Odile Gaultier-Voituriez est aujourd'hui la responsable de la documentation, des archives et de l'édition scientifique du Cevipof. Une consécration pour celle qui s'est toujours passionnée d'archives.
Son bureau ressemble à l'image que l'on se fait des archivistes et des documentalistes. De hauts murs tapissés de livres et de boîtes d'archives sur lesquels apparaissent les noms des chercheurs les plus en vue dans le domaine de la science politique. Au coeur du très chic 7e arrondissement de Paris, Odile Gaultier-Voituriez règne sur le sanctuaire documentaire du Centre de recherches politiques (Cevipof) de Sciences Po.
Une situation qui ne doit rien au hasard : « Dès l'âge de dix ans, je savais que je voulais travailler dans le monde des archives. Et à treize ans, je me rendais dans les mairies des villages pour effectuer des recherches généalogiques... »
La vocation documentaire est donc solidement ancrée chez cette jeune fille parisienne bien née. Une famille bourgeoise, intellectuelle, férue de politique et versée dans les arts. Le parcours scolaire est celui des bons élèves : grec, latin, le baccalauréat avec deux ans d'avance et une classe préparatoire au prestigieux lycée Henri IV.
« Je suis parfaitement consciente d'être une privilégiée et de bénéficier d'un capital culturel tel que l'avait décrit Pierre Bourdieu. Mais cela crée des obligations : il faut transmettre et donner aux autres ce que l'on a reçu ».
"Un bonheur intellectuel extraordinaire"
De ses années d'études, Odile Gaultier-Voituriez garde le souvenir d'un « bonheur intellectuel extraordinaire ». Les années passées à Henri IV sont également celles où elle rencontre ses meilleurs amis. Peu après, une série de rencontres vont orienter sa vie professionnelle.
D'abord avec l'historien et professeur à Sciences Po Pierre Milza qui la recrute en cinq minutes alors qu'elle n'a que vingt-et-un ans. Puis avec l'historien et président de Sciences Po René Rémond, figure majeure des sciences politiques, qui avait un goût personnel pour les archives.
À mi-temps à Sciences Po, elle rencontre le journaliste Jean Sangnier. Fils de Marc Sangnier, l'un des promoteurs du catholicisme social et de la démocratie chrétienne, il lui confie le soin de traiter un fonds d'archives composé de correspondances, de périodiques, d'affiches, de photographies... « Tout était à faire, mais ce fut une tâche particulièrement passionnante dans un vrai lieu de mémoire », se souvient-elle aujourd'hui.
Aujourd'hui, la carte de visite d'Odile Gaultier-Voituriez indique un titre de « responsable de la documentation, des archives et de l'édition scientifique » du Cevipof. Une activité plurielle qui prend toutes les formes de l'information-documentation : élaboration de la politique documentaire, gestion des acquisitions, valorisation des archives, formation à la recherche documentaire.
« C'est un bon poste d'observation pour voir ce qu'il faut faire et ne pas faire. Si l'on veut capter l'attention des étudiants et des chercheurs, il faut s'adapter à leurs besoins et leur proposer des sources qui les intéressent directement. C'est notamment le cas pour les formations en recherche documentaire : je leur propose du sur mesure. C'est de la dentelle ! Mais cela ne peut fonctionner qu'en petit comité ».
Une thèse, cinq tomes
Son emploi du temps est également rythmé par des missions d'enseignement. Depuis 1996, elle propose aux étudiants de Science Po un cours consacré aux sources de l'histoire du 20e siècle et anime un atelier de recherche documentaire dans le cadre d'un master stratégies territoriales et urbaines de l'École urbaine. L'occasion de découvrir « des étudiants parfois brillantissimes ».
Rigoureuse, elle n'hésite pas à tancer ceux qui lui remettent des copies bâclées en lieu et place des fameuses notes de Sciences Po.
Quand il lui reste du temps, Odile Gaultier-Voituriez publie de nombreux articles consacrés, entre autres, aux archives électorales. Sa longue bibliographie mentionne notamment une thèse intitulée Le « Pensum » : édition critique de la correspondance d’Étienne de Nalèche, directeur du Journal des Débats, à Pierre Lebaudy, industriel sucrier. Un travail colossal qui se présente sous la forme de cinq tomes et 2 626 pages !
À contre-courant de ce que l'on entend souvent, elle estime que « Google ne nous remplacera pas. Les professionnels de la documentation doivent jouer leur rôle d'intermédiaire ».