sur le terrain, tous les services d'une organisation ne contribuent pas de la même façon à la vie des RSE. En effet, les métiers publiant le plus de contenus sont, dans l'ordre, ceux de la communication, des ressources humaines et de l'informatique. Fait étonnant, les professionnels de la documentation n'arrivent qu'en 

    sixième position avec un recul de leur contribution entre 2014 et 2015 : selon l'OISN, 27 % des salariés et dirigeants ont répondu l'an passé que leur service documentation publiait sur leur RSE, contre seulement 22 % cette année.

    Il est important de signaler que même au sein d'une organisation ayant mis en place un RSE, tous ses collaborateurs ne sont pas forcément utilisateurs de la plateforme. En 2015, seuls 5 % des salariés déclarent contribuer à une pratique intensive du web 2.0 au sein de leur entreprise. 7 % affirment utiliser des outils collaboratifs régulièrement, tandis que 43 % déclarent ne le faire que ponctuellement. Ils ne sont d'ailleurs pas toujours tous destinataires de la solution, puisque la grande majorité des projets déployés commence généralement par un lancement limité à quelques dizaines de personnes dans un contexte métier précis. Au sein des très grandes entreprises, il est d'ailleurs fréquent qu'un RSE collabore avec d'autres solutions, chacune répondant à un métier particulier. Pour les ETI et les PME, l'ensemble des collaborateurs est généralement destinataire de la plateforme.

    Mais sur le terrain, ce qui compte est moins le nombre que l’intensité des échanges et donc du flux métier utile pour chaque membre du réseau. Car il est de toute façon rare de s'éloigner du ratio moyen d'utilisation d'un RSE au sein des organisations : 90 % des personnes connectées sont dans la simple consultation, tandis que 9 % commentent les publications partagées par 1 % seulement des utilisateurs. Ce que confirme Fabrice Poiraud-Lambert, responsable des systèmes d'information collaboratifs du groupe Suez Environnement. Si le RSE de Bluekiwi a été déployé dans l'organisation en 2009 et est aujourd'hui disponible pour l'ensemble de ses 81 000 collaborateurs, seuls 6 % d'entre eux l'ont déjà utilisé. Et ils sont seulement 2 000 à s'être connectés sur le premier semestre 2015 au sein des 150 communautés ouvertes. "Certains vont l'utiliser pour échanger et partager très spontanément, mais ils ne représentent environ que 2 % de notre groupe, explique-t-il ; ce faible pourcentage n'est ni étonnant ni problématique car si certains collaborateurs n'iront par principe jamais rien publier sur le RSE en raison de l'aspect public qui dérangerait leur "culture du secret", ce sont les plus actifs sur le réseau qui amèneront ensuite l'information à ceux qui en restent éloignés". Chez Suez Environnement, le spectre d'utilisation du RSE est très large, depuis la veille stratégique au partage de bonnes pratiques, en passant par la collaboration sur des projets. Les fonctionnalités les plus utilisées de la plateforme sont les sondages et la boîte à idées électronique, ainsi que la recherche de contacts et d'experts depuis un forum associé à des profils. 

    Adopter le réflexe du RSE

    Chez BCA Expertise, société réalisant des expertises en automobile pour les compagnies d'assurance, le RSE de Jamespot a été déployé cet été afin de rompre l'isolement des experts (mobiles et disséminés à travers le territoire) en leur permettant d'échanger et de partager leur savoir, mais aussi pour les rattacher davantage au siège de l'entreprise et créer du lien entre les différentes agences. "La phase pilote a été très concluante puisque 40 % des 230 utilisateurs se connectaient chaque semaine, explique Estelle Loiselay, chargée de recrutement et du développement RH ; aujourd'hui, nous sommes plutôt à 25 % de connections". La raison de cette baisse ? Le fait que l'outil soit plus riche sur ordinateur que sur terminal mobile. "Et les experts ont d'ailleurs appris à l'utiliser sur PC, poursuit Estelle Loiselay ; même si l'application est très simple, il faut qu'ils changent leurs habitudes et que son utilisation devienne réflexe". BCA Expertise est aujourd'hui en phase d'observation de l'appropriation et de l'usage de son RSE. "Le cas échéant, la question de remplacer notre intranet par le RSE se posera probablement, termine la responsable RH ; mais il faudra pour cela que l'outil soit adopté par la plupart de nos collaborateurs, ce qui risque de prendre du temps".

    Cet article vous intéresse? Retrouvez-le en intégralité dans le magazine Archimag !
    Si, dans les entreprises, les données s'accumulent, des stratégies big data ne s'y sont pas pour autant généralisées. Les interrogations que le big data suscite sont nouvelles, comme les modèles de développement économiques, les outils ou les compétences.
    Acheter ce numéro  ou  Abonnez-vous
    À lire sur Archimag
    Les podcasts d'Archimag
    Gilles Pécout a été nommé à la présidence de la Bibliothèque nationale de France au printemps dernier. Au micro de Bruno Texier, pour les podcasts d'Archimag, le nouveau président présente les grandes lignes de son programme à la tête de l'institution, notamment l'apport de l'IA dans le développement de nouveaux services.