Temps de lecture : 6 minutes
Découvrez toutes les newsletters thématiques gratuites d'Archimag dédiées aux professionnels des bibliothèques, des archives, de la veille, de la documentation et de la transformation numérique ! A chaque professionnel sa newsletter !
Un serious game pour sensibiliser les étudiants à la question du plagiat
Comment sensibiliser les étudiants au fléau du plagiat ? Il existe bien sûr la méthode traditionnelle : les professeurs rappellent doctement la loi aux étudiants étourdis. Mais l’université de Bordeaux a décidé d’opter pour une solution plus originale : le serious game.
Lancé en 2018 et disponible en ligne, Subpoena, un jeu vidéo sérieux conçu par le service de coopération documentaire (SCD) de l’université de Bordeaux a pour ambition de dire ce qui peut se faire et ce qui est interdit dans le cadre des formations à la recherche documentaire.
Lire aussi : Escape game en bibliothèque : initiatives à la conquête des publics
Une enquête universitaire résolue grâce à des références bibliographiques
Subpoena (« sous peine », en latin) est un jeu de résolution d’énigmes basé sur la reconstitution de références bibliographiques et la détection du plagiat. Le scénario s’appuie sur plusieurs éléments : une élection controversée, un document compromettant, un lanceur d’alerte… Cette « enquête universitaire » doit être résolue par le joueur à l’aide de références bibliographiques dans le respect du droit d’auteur.
Subpoena se joue seul ou en binôme. « Les joueurs apprenants sont amenés à reconstituer des références bibliographiques correspondant à des types de documents différents et sont sensibilisés au plagiat », explique l’université de Bordeaux.
Deux formats sont proposés aux étudiants : une version longue, de 45 minutes, pour un usage à distance et en autonomie, et une version courte qui est intégrée dans une séance de formation d’une heure.
Lire aussi : Innovation : les bibliothèques, laboratoires de réinvention
Jeu sérieux sous licence Creative Commons
Après avoir été bêta-testé lors de formations documentaires avec des étudiants en écotoxicologie et en sociologie, le jeu est disponible sous licence Creative Commons. Il peut également faire l’objet de critiques et de suggestions via un formulaire d’évaluation afin d’améliorer l’expérience utilisateur. Résultat : Subpoena a été récompensé par le prix spécial du Jury Peps en 2019.
Lire aussi : Le design thinking : vers une coproduction entre les bibliothèques et les usagers
Un serious game pour développer des compétences informationnelles
Forte de ce succès, les équipes du SCD de l’université de Bordeaux ont édité un deuxième jeu sérieux consacré à la science ouverte. Baptisé « Journey to open science », ce serious game est également un jeu de résolution d’énigmes qui confronte le joueur à des difficultés d’accès aux publications scientifiques.
Objectif : l’étudiant va prendre conscience des restrictions d’accès dans le circuit éditorial « classique » et découvrir d’autres modes de diffusion. Les indices se trouvent par exemple dans le Plan national pour la science ouverte ou dans la loi pour une République numérique.
« La singularité de ces deux projets est qu’ils reposent à 90 % sur des ressources universitaires, notamment le moteur de jeu Segment développé dans un laboratoire de Bordeaux », explique Emmanuelle Floch-Galaud, responsable du service transversal des formations documentaires ; « ces nouveaux outils numériques, comme un jeu sérieux et des tutoriels, permettent aux étudiants d’accéder plus facilement aux ressources des bibliothèques afin de développer leurs compétences informationnelles ».
Lire aussi : Un Mooc pour bonifier vos compétences informationnelles
Maintenir l’équilibre entre le ludique et le pédagogique
Du côté des étudiants, ces jeux ont reçu un bon accueil : « Les retours sont très positifs. Les étudiants sont contents de jouer et satisfaits d’être sensibilisés à une notion un peu négative — le plagiat — par le jeu. Après avoir joué à résoudre des énigmes dans la première partie du jeu, la synthèse de la deuxième partie, avec ses conseils, est appréciée. En formation en présentiel, les formateurs reviennent donc sur les “signes” et “risques” du plagiat et évoquent, en prolongement, l’existence du logiciel de “détection” du plagiat Compilatio qui est utilisé à Bordeaux par un certain nombre d’enseignants ».
