des documents traités par millions

 

Les prestataires en dématérialisation profitent d'une demande en croissance régulière. Visite de quelques centres situés aux six coins de l'Hexagone.

Les professionnels de la dématérialisation peuvent se frotter les mains. Le marché n’a jamaisété aussi florissant et l’avenir se présente sous les meilleurs auspices. Plusieurs facteurs concourent à cet optimisme : des gains de productivité générés par une meilleure circulation de l’informationi numérisée, des dispositions légales de plus en plus contraignantes en matière d’archivagei électronique, la disparition de certains postes de travail liés au traitement de documents physiques. Sans oublier la mode du développement durable et son objectif « zéro papier ». Les usinesde dématérialisation sont les premières à profiter de l’engouement.
 
retour sur investissement assuré

Ce constat est partagé par Pierre Guenot, directeur commercial de Ladservices : « Les activités de dématérialisation sont appelées à se développer, beaucoup plus qu’elles ne l’ont fait jusqu’ici. Aujourd’hui, il n’y a plus de débat à propos du retour sur investissement de la numérisation ». Ladservices, filiale dédiée à l’activité de lecture automatique de documents (Lad) du groupe La Poste, possède à Longjumeau (Essonne) un site dédié à la dématérialisation d’une multitude de documents d’entreprise : factures, dossiers d’assurance, pièces comptables, questionnaires. Parmi ses clients,  des enseignes aussi variés que Champion, Marionnaud, Cetelem et BNP. « Notre atelier de production traite dix millions de documents par an, précise M. Guenot; une vingtaine de personnes se partagent les tâches de préparation des documents, de numérisation et de vidéocodage lorsqu’il faut rectifier humainement des données non lisibles ». L’ensemble de la procédure n’excède pas quatre heures, car certaines factures doivent être créditées très rapidement. Ladservices dispose, à Nantes, d’une unité de recherche et développement pour l’amélioration des prestations de numérisation. La société présente en effet la particularité de proposer des services sur ses sites, mais peut également déployer un système de numérisation chez le client à la demande – on parle alors de « demande système». Selon Pierre Guenot, ces deux types de prestation sont équivalentes en termes d’activité.
 
  enjeux de fidélité

Xerox, de son côté, possède quatre centres de dématérialisation en France : Pont-Evêque (Isère), dont 90 % de l’activité est consacrée au courrier entrant de Bouygues Télécom, Villeneuve d’Asq (Nord) qui dématérialise des factures, des contrats d’assurance pour Castorama, Direct Assurance et la banque Accord entre autres, Lannion (Côtes-d’Armor) et Villepinte (Seine St Denis), qui traite les flux entrants de la Cetelem. Les effectifs de ces quatre sites s’élèvent à 350 personnes et peuvent être renforcés en cas de pic de production : « Nous adaptons notre puissance de feu en fonction de la volumétrie », souligne Patrick Bensemhoun, directeur de programmes Marketing Xerox Global Services. Il constate, lui aussi, que « le marché de la dématérialisation est en fort développement. Les entreprises ont pris conscience que le raccourcissement des délais de traitement de l’information était important non seulement en terme de réduction des coûts mais également pour la relation avec leurs clients : des enjeux de fidélité pour les enseignes soucieuses de conserver leur clientèle ».
Résultat : environ 50 millions de documents, chacun avec entre 1 et 10 pages, traités par l’ensemble des sites.
 
