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Information professionnelle : je t'aime, moi non plus

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    Les positions des uns et des autres sont donc diamétralement opposées. La première manche a été remportée par les partisans de libre accès. (Fotolia)
  • Sommaire du dossier :

    Information électronique professionnelle : il y a ceux qui en vivent et ceux qui la font vivre ! Entendez les éditeurs, agrégateurs et agences d’abonnement, d’un côté, et les scientifiques, chercheurs et bibliothèques universitaires, de l’autre. Mais cette vision « clivante » semble appartenir de plus en plus au passé. Un dialogue s’est instauré entre les parties, bien sûr pour négocier les coûts. Mais voilà que le jeu est bousculé par la question de l’open access et que les passions se ravivent. D’autant que, parallèlement, le projet de loi pour une République numérique voudrait encourager celle-ci. Le point avec les professionnels.

    Après deux ans de gestation, le projet de loi pour une République numérique est arrivé devant l'Assemblée nationale le 19 janvier dernier. Porté par la secrétaire d'État au Numérique Axelle Lemaire, le texte ne manque pas d'ambitions : création d'un système d'exploitation souverain, ouverture des données publiques, développement du logiciel libre dans l'administration, renforcement des pouvoirs de sanction de la Cnil, création d'un service public de la donnée... « Le projet de loi pour une République numérique, c'est plus d'ouverture, plus de concurrence, plus de confiance pour faire de la France un leader de l'économie de la donnée », souligne Axelle Lemaire.

    Mais plusieurs volets de ce projet de loi ne passent pas. Notamment l'article 17 qui prévoit le « libre accès aux publications scientifiques de la recherche publique ». L'objectif est louable : réduire les frais d'abonnement que les bibliothèques doivent consentir pour accéder aux ressources documentaires de qualité. Ainsi le consortium Couperin doit-il débourser chaque année 34 millions d'euros pour profiter des 13 millions d'articles de la base de Reed Elsevier.

    « fossoyeur de la recherche scientifique française »

    Mais les éditeurs ne l'entendent pas de cette oreille : « Sous l'influence du mythe de la gratuité, Axelle Lemaire incite les chercheurs français à 

    mettre en accès gratuit (open access) leurs publications scientifiques, dans des délais tellement courts que la plupart des institutions académiques françaises et étrangères seront encouragées à se désabonner des revues scientifiques françaises et que le marché s'effondrera », avertissent le Syndicat national de l'édition (SNE) et la Fédération nationale de la presse d'information spécialisée (FNPS). En l'état, le projet de loi serait « le fossoyeur de la recherche scientifique française »... Le SNE demande tout simplement le retrait ou l'amendement de l'article 17 du projet de loi. L'article contesté prévoit la mise à disposition gratuite sous forme numérique des articles scientifiques dans des délais très courts : six mois après leur publication initiale pour les STM (sciences, techniques et médecine) et douze mois pour les SHS (sciences humaines et sociales). Cette mesure ne concerne toutefois que les travaux financés sur fonds publics à hauteur d'au moins 50 %. 

    Piquée au vif, Axelle Lemaire n'a pas manqué de faire remarquer que ces critiques étaient proférées par un acteur bien particulier de l'information scientifique : « Ces revendications émanent des éditeurs et pas des chercheurs, ni des auteurs. La recherche, si elle n'est pas ouverte, si elle n'est pas internationale, si elle n'est pas partagée avec la communauté de chercheurs la plus élargie possible, et bien elle ne rayonne pas ! Je pose donc la question : est-ce bien le gouvernement qui se veut le fossoyeur de la recherche en 2016 lorsqu'il cherche à étendre le périmètre d'influence des écrits des chercheurs français, ou sont-ce les éditeurs ? »

    Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, les députés ont finalement exclu certaines publications afin de préserver les éditeurs d'ouvrages scientifiques collectifs. Quant au gouvernement, il remettra un rapport consacré aux effets de la nouvelle loi sur le marché de l'édition.