La création de tels jeux ne s’improvise pas. Il faut tenir compte du public, être attractif en restant fiable, savoir travailler en mode projet… Bref, les problèmes commencent au moment même où le serious game prend naissance :
« Plutôt que de parler de problèmes, on peut évoquer la difficulté à maintenir l’équilibre entre le ludique et le pédagogique : stimuler les émotions, garder le flow en ne perdant pas de vue les objectifs pédagogiques », constate Emmanuelle Floch-Galaud ; « comme tout travail d’équipe multimétier (experts pédagogiques, game designer, directeur artistique, développeur), la création d’un jeu nécessite une gestion de projet à la fois rigoureuse et agile. Dernier point : favoriser l’appropriation du jeu par les formateurs qui vont l’utiliser avec les étudiants car l’utilisation d’un jeu modifie la posture du formateur, il faut s’y préparer, sans quoi cela peut être déstabilisant ».
Lire aussi : Lancement du mini-Mooc gratuit sur la veille développé par Serda-Formation et Archimag
Un serious game pour la sauvegarde des archives sinistrées
Du côté des archivistes, on s’est également emparé des jeux sérieux pour la bonne cause : la sauvegarde des archives sinistrées. Le Service interministériel des Archives de France (Siaf) a conçu deux jeux sérieux destinés à acquérir les automatismes et les réflexes qui font la différence en situation réelle.
Scénario : « Un magasin d’archives a pris feu. Après le passage des pompiers, il faut évacuer, trier et traiter les documents inondés par les canons à eau. Vous êtes nommé coordinateur PSBC (Plan de sauvegarde des biens culturels), à vous de prendre les décisions qui permettront un sauvetage efficace des archives et d’adopter l’attitude qui recueillera l’adhésion de vos équipes ! »
Le premier de ces jeux est plus particulièrement consacré à la préparation des opérations de sauvetage avec la constitution des équipes d’intervention et de la répartition des rôles et des responsabilités. Le second s’attache au sauvetage à proprement parler des archives (évacuation et tri des documents, importance de la communication entre les équipes d’intervention, traçabilité des collections).
Chacun de ces jeux est accompagné d’une vidéo. En s’adressant ainsi aux archivistes, le Siaf mise sur la complémentarité des deux dispositifs : « Mettre en pratique les connaissances que vous aurez acquises suite à la visualisation des films, et (…) apprendre en vous amusant ! »
Lire aussi : Archivage électronique : un MooC pour s'emparer du sujet !
Créer un serious game sur la veille au Cnam
Pour Adeline Isach, formatrice au Cnam, la création d’un jeu sérieux à destination des étudiants obéit à quelques règles :
« En premier lieu, un scénario, une histoire, un point de départ du jeu. Si possible des personnages auxquels l’étudiant va pouvoir s’identifier, et une quête. Dans mon premier escape game, “Panik à bord”, il s’agissait pour des étudiants en L3 marketing de réviser les fondamentaux de la veille : savoir identifier des sources fiables, connaître les moteurs de recherche, savoir utiliser les opérateurs de recherche ».
« Ensuite, très rapidement, j’essaie de matérialiser l’énigme finale. Et une fois le scénario dans ma tête, je crée une carte mentale que je partage avec l’ingénieure pédagogique : cette collaboration est indispensable ».
Du côté des outils, elle utilise Genially, VTS de Serious Factory, et FrameVr. Du côté des étudiants, ces dispositifs semblent remplir leur mission : « En général, ils sont conquis car c’est une façon inhabituelle de faire cours. Ils entrent tout de suite dans l’esprit du jeu ».