injection de données

Mais les centres de dématérialisation ne limitent plus leur prestation à des tâches de numérisation stricto sensu. Ils ont dû adapter leur offre, comme le confirme M. Bensemhoun : « Les données numérisées sont de plus en plus souvent injectées dans un workflowi, afin d’accroître le retour sur investissement ». Chez Coface Services, Emmanuel Texier, le directeur de production, nous donne des explications similaires. Le positionnement de son entreprise repose sur la numérisation puis l’injection de données dans un système d’information : « Ainsi nous créons une chaîne d’informations neuves à partir d’informations anciennes. Ces services à forte valeur ajoutée valorisent les informations contenant une image ». Coface Services possède à Libourne (Gironde) une « librairie électronique » de 3000 m² avec huit scanners industriels capables de numériser 250 000 pages par jour avec une équipe de quarante personnes. Les montées en charge saisonnières sont compensées par le recours à l’intérim. Selon Pierre-Marie Memin, directeur des centres de saisie de Coface Services, le site de Libourne numérise 35 millions de pages par an, composées à 70% des comptes annuels et des informations juridiques relatives à la vie des sociétés déposés au registre national du commerce. Les 30 %restant sont des dossiers client pour le secteur de la banque et de l’assurance.
Les prestataires s’accordent tous sur un point : la dématérialisation ne se limite plus à la simple numérisation. Christophe Rouesné, ingénieur d’affaires chez Infotechnique, précise que « la prise d’image n’est pas, loin s’en faut, l’étape la plus difficile dans un vaste projet de dématérialisation. Au-delà de la numérisation, notre centre Eurodema à La Walck (Bas-Rhin) comprend une organisation logistique et des applications de traitement de contenu capables de traiter des photographies, des plans, des registres, des manuscrits et des feuilles volantes ».
 
 acteur global

À y regarder de plus près, les demandes des entreprises dans le domaine de la dématérialisation varient selon leur système d’information. « Attention, il est important de réfléchir globalement. En effet, si la plupart des PME continuent de produire des documents en version papier, d’autres, de plus en plus nombreuses, les créent directement sous format électronique », affirme Cyrille Sautereau, PDG de Deskom. « C’est pourquoi, en tant qu’acteur global, nous proposons des services de traitement électronique des factures soit à partir de flux nativement électroniques, soit sur des flux papier », conclut-il. Deskom dispose pour cela d’une plate-forme de dématérialisation à Sophia-Antipolis (Alpes-Maritimes) permettant à ses clients de traiter l’intégralité de leurs factures sous forme électronique, quel que soit leur support d’origine, papier ou non. Une équipe d’une vingtaine de personnes sur Paris est en charge de l’implémentation des projets puis de leur exploitation. En 2006, 5 millions de documents ont été traités. Cyrille Sautereau vise un objectif compris entre 6 et 7 millions pour 2007. Il estime que le segment numérisation de documents papier continuera de croître durablement, mais qu’une grande partie de ces flux sera convertie rapidement en documents nativement électroniques.
 
en temps rée

Certains prestataires proposent aussi bien la numérisation de fonds patrimoniaux culturels que de documents d’entreprise. C’est le cas de Jouve. Sur son site de Mayenne (dans le département homonyme) ce prestataire a traité, entre autres, les fonds qui composent la documentationi scientifique du Musée du quai Branly [Archimag n° 196]. Les volumes les plus importants concernent les demandes liées au monde de l’entreprise. Le site Jouve de Lens (Pas-de-Calais) numérise chaque année entre 60 et 80 millions de pages déclinées en factures fournisseurs – pour Auchan –, archivesi industrielles– pour L’Oréal et Total –, fonds scientifiques – revues et livres – et documents issus de la propriété industrielle –comme les dépôts de l’Office européen des brevets etde l’Institut national de la propriété intellectuelle. Le logiciel développé en interne Qronos suit le parcours d’un document, depuis son arrivée jusqu’à son retourchez le client. Ce dernier peut de son côté tracer en temps réel ce parcours grâce à un extranet sécurisé et savoir à tout moment où se trouvent ses documents. Comme nous pouvons conclure, les prestataires en dématérialisation ne manquent pas. Face à une demande en croissance régulière, assistera-t-on à l’arrivée de nouveaux acteurs, ou au contraire, à leur rapprochement ? Selon Laurent Blandin, responsable de la dématérialisation du groupe Jouve, « les acteurs de demain sont déjà là et leur nombre va se réduire. À chacun de trouver le bon modèle économique. Pour notre part, nous conservons nos activités de préparation et de numérisation en France et en Europe, et nous délocalisons la phase de vidéocodage au Sénégal et en Chine ».
 

Les podcasts d'Archimag
Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.