    Indigence des budgets d'acquisition

    Dans une tribune publiée au mois de janvier dernier, un collectif rassemblant quelques-unes des revues les plus en vue de la place (Le Débat, Commentaires, Esprit, Ethnologie française...) pointait, lui aussi, les errements du fameux article 17. Il le faisait d'autant plus volontiers qu'il est favorable au principe d'une diffusion la plus large possible des articles. Mais il rappelle également « l'indigence des budgets d'acquisition des bibliothèques universitaires, scandaleusement plus faibles que ceux de leurs homologues des grands pays industrialisés ». À ses yeux, nos voisins d'Europe du Nord ont su agir de façon concertée, chercheurs, éditeurs et bibliothécaires « ont mis en oeuvre des études d'impact rigoureuses et des outils de suivi afin de concevoir de nouveaux modes de financement des publications scientifiques ».

    De leur côté, les éditeurs font valoir que dans sa version initiale l'article 17 risque de « porter atteinte à la capacité de survie de certaines revues » (voir page 16). Elsevier critique notamment la durée de six mois après publication. Aux yeux de l'éditeur, aucun pays n'a adopté une telle mesure alors que ce délai est de douze mois en Allemagne, aux États-Unis, en Espagne et en Italie. Quant à Wolters Kluwer, c'est le principe même de publication de recherche publique qui est remis en cause. Pour l'éditeur « un article publié par Wolters Kluwer - avec rémunération de son auteur par Wolters Kluwer - est un article de la recherche privée ».

    Les positions des uns et des autres sont donc diamétralement opposées. La première manche a été remportée par les partisans de libre accès. Le « projet de loi pour une République numérique » et son fameux article 17 ont été bel et bien été adoptés le 26 janvier par l'Assemblée nationale (356 voix pour, 1 voix contre et 187 abstentions). Mais Axelle Lemaire n'en a pas encore terminé avec son texte qui devra être examiné par le Sénat dans le courant du mois d'avril prochain.


    + repères

    Wolters Kluwer France cède son pôle presse, Questel rachète IPR, Infopro change de mains

    Les lignes n'en finissent pas de bouger dans le domaine de la presse professionnelle. Wolters Kluwer France a engagé des négociations exclusives avec le groupe ATC pour la cession de son pôle presse. Cette opération porte sur un ensemble de 12 titres (La Lettre des juristes d'affaires, Logistiques magazine, Le Journal de la marine marchande...) représentant un chiffre d'affaires de 22 millions d'euros (en 2015) pour 170 salariés. La filiale française du groupe néerlandais « se recentre ainsi sur le développement de ses activités de solutions, logiciels et services sur ses marchés cibles des cabinets d’avocats, directions juridiques et des autres professionnels du droit et de la conformité ». Basé à Metz et fondé en 1987 par François Grandidier, le groupe ATC édite de nombreux titres de presse professionnelle dédiés à l'agriculture et à la santé animale. La transaction pourrait être conclue dès le mois d'avril.

    Questel, de son côté, a procédé au rachat de l'américain IPR (Intellectual Property Research) spécialisé dans la recherche d'antériorité et la contrefaçon. Le spécialiste français de la propriété intellectuelle entend ainsi renforcer ses positions : « Cette acquisition fait partie de notre stratégie visant à couvrir tous les besoins de la propriété intellectuelle avec les logiciels et les services », souligne Charles Besson le PDG de Questel. La société a par ailleurs annoncé un investissement minoritaire significatif dans la plateforme The Assets qui permet de vendre, acheter ou échanger à l'international des biens matériels et immatériels : mobilier de bureau, flotte automobile, marques, brevets...

    Quant au Groupe Infopro Digital (L'Usine nouvelle, La Gazette des Communes, LSA...), il passe entre les mains de TowerBrook un fonds basé en Europe et aux États-Unis. Infopro Digital emploie 2 500 collaborateurs et réalise un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros.

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    Êtes-vous prêts à renoncer à des services numériques ou à vos appareils électroniques pour le bien commun ? Face à l'urgence climatique, notre rapport au progrès et à la technologie est souvent remis en question. Archimag Podcast a rencontré Alexandre Monnin, philosophe, directeur du master Sciences, Stratégie et Design pour l’Anthropocène à l’ESC Clermont Business School et auteur de l'ouvrage "Politiser le renoncement", aux Éditions Divergences. Il est aussi co-initiateur du courant de la redirection écologique, dont il nous explique le principe.
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