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Sommaire du dossier :
- Veille : évaluez, redéployez
- Pierre-Yves Debliquy : "Attention au manque de synchronisation entre veilleurs et clients finaux"
- Évaluer sa veille : quelles fonctionnalités dans les logiciels ?
- Comment l'équipe de veilleurs du Cetim s’adapte au contexte Covid
- Comment évaluer une veille en collaboration avec les scientifiques ?
C’est l’une des tâches les plus ardues qui se posent aux veilleurs : comment évaluer l’efficacité d’un dispositif de veille ?
La question revient régulièrement dans les conférences et les ouvrages consacrés aux pratiques de veille. Elle est d’autant plus difficile à résoudre qu’elle met en jeu de nombreux paramètres : les besoins informationnels ont-ils été correctement exprimés ? Les sources documentaires sont-elles pertinentes ? L’analyse de la collecte d’informations est-elle judicieuse ?
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De la difficulté de l'évalualion de la veille
Sans oublier un point essentiel : le succès ou l’échec d’un système de veille sont difficilement imputables aux seuls veilleurs. Une veille de qualité peut être « sabotée » par une prise de décision calamiteuse…
Pour y voir plus clair, les équipes dédiées à la veille sont habituées à lancer des enquêtes de satisfaction auprès de leurs clients. Ce type d’évaluation est parfaitement envisageable dans les organisations les plus grandes. Pour obtenir le plus grand nombre possible de réponses, il est cependant conseillé de ne pas abuser du temps disponible des répondants. Le nombre de questions posées doit rester raisonnable et apporter des réponses concrètes : lisez-vous le livrable de veille ? Combien de temps y consacrez-vous ? Lisez-vous l’intégralité ou de façon ciblée ? Que faudrait-il améliorer dans ce livrable de veille ? Etc.
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La quantité n’est pas égale à la qualité
Ces enquêtes de satisfaction permettent d’obtenir un retour qualitatif, surtout quand il est accompagné de commentaires judicieux. Mais elles ne donnent pas toujours le résultat escompté.
« Dans l’entreprise D, le professionnel souligne la difficulté d’obtenir du feedback. Il relève également qu’il n’est pas aisé de mesurer l’aspect qualitatif de l’activité de veille », constatent les deux auteurs d’un mémoire de recherche de master en information documentaire ; « le praticien de l’entreprise F pense également que des mesures de type qualitatif seraient utiles car, en matière de veille tout particulièrement, la quantité n’est pas égale à la qualité ».
Les veilleurs qui travaillent au sein d’organisations plus modestes peuvent opter pour le contact informel. L’information collectée « autour de la machine à café » présente l’avantage de la spontanéité. De la discussion libre naissent assez souvent des idées originales qui peuvent trouver leur place dans une réflexion liée à la gestion de l’information.
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Pierre-Yves Debliquy déplore le défaut de synchronisation entre les veilleurs et les utilisateurs finaux. À ses yeux, ce sont « les utilisateurs finaux qui doivent être les premiers à s’exprimer et à dire si la veille remplit sa fonction ou pas, car ce sont eux qui vont utiliser l’information collectée par les veilleurs ».
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Amélioration du corpus de sources
Qu’il travaille dans un grand groupe ou dans une PME, le veilleur doit en permanence procéder à l’évaluation de ses sources d’information. D’abord au moment de la constitution de son corpus de sources. Il peut être accompagné en cela par les éditeurs de veille qui proposent, pour une partie d’entre eux, un accompagnement au sourcing. Ensuite, tout au long de ses activités car, par nature, la veille est un processus itératif.
La révision d’un corpus de sources obéit à quelques règles :
La première est la plus évidente : quelle est la qualité intrinsèque de la source ? Un site qui propose des informations fiables, originales et documentées doit être considéré comme une pépite. Il y a en effet de fortes chances pour que ce site suive lui-même de très bonnes sources d’informations, ne serait-ce que pour alimenter sa propre production éditoriale.
Il convient alors de repérer toutes les ressources disponibles sur ce site (ou blog ou comptes Twitter et Facebook) : celles-ci peuvent être visibles dès la page d’accueil avec une liste de blogs (blogroll). Malheureusement, ces listes sont très liées à l’esprit du blog et absentes des sites plus traditionnels. Mais attention, ces listes semblent tombées en désuétude depuis que les blogueurs ont quitté leurs blogs pour investir les réseaux sociaux. L’exercice mérite cependant d’être tenté, notamment dans la blogosphère spécialisée.
Une autre technique consiste à examiner les liens entrants (sites extérieurs pointant vers la source). De nombreux outils de « backlink » sont à la disposition des veilleurs : Majestic, Ahrefs, Semrush, Rank Signals… Pour l’essentiel, ces outils sont payants, mais certains proposent tout de même une version allégée à moindres frais.
Plus simple et totalement gratuit : il suffit d’entrer le nom de la source dans un moteur de recherche ou sur un réseau social pour remonter un premier niveau de validation. Tout en faisant preuve de prudence face aux avis les plus tranchés.
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(Re)lire Clausewitz
Dans son célèbre traité « De la guerre », le stratège prussien Carl Von Clausewitz (1780-1831) vantait « le coup d’œil » (en français dans le texte) permettant d’identifier les tenants et les aboutissants d’un champ de bataille. Ce même coup d’œil peut être appliqué par les veilleurs lors de la validation d’une source en étudiant ses comptes Twitter : qui sont ses abonnés ? quels comptes suit-il ? Ce simple examen apporte déjà un éclairage sur la qualité de la source.
La fréquence de la veille doit également faire l’objet d’une réflexion. En flux tendu ? Un bulletin quotidien ? Un livrable hebdomadaire ? À cette question, il n’existe pas de réponse définitive. Tout dépend de l’activité de l’organisation. Dans la filière numérique par exemple, le cycle de renouvellement est tellement court qu’il est conseillé de garder un œil sur ce qui se passe. Dans ce cas, les flux RSS sont particulièrement bien indiqués. Pour les organisations qui évoluent dans des milieux moins soumis à la nouveauté, le bulletin hebdomadaire est plus adapté.
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Quand l'information "perd de sa chair"
La fonction des clients finaux du livrable de veille doit également être prise en considération. Dans un entretien qu’il avait accordé à Archimag il y a quelques mois, Pascal Junghans dressait un constat sans appel :
« J’ai remarqué que certains dirigeants se plaignent de recevoir de leur organisation une information qui ne les intéresse pas. À leurs yeux, cette information est vue dans le rétroviseur. Ils se plaignent aussi de recevoir une information trop synthétisée par les différents filtres qui existent entre les échelons de l’entreprise. Quelque part, cette information perd de sa chair. Ces informations ne sont pas en mesure de déclencher des actions. Ce dont ils ont besoin, c’est d’informations prospectives car ils dirigent leur entreprise pour demain et pas pour hier ».
Le constat est sévère, mais il doit interpeller la communauté des veilleurs. La veille est un travail d’orfèvre et s’apparente à un chantier permanent.