Un cloud français est né. Soutenus par l’Etat, les projets de nuage Numergy et Cloudwatt ne devraient pas faire pschitt.
La rentrée était placée cette année sous le signe des nuages. Une avalanche de nouveaux services dédiés au cloud ont été annoncés tout au long du mois de septembre. Deux d’entre eux ont particulièrement retenu l’attention : Numergy et Cloudwatt. Et pour cause : l’Etat est partie prenante de la création de ce "cloud à la française" avec un investissement de 150 millions d’euros via la Caisse des Dépôts.
L’initiative recèle une dimension politique même si elle n’est pas évoquée officiellement. Il s’agit de créer une alternative aux serveurs de données situés aux Etats-Unis qui sont soumis au Patriot Act. Cette loi adoptée aux Etats-Unis à la suite des attentats du 11 septembre 2001 oblige les hébergeurs de données à communiquer les informations stockées sur leurs serveurs si le gouvernement le leur demande.
une quarantaine de centres de données à l’horizon 2020
Présenté comme "producteur d’énergie numérique au service des entreprises et des institutions", Numergy est adossé aux deux géants SFR et Bull qui détiennent respectivement 47 % et 20 % du capital, les 33 % restants étant apportés par la Caisse des Dépôts dans le cadre du Fonds national pour la société numérique (FSN). Au total, le budget de la nouvelle entité s’élève à 225 millions d’euros dont 75 à la charge de l’Etat. Selon son président, Philippe Tavernier, la création de Numergy illustre "la pertinence du partenariat public-privé, une vision commune et un projet qui a du sens".
Ses services proposent une série de prestations autour des capacités de stockage et du calcul à distance. Ils seront commercialisés par des intégrateurs, des sociétés de services ou des opérateurs télécom.
A ce jour, le parc de Numergy est composé de deux centres de donnés situés dans les régions parisienne et lyonnaise. Il devrait être porté à une quarantaine de centres à l’horizon 2020. Le projet devrait également entraîner la création de 400 emplois d’ici trois ans. L’entreprise affiche l’ambition de conquérir 15 % du marché français dans le cloud public.
catalyseur de croissance
Autre projet phare dans lequel l’Etat a pris position : Cloudwatt. Là aussi, deux mastodontes prennent part à la nouvelle entité, Orange et Thales. Cloudwatt souhaite d’ores et déjà jouer dans la cour des grands : "Créer en France, et à terme en Europe, une infrastructure de cloud computing performante, sécurisée et au service de toute l’économie française".
Le capital de Cloudwatt est détenu à 44,4 % par Orange, 22,2 % par Thales et 33,3 % par la Caisse des Dépôts qui intervient pour le compte de l’Etat. Dans l’attente de l’obtention des autorisations réglementaires, on ne connaît pas encore les détails des prestations que Clouwatt proposera à ses clients. Mais, pour son président, Patrick Starck, le succès de l’entreprise sera au rendez-vous : "Cloudwatt va désormais pouvoir jouer pleinement son rôle de partenaire de confiance, catalyseur de croissance pour toutes les entreprises du pays quelle que soit leur taille".
concurrence faussée
Mais à peine nées, ces deux nouvelles sociétés font déjà l’objet de critiques. En cause leur financement public-privé qui risque de déséquilibrer le marché déjà occupé par une multitude d’hébergeurs de tailles très variées. Ces derniers estiment qu’ils devront désormais affronter une concurrence faussée par la présence de l’Etat dans le capital de Numergy et Cloudwatt.
Certains observateurs s’interrogent également sur la création de deux nouvelles entreprises et estiment qu’il aurait été plus judicieux de concentrer un investissement de 150 millions d’euros sur un seul projet. D’autres, au contraire, raillent déjà l’intervention de l’Etat et sa participation ridicule face à des sociétés privées qui ont déjà investi des milliards d’euros et de dollars dans le cloud (Cisco, IBM, Google, Microsoft…).
Au-delà des inévitables questions franco-françaises sur le rôle de l’Etat dans l’économie, la question des services proposés par Numergy et Cloudwatt est également posée. A ce jour, peu d’informations ont filtré sur les détails de l’offre des deux nouvelles sociétés.