L’inspection générale des bibliothèques a diffusé en avril dernier son rapport annuel sur l’activité des bibliothèques. Un état des lieux qui révèle quelques fausses notes sur un fond de lente désaffection.
Présenté par Daniel Renoult, doyen de l’inspection générale des bibliothèques, le rapport d’activité 2009 des bibliothèques publiques et universitaires a été finalisé en avril dernier. Un rapport réalisé par l’inspection générale des bibliothèques (IGB), qui dépend de la ministre chargée de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Autonomie des universités oblige, le contexte 2009-2010 est celui de l’évolution des responsabilités des établissements au regard de leur politique documentaire. Dans cet esprit, les lettres de mission du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (courrier du 3 novembre 2009) et du ministère de la Culture et de la Communication (lettre du 25 mars 2009) recommandaient de traiter trois questions : la performance et l’efficacité, la préservation du patrimoine et la formation des agents.
Formation et personnel des bibliothèques
Les compétences des agents sont aussi au coeur des progrès réalisés. Plus de 10000 agents ont été formés en 2008. Un chiffre qui masque des inégalités : les catégories B sont des bénéficiaires régulières mais les catégories A et C sont moins nombreuses à être concernées par la formation continue. En parallèle, la baisse du nombre de postes, compte tenu des restrictions budgétaires, est aussi notée dans le rapport. Le rapport a également apporté une attention particulière aux profils des directeurs de bibliothèque ; 70 % sont issus des filières littéraires du baccalauréat et 46 % sont passés par des classes préparatoires comme Khâgnes, l’École des chartes, etc. À plus de 80 %, ils ont suivi des études supérieures et, aujourd’hui, les jeunes sont quasi systématiquement dotés d’un mastère. La mobilité des directeurs est modérée mais avec en contrepartie un fort investissement dans des contributions scientifiques à l’occasion d’expositions et des engagements associatifs. Le concours de bibliothécaires, qui est organisé tous les deux ans, ouvre 32 postes. 7 500 candidats s’inscrivent, moins de la moitié passe effectivement les épreuves et un jury de 147 personnes est nécessaire.
performance et économie
Dans le périmètre des services commun de documentation (SCD), l’étude porte sur une comparaison internationale entre les bibliothèques universitaires. La masse salariale varie entre 40 % et 66 % du budget global de la bibliothèque. La bibliothèque française n’est pas atypique sur ce sujet. On peut néanmoins remarquer que 66 % est un chiffre élevé au regard de la nécessité des acquisitions à effectuer. La part des dépenses consacrées par chaque université à sa BU a été jugée comme non significative. Variant entre 1,5 % à 6,5 %, ces pourcentages n’apportent pas d’indication pertinente. En revanche, le budget d’acquisition rapporté à l’unité de l’étudiant est en défaveur des bibliothèques françaises : 100 euros par an et par étudiant à l’étranger et 50 en France et sur les « 10 bibliothèques qui consacrent plus d’un million d’euros à l’acquisition de ressources électroniques, une seule est française : le SCD de Strasbourg ».
entrée honorable pour les bibliothèques universitaires
Si les bibliothèques universitaires ont un nombre d’entrées très honorables – sur les 12 bibliothèques totalisant plus d’un million d’entrées, 4 sont françaises –, la faible amplitude d’ouverture n’optimise par les capacités d’accueil qui sont importantes. On observe un écart entre 50,5 heures pour la bibliothèque de l’université de Pau et 67 heures pour celle de l’université de Metz (bibliothèque du Saulcy).
mais recul dans les bibliothèques publiques
L’IGB confirme la tendance critique de la réduction générale du nombre d’inscrits et aussi du nombre de documents prêtés dans les bibliothèques publiques. Nouvelles habitudes des utilisateurs de la catégorie des moins de 24 ans (taux de réduction supérieur à 20 %), réduction ou insuffisance des amplitudes d’ouvertures, politique d’innovation insuffisante, voilà les quelques pistes qui semblent expliquer cela. Le chiffre de la baisse atteint pour certains sites le seuil critique de 20 %. Le rapport mentionne pour le cas typique de Moulins, par exemple, que « la baisse sensible du niveau des acquisitions, l’obsolescence d’une partie du fonds de lecture publique, l’équipement informatique devenu inadapté, le déficit de places assises, la diminution du nombre des emplois et des horaires sont à l’origine d’une désaffectation du public tout à fait compréhensible et qui se traduit notamment par la diminution constante des inscrits ».
mutualiser et numériser pour s'adapter
Les évolutions et les adaptations préconisées dans le rapport portent notamment sur la mutualisation des achats et des technologies, la numérisation et le développement de learning centers. La mutualisation est une des réponses aux fortes contraintes budgétaires. Au plan des achats, la mutualisation des acquisitions de la documentation électronique est en progression forte. En parallèle, l’harmonisation de plates-formes informatiques de SIGB et de portails pour la syndication des contenus s’effectue de plus en plus de manière groupée notamment dans le cadre de groupements de communautés d’agglomérations par exemple. La conception de la future bibliothèque du campus Condorcet est d’ores et déjà orientée vers « la mutualisation des acquisitions, du système d’information et des règles communes d’accès aux documents ». Des économies d’échelles sont ainsi réalisées. Les programmes de numérisation sont lancés et se développent en forte majorité pour la sauvegarde et la valorisation des fonds documentaires patrimoniaux – Boulogne-sur-Mer, Cherbourg- Octeville… Dans le cadre de l’engagement des bibliothèques à contribuer à la montée en compétence des étudiants et utilisateurs, l’IGB approfondit son analyse en mentionnant le modèle des learning centers anglo-saxons. Ces centres sont intégrés physiquement dans les grands établissements et contribuent à former les utilisateurs à des méthodologies de recherche, technologies de documentation, etc. Avec une amplitude horaire importante, des learning centers comme celui de l’université de Sheffield Hallam (Royaume-Uni) ont fait leurs preuves.